La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/2022 | FRANCE | N°21PA00682

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 29 juillet 2022, 21PA00682


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société australe d'animation touristique a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la réduction des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2011 à 2015 et pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2016, et d'ordonner, en conséquence, la restitution du trop-perçu.

Par un jugement n° 1600336 du 16 février 2017 et un jugement n° 1700217 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif d

e Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17PA01711, 17PA03992 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société australe d'animation touristique a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la réduction des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2011 à 2015 et pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2016, et d'ordonner, en conséquence, la restitution du trop-perçu.

Par un jugement n° 1600336 du 16 février 2017 et un jugement n° 1700217 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 17PA01711, 17PA03992 du 28 mars 2019, la Cour a rejeté l'appel formé par la société australe d'animation touristique contre ces jugements.

Par une décision n° 432056 du 4 février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi présenté par la société australe d'animation touristique, a annulé cet arrêt et a renvoyé les affaires à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Sous le n° 21PA00684 :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 mai 2017, 20 mars 2018 et 28 octobre 2021, la société australe d'animation touristique, représentée par Me Yann Elmosnino, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600336 du 16 février 2017 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge partielle des sommes auxquelles elle a été assujettie, à hauteur de 439 163 544 F CFP, au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux, pour les années 2012 à 2015 ;

3°) en conséquence de quoi, de ramener le montant des prélèvements à la somme de 267 099 425 F CFP ;

4°) de prononcer la restitution de la somme de 172 064 119 F CFP à titre de trop perçu ;

5°) de condamner la Nouvelle-Calédonie et la commune de Nouméa à lui verser, chacun, la somme de 350 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- sa réclamation a été régulièrement présentée au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

- les modalités de calcul du prélèvement communal ne sont pas conformes à l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, lequel renvoie aux dispositions applicables au prélèvement territorial qui s'applique au produit net des jeux.

Par des mémoires en défense enregistrés le 25 septembre 2017, le 28 mars 2018 et le 23 avril 2021, la commune de Nouméa, représentée par la SCP Seban et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société australe d'animation touristique la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est tardive ;

- la réclamation de la société australe d'animation touristique est tardive en ce qu'elle porte sur l'application constante d'une imposition instituée en 1996 ;

- les conclusions présentées au titre de l'année 2012 sont irrecevables en application de l'article 1106 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- la réclamation n'ayant pas été adressée à la commune de Nouméa, les conclusions sont irrecevables ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 août 2017 et le 25 mai 2021, le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, représenté par Me de Greslan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société australe d'animation touristique la somme de 500 000 CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est tardive ;

- la réclamation n'ayant pas été adressée à la commune de Nouméa, les conclusions sont irrecevables ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Sous le n° 21PA00682 :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 décembre 2017 et le 28 octobre 2021, la société australe d'animation touristique, représentée par Me Yann Elmosnino, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700217 du 28 septembre 2017 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution des sommes auxquelles elle a été assujettie, à hauteur de 514 271 783 F CFP, au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour les années 2011 à 2015 et pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2016 ;

3°) subsidiairement, de prononcer la décharge partielle au titre des mêmes années et pour la même période, et la restitution d'un montant de 241 249 916 F CFP au titre du trop-perçu à raison de ce prélèvement ;

4°) de condamner la Nouvelle-Calédonie et la commune de Nouméa à lui verser, chacun, la somme de 350 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 1106 du code des impôts ne s'applique pas au prélèvement communal sur le produit des jeux ; en conséquence, les conclusions tendant à la réduction du prélèvement communal sur le produit des jeux au titre des années 2011, 2012 et 2013 sont recevables, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal :

- le conseil municipal de Nouméa ne pouvait prévoir des modalités de calcul du prélèvement communal non conformes aux dispositions adoptées par le Congrès de

la Nouvelle-Calédonie et notamment à l'article 890 du code des impôts issu de la délibération n° 91/CP du 20 septembre 1996 relative à des prélèvements sur les établissements des jeux de hasards ;

- à supposer même que la taxe créée par les différents cahiers des charges ait été légalement fondée sur les dispositions du code des impôts, il n'en demeure pas moins que les prélèvements ont été opérés sur la base du produit brut des jeux alors même que les dispositions légales définissant l'assiette de la taxe renvoient aux produits nets.

