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18/07/2022 | FRANCE | N°22PA01099

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 juillet 2022, 22PA01099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 février 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2203126/8 du 11 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022, le ministre de l'intérieur, représenté par Me Cano, demande

à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203126/8 du 11 février 2022 du magistrat désigné par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 8 février 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'entrée sur le territoire au titre de l'asile.

Par un jugement n° 2203126/8 du 11 février 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022, le ministre de l'intérieur, représenté par Me Cano, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203126/8 du 11 février 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné a annulé sa décision en considérant qu'il avait commis une erreur de droit dès lors que la demande de M. D... était manifestement infondée, au sens de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- aucun des moyens invoqués par M. D... devant le premier juge n'est fondé.

La requête n'a pu être transmise à M. D..., faute d'adresse connue.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention de Genève ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant vénézuélien né le 16 novembre 1995, est arrivé à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle par un vol en provenance de Panama le 3 février 2022 et a demandé le bénéfice de l'asile le 4 février 2022. Par une décision du 8 février 2022, prise après avis de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du même jour, le ministre de l'intérieur a estimé que la demande de M. D... était manifestement infondée et a décidé, en conséquence, de lui refuser l'entrée au titre de l'asile sur le territoire français, en prescrivant son réacheminement vers le Vénézuela ou vers tout autre pays où il serait légalement admissible. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 11 février 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision du 8 février 2022.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 352-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise que dans les cas suivants : (...) 3° La demande d'asile est manifestement infondée./ Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ". Aux termes de l'article L. 352-2 du même

code : " Sauf dans le cas où l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, la décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. L'office tient compte de la vulnérabilité du demandeur d'asile. L'avocat ou le représentant d'une des associations mentionnées au huitième alinéa de l'article L. 531-15, désigné par l'étranger, est autorisé à pénétrer dans la zone d'attente pour l'accompagner à son entretien dans les conditions prévues au même article (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 351-1 du même code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées que le ministre de l'intérieur peut rejeter la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque ses déclarations et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé au titre de l'article 1er A (2) de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés.

4. Pour annuler la décision du ministre de l'intérieur refusant l'entrée sur le territoire français de M. D..., le premier juge s'est fondé sur les déclarations détaillées que celui-ci a faites lors de l'entretien avec le représentant de l'OFPRA, dont il ressort qu'il était membre d'un parti social-chrétien de centre droit et d'opposition au régime, le Copei, auquel il a justifié appartenir, victime de répression de la part du gouvernement vénézuélien en raison de ses actions. Le premier juge a également relevé que l'intéressé avait expliqué lors de l'audience avoir été battu à plusieurs reprises par des membres armés des milices de Nicolás Maduro. Alors même qu'il résulte du rapport sur le Venezuela du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) d'août 2020 que les militants et activistes des droits humains sont victimes de campagnes de diffamation dans les médias pro-gouvernementaux, qu'ils font l'objet de surveillance, d'intimidation, de harcèlement, de menaces et de détentions arbitraires et qu'ils sont ciblés par les forces de sécurité et par les groupes qui agissent avec l'assentiment du gouvernement, c'est à bon droit que le premier juge a pu estimer que la demande de

M. D... n'était pas dépourvue de crédibilité et a jugé que le ministre de l'intérieur ne pouvait en conséquence regarder sa demande d'asile comme étant manifestement infondée.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 juin 2021.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... D....

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Julliard, présidente,

Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2022.

La rapporteure,

M-D. A...La présidente,

M. B...

La greffière,

A. DUCHERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

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N° 22PA01099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01099
Date de la décision : 18/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-18;22pa01099 ?
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