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29/07/2022 | FRANCE | N°22PA01407

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 juillet 2022, 22PA01407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104609 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de Mme A... B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi

strée le 25 mars 2022, Mme A... B..., représentée par Me Hervet, doit être regardée comme demandant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... B... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104609 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de Mme A... B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2022, Mme A... B..., représentée par Me Hervet, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104609 du 25 février 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; (faute de frappe dans son nom ; délai rapide de prise de décision) ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-12 et L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, le préfet de Seine-et-Marne, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

M. D... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... A... B..., ressortissante tunisienne née le 10 juillet 1995, est entrée en France le 17 septembre 2018 sous couvert d'un visa long séjour valant titre de séjour à la suite de son mariage le 10 août 2017 en Tunisie avec M. C... E..., de nationalité française. Le 1er juillet 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de " conjoint de français ". Par un arrêté en date du 29 août 2019, le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination au motif que la communauté de vie avait été rompue à la suite de son départ du domicile de l'intéressée. Le 3 mars 2021, elle a demandé son admission exceptionnelle au séjour auprès du préfet de Seine-et-Marne en raison des violences conjugales dont elle a été victime entre septembre 2018 et juillet 2019. Par un arrêté du 19 avril 2021, le préfet de Seine-et-Marne, lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... B... relève appel du jugement du 25 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, Mme A... B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation et d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2 et 3 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin (...). Le titre de séjour arrivé à expiration de l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, est renouvelé (...) ".

4. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A... B... a porté plainte à l'encontre de son époux le 18 juillet 2019 pour violence conjugale, elle ne bénéficie d'aucune ordonnance de protection prise en application de l'article 515-9 du code civil. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police de Seine-et-Marne a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable en refusant de lui renouveler son titre de séjour.

5. En troisième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " / (...) ". En vertu de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à 1'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / 1 a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé (...) ". Enfin, l'article 11 de cet accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ".

6. D'une part, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre. Par l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu créer un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française. La circonstance que l'article 10 de l'accord franco-tunisien ne prévoit pas le cas des personnes pour lesquelles la communauté de vie a été rompue, pour le motif évoqué ci-dessus, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, si les dispositions précitées de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne créent aucun droit au renouvellement du titre de séjour d'un étranger dont la communauté de vie avec son conjoint de nationalité française a été rompue en raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de ce dernier, de telles violences, subies pendant la vie commune, ouvrent la faculté d'obtenir, sur le fondement de cet article, un titre de séjour, sans que cette possibilité soit limitée au premier renouvellement d'un tel titre. Il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie le renouvellement du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, du délai qui s'est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les violences conjugales dont fait état l'intéressée n'avaient pas été portées à la connaissance du préfet de Seine-et-Marne lorsqu'il a rejeté, le 29 août 2019, la demande de renouvellement de titre de séjour présentée le 1er juillet 2019. Ces faits n'ont été évoqués, pour la première fois, que lors de la seconde demande de titre présentée le 3 mars 2021. Le premier arrêté du 29 août 2019 n'ayant pas fait l'objet d'un recours pour excès de pouvoir tendant à son annulation de la part de la requérante, celui-ci est par conséquent devenu définitif. Dès lors, ainsi que l'ont à bon droit jugé les premiers juges, la demande présentée le 3 mars 2021 ne pouvait pas être regardée comme une demande tendant au renouvellement d'un titre mais devait être regardée comme une première demande de titre de séjour. Par voie de conséquence, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Seine-et-Marne aurait méconnu les dispositions de l'article L. 312-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) "

9. Si la requérante fait valoir qu'elle vit en France depuis son arrivée en septembre 2018 et qu'elle a fait preuve d'une véritable intégration au sein de la société française notamment du point de vue professionnel en trouvant un emploi dès le mois d'août 2019, soit un mois après avoir quitté le domicile conjugal, il ressort cependant des pièces du dossier que Mme A... B... n'a travaillé en tant que garde d'enfant que quelques heures par mois entre août 2019 et février 2020 puis entre août 2020 et novembre 2020. Si elle produit également une promesse d'embauche en date du 2 février 2021, ces éléments ne sauraient suffire à démontrer une intégration professionnelle. Par ailleurs, il ne ressort ni des dires de la requérante ni des pièces du dossier qu'elle aurait tissé en France des liens privés et familiaux d'une intensité et d'une stabilité particulières, hormis son époux avec lequel elle ne vit plus. Il ressort en outre de la fiche de salle complétée par la requérante le 3 mars 2021 lors de sa demande de titre que sa mère et ses trois sœurs vivent en Tunisie, son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans. Dans ces conditions, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... B... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté.

10. En dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être énoncées, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme A... B... avait quitté le domicile conjugal depuis plus d'un an et demi et que les faits de violences qu'elle allègue, n'ont pas perduré depuis son départ du domicile conjugal le 9 juillet 2019, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, Mme A... B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, le moyen tiré de cette illégalité invoquée par la voie de l'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10, les moyens tirés de ce que le préfet, en prononçant à l'encontre de Mme A... B... une obligation de quitter le territoire français, aurait entaché sa décision d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... B... épouse E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... B... épouse E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2022.

Le président rapporteur,

I. D...L'assesseure la plus ancienne,

M. F...

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22PA01407 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01407
Date de la décision : 29/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : HERVET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-29;22pa01407 ?
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