Par des mémoires en défense enregistrés le 18 mars 2017 et le 23 avril 2021, et un mémoire enregistré le 15 mai 2022, qui n'a pas été communiqué, la commune de Nouméa, représentée par la SCP Seban et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société australe d'animation touristique la somme de 600 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions présentées au titre des années 2011, 2012 et 2013 sont irrecevables en application de l'article 1106 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ; en particulier, il convient d'interpréter les dispositions de l'article 890 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie au regard de l'intention de ses auteurs et du contexte entourant l'adoption de cet article.

La requête a été communiquée au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui a déclaré ne pas être intéressé par la présente affaire.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des impôts de la Nouvelle Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hauton, pour la commune de Nouméa.

Considérant ce qui suit :

1. La société australe d'animation touristique a pour objet social l'exploitation d'un établissement de jeux de bingo sur le territoire de la commune de Nouméa. Par une première réclamation en date du 15 décembre 2015, adressée aux services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie, elle a sollicité la réduction des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux, sur le fondement des dispositions de l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, pour la période allant, selon l'analyse qui en est faite par les services fiscaux dans leur décision de rejet du 8 juillet 2016, sur les années 2013 à 2015, au motif que ce prélèvement avait été assis à tort sur le produit brut des jeux et, en conséquence, la restitution du trop-perçu. Par une seconde réclamation en date du 29 décembre 2016, adressée à la commune de Nouméa, la société australe d'animation touristique a sollicité la réduction des sommes auxquelles elle a été assujettie au titre du prélèvement communal sur le produit des jeux pour la période allant du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2016. Cette seconde réclamation a été rejetée par la commune de Nouméa le 14 avril 2017. La société australe d'animation touristique a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, le 9 septembre 2016 et le 15 juin 2017, d'ordonner la réduction et la restitution sollicitées. Par deux jugement des 16 février et 28 septembre 2017, le tribunal a rejeté ces demandes. Par un arrêt du 28 mars 2019, la Cour a rejeté les appels formés par la société australe d'animation touristique contre ces jugements. Par une décision n° 432056 du 4 février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur un pourvoi présenté par la société Casino de Nouméa, a annulé cet arrêt et a renvoyé les affaires à la Cour, qui y ont été enregistrées sous les numéros 21PA00682 et 21PA00684.

2. Les deux requêtes sont relatives aux mêmes impositions. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le cadre juridique applicable au litige :

3. L'ancien article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, applicable au litige avant son abrogation par la " loi du pays " du 31 décembre 2016 relative aux privilèges et hypothèques et portant diverses dispositions d'ordre fiscal, dispose que : " Le cahier des charges, approuvé par le conseil municipal de la commune d'implantation d'un établissement de jeux de hasard régulièrement autorisé, peut comporter une clause instituant au profit de ladite commune un prélèvement sur le produit des jeux au maximum égal à 10% de la même base que le prélèvement opéré au profit de la Nouvelle-Calédonie avec abattement à la base de 30 % (...). ". L'article 626 du même code précise que le prélèvement opéré au profit de la Nouvelle Calédonie est établi sur le " produit net des jeux d'argent pratiqués " qui s'entend " en ce qui concerne l'ensemble des recettes, à l'exception de celles procurées par les junket tours et du Texas hold'em Poker, du produit brut des jeux, augmenté du total des pourboires reçus et diminué des salaires, charges sociales et rémunérations autres que celles versées aux membres du conseil d'administration ; / en ce qui concerne les recettes provenant des junket tours et du Texas hold'em Poker, du produit brut des jeux, diminué de l'ensemble des frais spécialement engagés pour la réalisation de ces opérations ".

