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18/07/2022 | FRANCE | N°22PA01584

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 juillet 2022, 22PA01584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

16 mars 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2103342 du 10 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du

16 mars 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2103342 du 10 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022, M. B..., représenté par Me Benifla, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103342 du 10 janvier 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2021 du préfet du Pas-de-Calais ;

3°) d'enjoindre au préfet du préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou "salarié" dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il ne se trouvait pas en situation de transit puisqu'il réside en Ile-de-France, justifie d'un logement propre et ne se trouvait dans le Pas-de-Calais que pour des raisons professionnelles ;

- cette décision est entachée et d'une erreur de droit dès lors qu'au vu de sa situation les dispositions de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui étaient pas applicables ;

- elle viole l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français viole l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Pas-de-Calais qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me Benifla, avocate de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 22 novembre 1993, de nationalité ukrainienne, est entré en France en 2019 selon ses déclarations. A la suite de son interpellation le 15 mars 2021 lors d'un contrôle routier, le préfet du Pas-de-Calais l'a obligé, par un arrêté du 16 mars 2021, à quitter le territoire français sans délai en application du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé une interdiction de retour pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 10 janvier 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des termes du jugement attaqué que le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par le requérant, s'est prononcé de façon suffisamment précise sur tous les moyens soulevés par le requérant en première instance. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. Si le requérant soutient d'autre part que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, qu'ils ont violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, méconnu l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ont commis une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens relèvent du bien-fondé du jugement et sont donc insusceptibles d'affecter sa régularité.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée. ". Selon l'article L. 211-4 du même code, l'attestation d'accueil " est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa (...) et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil. ". Aux termes de l'article L511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

8. Il ressort des termes de la décision en litige que pour obliger le requérant à quitter le territoire, le préfet du Pas-de-Calais a relevé que l'intéressé avait été interpellé alors qu'il se rendait en Grande-Bretagne et que son seul but était de rejoindre ce pays, ainsi qu'il l'avait confirmé lors de son audition par les services de police. Il ressort cependant du procès-verbal d'audition de l'intéressé par les services de police du 15 mars 2021 que M. B... n'a pas déclaré vouloir rejoindre la Grande-Bretagne mais qu'il a déclaré être dans le Pas-de-Calais pour des raisons professionnelles et avoir un logement en Ile-de-France depuis janvier 2021. Il ressort toutefois des termes mêmes de la décision en litige que ce motif est surabondant et que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré de ce que M. B... n'était pas en mesure de justifier être entré régulièrement en France ni être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Le requérant entrait, dès lors, dans l'un des cas où l'autorité administrative peut prononcer une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un étranger. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur de fait et une erreur de droit en se fondant sur les dispositions de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. B... soutient être entré en France en 2019 et justifie disposer d'un contrat de travail et d'un logement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans enfant. Il n'établit ni même n'allègue disposer d'attaches anciennes, intenses et stable en France, pays où il est arrivé assez récemment et a résidé en situation irrégulière. En outre, ses parents vivent dans son pays d'origine où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Par conséquent, et alors même que M. B... dispose d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'employé polyvalent au sein de la société Confotherm depuis juin 2020, l'obligation de quitter le territoire français contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, qui n'est entachée d'aucune illégalité.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

13. Si M. B... fait état du conflit armé en Ukraine pour justifier d'une méconnaissance de l'article 3 précité, l'évolution de la situation en Ukraine postérieurement à la date de l'arrêté attaqué est cependant sans incidence sur la légalité dudit arrêté. Par ailleurs, le moyen tiré de ce qu'il aurait été exposé à des risques réels et personnels en cas de retour en Ukraine à la date de la décision attaquée n'est pas établi par les pièces du dossier.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de ce que le préfet, en prononçant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, aurait entaché sa décision d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, que

M. B..., entré sur le territoire en 2019 selon ses déclarations, a résidé irrégulièrement sur le territoire et ne justifie pas avoir créé sur le territoire national des liens personnels et familiaux intenses et stables. Aussi, en dépit de l'absence de comportement troublant l'ordre public, le préfet du Pas-de-Calais a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, prononcer à son encontre la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2022.

Le président-rapporteur,

I. A...L'assesseure la plus ancienne,

M. C...

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 22PA01584 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01584
Date de la décision : 18/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BENIFLA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-18;22pa01584 ?
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