4. Par ailleurs, selon la deuxième phrase de l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " (...) Le prélèvement est liquidé et contrôlé, sur une déclaration fournie et certifiée par l'administration fiscale, selon les mêmes procédures que la taxe territoriale. Il est recouvré par le comptable de la commune. " Il est précisé, à l'article D. 241-15 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, que les fonctions de comptable de la commune sont exercées par le comptable direct du Trésor puis, à compter de l'entrée en vigueur du décret du 27 mai 2014 portant adaptation de dispositions pour faire suite à la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la compatibilité publique, par un comptable de la direction générale des finances publiques. L'article 647 du même code prévoit que : " En ce qui concerne les cercles ou maisons de jeux, des relevés sont établis par le directeur du casino selon la même disposition que le carnet des prélèvements et retrace dans leurs cadres 1 à 3 les résultats des cagnottes réalisées pendant le mois pour lequel il est effectué des versements à la caisse du comptable chargé du recouvrement pour chacun des prélèvements à destination de la Nouvelle-Calédonie et de la commune d'implantation, selon les modalités définies par la réglementation applicable à l'établissement. / Le directeur responsable du casino remplit les cadres 1 à 3, certifie le montant du produit net des jeux réalisés jusqu'à la dernière journée ainsi que le montant des prélèvements à verser au titre du mois considéré. Le relevé est contresigné par un membre du comité de direction. / Le directeur du casino remet les relevés récapitulatifs en triple exemplaires à l'administration fiscale le jour même où celui-ci détermine le montant du prélèvement dû sur le produit net des jeux. / Les relevés récapitulatifs sont produits régulièrement chaque mois, dès que l'année est commencée, même s'ils sont négatifs, sur des imprimés certifiés par l'administration fiscale ". Aux termes de l'article 648 de ce code : " La taxe et les prélèvements sont liquidés au vu des déclarations souscrites par les contribuables : / a) mensuellement pour les cercles et maisons de jeux visés à l'article 626-A. / Les fonds, représentant le montant des prélèvements, doivent être versés au comptable de la Nouvelle-Calédonie le jour même de la vérification ou le lendemain si le casino se trouve dans la même localité que le bureau du Trésor et, dans le cas contraire, dans un délai maximum de trois jours. (...) / Le recouvrement des prélèvements est réglé conformément aux dispositions du livre cinquième. Les rôles concernant les contribuables défaillants sont émis conformément aux dispositions des paragraphes I à IV de l'article 1128. L'avis d'imposition est adressé par voie postale sous pli fermé. ". L'article 1128 du code dispose que : " I - Les impôts directs et les taxes assimilées sont recouvrés en vertu soit de rôles rendus exécutoires par arrêté du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou de son délégué, soit d'avis de mise en recouvrement. / La date de mise en recouvrement des rôles est fixée après avis du comptable public compétent. Cette date est indiquée sur le rôle ainsi que sur les avis d'imposition délivrés aux contribuables. (...). "

Sur la requête n° 21PA00684 :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :

5. Aux termes de l'article R.811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. (...) ". Aux termes de l'article 811-5 du même code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis. (...) ". Et aux termes de l'article R.421-7 de ce même code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours (...) est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. (...) " En application de ces dispositions, la société australe d'animation touristique disposait d'un délai d'appel de trois mois.

6. Il résulte de l'instruction que le jugement du tribunal administratif a été notifié à la société australe d'animation touristique le 21 février 2017. Sa requête, dirigée contre ce jugement, a été enregistrée au greffe de la Cour le 22 mai 2017, dans le délai de trois mois qui lui était imparti. Dès lors, la fin de non-recevoir opposé par la commune de Nouméa, tirée de la tardiveté de le requête d'appel, ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. Aux termes de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : / 1° Impôts, droits et taxes perçus au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie ; création ou affectation d'impôts et taxes au profit de fonds destinés à des collectivités territoriales, d'établissements publics ou d'organismes chargés d'une mission de service public ; création d'impôts, droits et taxes au bénéfice des provinces, des communes, des établissements publics de coopération intercommunale ; réglementation relative aux modalités de recouvrement, au contrôle et aux sanctions ; (...). " Selon l'article 21 de la même loi, " I.- L'Etat est compétent dans les matières suivantes : (...) / 2° (...) procédure administrative contentieuse ; (...) ". Et aux termes de l'article 6-2 de la même loi : " (...) sont applicables de plein droit en Nouvelle-Calédonie, sans préjudice des dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : (...) / 6° A la procédure administrative contentieuse ; ".

8. Aux termes de l'article R. 772-1 du code de justice administrative, applicable notamment, en vertu de l'article R. 772-4 de ce code, aux requêtes en matière fiscale dont le contentieux ressortit à la compétence du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie: " Les requêtes en matière d'impôts directs et de taxe sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées dont l'assiette ou le recouvrement est confié à la direction générale des impôts sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales. / Les requêtes relatives aux taxes dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative et autres que celles qui sont mentionnées à l'alinéa 1 sont, sauf disposition spéciale contraire, présentées et instruites dans les formes prévues par le présent code. Aux termes de l'article R. 772-2 du même code : " Les requêtes mentionnées au deuxième alinéa de l'article précédent doivent être précédées d'une réclamation adressée à la personne morale qui a établi la taxe. / Lorsqu'aucun texte spécial ne définit le délai propre à cette contestation, les réclamations doivent être présentées au plus tard le 31 décembre de l'année qui suit celle de la réception par le contribuable du titre d'imposition ou d'un extrait de ce titre. ".

9. Il résulte de ces dispositions que les requêtes relatives à la contribution communale sur le prélèvement du produit des jeux prévu à l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative, doivent être précédées d'une réclamation préalable adressée à la personne morale qui a établi le prélèvement. Il résulte des dispositions des articles 647, 648, 890 et 1128 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, citées au point 4, que le prélèvement communal sur le produit des jeux est liquidé et contrôlé mensuellement par les contribuables, sur une déclaration fournie et certifiée par l'administration fiscale, le paiement intervenant au début du mois suivant celui au titre duquel le prélèvement est dû. Lorsque le contribuable est défaillant, le prélèvement est recouvré soit en vertu d'un rôle rendu exécutoire par arrêté du président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, soit par avis de mise en recouvrement. Dès lors, le président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie doit être regardé comme l'autorité qui a établi la taxe au sens des dispositions de l'article R. 772-2 du code de justice administrative. Il est, par suite, compétent pour connaître des réclamations contentieuses relatives au prélèvement communal sur le produit des jeux, alors même qu'en vertu des dispositions de l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie le prélèvement est versé au profit de la commune concernée et non pas de la Nouvelle-Calédonie Les cahiers des charges signés successivement par la commune de Nouméa et la société australe d'animation touristique, le 10 janvier 1996, le 15 décembre 2005 et le 22 août 2013, ne prévoient en tout état de cause aucune règle dérogatoire à cette compétence du président de la Nouvelle-Calédonie. Dès lors, la société australe d'animation touristique est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme étant irrecevable à défaut d'avoir été précédée d'une réclamation préalable adressée à la commune de Nouméa. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

10. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société australe d'animation touristique.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

11. En premier lieu, la circonstance que la société australe d'animation touristique n'aurait pas, avant 2015, contesté les modalités de liquidation du prélèvement communal sur le produit des jeux au paiement duquel elle est assujettie depuis 1996 ne rend pas sa réclamation du 15 décembre 2015 irrecevable, la commune de Nouméa ne pouvant pas utilement se prévaloir, à cet égard, du dépassement du délai raisonnable fixé par l'arrêt Czabaj du Conseil d'Etat.

12. En second lieu, la commune de Nouméa soutient que les conclusions présentées au titre des années 2011 et 2012 sont irrecevables dès lors que la société a introduit une réclamation préalable auprès des services fiscaux seulement le 15 décembre 2015, soit après l'expiration du délai fixé à l'article 1106 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie.

13. Aux termes de l'article 1106 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " Pour être recevables, les réclamations doivent être adressées au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) / b. du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) ". Il résulte de ces dispositions, qui constituent un " texte spécial " au sens du deuxième alinéa de l'article R.772-2 du code de justice administrative, au demeurant plus favorable pour les contribuables que le délai prévu, par défaut, par le code de justice administrative, que la réclamation présentée par la société australe d'animation touristique le 15 décembre 2015, régulièrement adressée aux services fiscaux de Nouvelle-Calédonie ainsi qu'il a été dit au point 9, ne pouvait porter que sur les sommes payées au profit de la commune de Nouméa à compter du 1er janvier 2013. Il ressort des bordereaux de versement produits à l'instance, et n'est pas contesté par la société australe d'animation touristique, que le paiement intervenait au cours du mois suivant celui au titre duquel le prélèvement était dû, conformément à ce qui est prévu par les dispositions des articles 647 et 648 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. Dès lors, la commune de Nouméa est fondée à soutenir qu'à la date du 15 décembre 2015, la société australe d'animation touristique était forclose à demander la restitution du prélèvement communal sur le produit des jeux qu'elle a acquitté au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 novembre 2012, et par suite, que sa demande présentée au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie était irrecevable dans cette mesure.

En ce qui concerne bien-fondé des impositions :

14. Ainsi que le Conseil d'Etat l'a jugé dans son arrêt du 4 février 2021, n° 432056, il résulte des dispositions du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie citées au point 3 que le prélèvement opéré sur le produit des jeux au profit de la commune où l'établissement de jeux de hasard est implanté a la même assiette que celui qui est opéré au profit de la Nouvelle-Calédonie. Il est par suite établi sur la base du produit net des jeux, réalisé par l'établissement tel que défini par l'article 626 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. Par suite, la société australe d'animation touristique est fondée à soutenir que les services fiscaux de Nouvelle-Calédonie ne pouvaient pas rejeter sa réclamation au motif que le prélèvement prévu à l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie était assis sur le produit brut des jeux.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société australe d'animation touristique est seulement fondée à demander une réduction du prélèvement communal sur le produit de jeux acquitté au titre de la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2015, pour un montant total non contesté de 137 376 692 F CFP.

Sur la requête n° 21PA00682 :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 15 que, s'agissant de cette requête, le litige ne porte plus que sur la période du 1er janvier au 30 septembre 2016. Or il résulte de l'instruction que la réclamation préalable concernant la restitution du prélèvement communal sur le produit des jeux acquitté par la société au titre de cette période a été présentée non dans la réclamation du 15 décembre 2015 adressée aux services fiscaux, mais dans celle du 29 décembre 2016 adressée à la commune, qui n'était pas compétente pour en connaître ainsi qu'il a été dit au point 9.

17. Cependant, quand bien même aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait une telle obligation dès lors, notamment, que l'article L. 114-2 du code de relations entre le public et l'administration ne trouve pas à s'appliquer au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et eu égard notamment à la difficulté pour le contribuable à déterminer que, s'agissant du prélèvement sur le produit des jeux établi au profit d'une commune le président du Gouvernement de la Nouvelle Calédonie est seul compétent pour statuer sur la réclamation préalable exigée par l'article R. 772-2 du code de justice administrative et à la nécessité de garantir l'accès au juge, il incombait à la commune de Nouméa, saisie à tort, de transmettre la réclamation de la société australe d'animation touristique au président du Gouvernement de la Nouvelle Calédonie, lequel est réputé l'avoir rejetée au terme du délai de six mois dont il disposait pour statuer en vertu des dispositions de l'article 1111 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie. Cette décision implicite de rejet est de nature à lier le contentieux et à rendre recevable la demande présentée par la société australe d'animation touristique.

En ce qui concerne bien-fondé des impositions :

18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, la société australe d'animation touristique est fondée à soutenir que sa réclamation préalable ne pouvait pas être rejetée au motif que le prélèvement prévu à l'article 890 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie serait assis sur le produit brut des jeux.

19. Il résulte de ce qui précède que la société australe d'animation touristique est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la réduction du prélèvement communal sur le produit de deux, pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2016, et à la restitution du trop-perçu pour un montant non contesté de 30 514 948 F CFP.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société australe d'animation touristique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Nouvelle-Calédonie et la commune de Nouméa demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

22. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie et de la commune de Nouméa une somme globale de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société australe d'animation touristique au titre de l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600336 du 16 février 2017 est annulé.

Article 2 : Il est ordonné la réduction du prélèvement communal du produit des jeux dont la société australe d'animation touristique est redevable au titre de la période du 1er décembre 2012 au 31 décembre 2015 à concurrence de la somme de 137 376 692 F CFA, et la restitution de cette somme à la société.

Article 3 : Il est ordonné la réduction du prélèvement communal du produit des jeux dont la société australe d'animation touristique est redevable au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 2016, à concurrence de la somme de 30 514 948 F CFP, et la restitution de cette somme à la société.

Article 4 : Le jugement n° 1700217 du 28 septembre 2017 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.

Article 5 : Le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie et la commune de Nouméa verseront à la société australe d'animation touristique la somme globale de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la demande présentée au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie par la société australe d'animation touristique dans l'instance n° 1600336 et des conclusions présentées en appel par cette société est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par la commune de Nouméa sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société australe d'animation touristique, au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la commune de Nouméa.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 29 juillet 2022.

La rapporteure,

C. A...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00682, 21PA00685 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00682
Date de la décision : 29/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : ELMOSNINO

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-29;21pa00682 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award