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12/07/2022 | FRANCE | N°21PA03194

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 12 juillet 2022, 21PA03194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 12 novembre 2018 de la direction des services informatiques de Paris-Champagne refusant de lui accorder le bénéfice de la prime de traitement automatisé de l'information (TAI) à compter du mois suivant la publication des résultats de l'examen de pupitreur assistant utilisateur (PAU) et d'enjoindre à l'administration de lui verser la somme de 3 700,10 euros au titre de ses prétentions, jusqu'à la date de sa requête.>
Par un jugement n° 1900579 du 9 avril 2021, le Tribunal administratif de M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 12 novembre 2018 de la direction des services informatiques de Paris-Champagne refusant de lui accorder le bénéfice de la prime de traitement automatisé de l'information (TAI) à compter du mois suivant la publication des résultats de l'examen de pupitreur assistant utilisateur (PAU) et d'enjoindre à l'administration de lui verser la somme de 3 700,10 euros au titre de ses prétentions, jusqu'à la date de sa requête.

Par un jugement n° 1900579 du 9 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 12 novembre 2018, par laquelle la responsable des ressources humaines et budgétaires de la direction des services informatiques Paris-Champagne a refusé de lui accorder le bénéfice de la prime de traitement automatisé de l'information (TAI) et a enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la relance d'attribuer rétroactivement à Mme B..., en remontant jusqu'au 1er décembre 2017, la prime de fonctions prévue par le décret du

29 avril 1971, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 10 juin 2021 et 15 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1900579 du 9 avril 2021.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a dénaturé les faits de l'espèce en jugeant que la décision attaquée du 12 novembre 2018 ne constituait pas une décision confirmative de décisions de rejet plus anciennes, à savoir les courriels du 27 novembre 2017 répondant à une demande d'information du 20 novembre 2017 et du 28 décembre 2017 répondant à une demande d'information du 23 novembre 2017 ;

- les courriels des 27 novembre 2017 et 28 décembre 2018 ne sauraient être regardés comme de simples réponses à des demandes d'information mais contiennent une prise de position claire de l'administration sur les demandes de la requérante ;

- le délai de recours ouvert à Mme B... à l'encontre de la décision du

27 novembre 2017 expirait le 27 janvier 2018 et la décision du 28 décembre 2017 ne présentait qu'un caractère confirmatif de même que celle du 12 novembre 2018 ;

- la requête introduite le 17 janvier 2019 par Mme B... qui a volontairement falsifié une pièce afin de dissimuler la forclusion aux premiers juges est dès lors, tardive et irrecevable ;

- le courriel du 3 septembre 2018 ayant été substantiellement modifié par Mme B... avant sa production devant les premiers juges, une procédure d'inscription en faux conformément à l'article R. 633-1 du CJA devrait être engagée ou une procédure de retrait des débats de la pièce litigieuse.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2022, Mme B..., représentée par Me Brault, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 71-342 du 29 avril 1971 ;

- le décret n° 71-343 du 29 avril 1971 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ho Si Fat, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de M. C..., représentant le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, et de Me Brault, avocat de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent administratif principal de 2ème classe des finances publiques, a été affectée en juin 2016, à l'issue de sa formation à l'école des finances publiques, au sein de la cellule informatique départementale (CID) de Pantin, relevant de la direction des services informatiques Paris-Champagne au sein de la direction générale des finances publiques. Postérieurement à sa réussite à l'examen de " pupitreur assistant utilisateur ", Mme B... a, par un courriel du 3 septembre 2018, présenté une demande tendant au paiement d'une prime de fonctions liée à son affectation au traitement de l'information. Par une décision du

12 novembre 2018, la responsable des ressources humaines et budgétaires de la direction des services informatiques Paris-Champagne a rejeté sa demande. Mme B... a alors demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler cette décision et d'enjoindre à l'Etat de lui verser rétroactivement la prime qui ne lui a pas été versée, et ce à compter du mois de décembre 2017. Par un jugement n° 1900579 du 9 avril 2021 dont le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du

12 novembre 2018 et enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la relance d'attribuer rétroactivement à Mme B..., en remontant jusqu'au 1er décembre 2017, la prime de fonctions prévue par le décret du 29 avril 1971, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance soutient qu'en relevant dans sa décision du 9 avril 2021 que la décision du 12 novembre 2018 ne saurait être regardée comme une décision confirmative de décisions de rejet plus anciennes, notamment du courriel du

27 novembre 2017 répondant à une demande d'information du 20 novembre 2017 et du courriel du 28 décembre 2017 répondant à une demande d'information du 23 novembre 2017, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de qualification juridique de ces courriels.

3. Il résulte de l'instruction que le courriel du 27 novembre 2017 adressé à Mme B... se borne à répondre à une demande d'information de l'intéressée du 20 novembre 2017. De même, le courriel du 28 décembre 2017 émanant de la directrice de l'Etablissement de Service Informatique (ESI) Paris-Montreuil répond à un courriel du 23 novembre 2017 de Mme B..., qui se borne à faire part de sa réussite à l'examen de " pupitreur assistant utilisateurs " et interroge sa hiérarchie sur la nécessité pour elle de solliciter une mutation ainsi que sur la date du paiement de la première prime suite à sa réussite à l'examen de " pupitreur assistant utilisateurs ". Ces échanges de courriels, qui doivent être regardés comme des demandes d'information, n'ont pu sur la base des éléments de réponse qui y ont été apportés faire naître des décisions de rejet de " demandes " tendant au versement de la prime de traitement de fonctions prévue par le décret du 29 avril 1971. Il en résulte que la décision attaquée du 12 novembre 2018 rejetant la demande tendant expressément au versement de la prime de fonctions ne saurait être considérée comme confirmative de décisions antérieures alléguées qui seraient contenues dans les courriels des 27 novembre et 28 décembre 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que, s'agissant de ces courriels, les premiers juges auraient commis une erreur de qualification juridique doit être écarté.

Sur la légalité de la décision attaquée :

4. Aux termes de l'article 1er du décret n° 71-342 du 29 avril 1971 relatif à la situation des fonctionnaires affectés au traitement de l'information : " S'ils justifient de la qualification requise, les fonctionnaires de l'Etat et des établissements publics de l'Etat n'ayant pas le caractère industriel et commercial ont vocation à être affectés au traitement automatisé ou mécanographique de l'information. Le contrôle de cette qualification est organisé sous la forme d'un examen professionnel, ministériel ou interministériel, dont le programme et la nature des épreuves sont fixés par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et, le cas échéant, du ou des ministres intéressés. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 71-343 du 29 avril 1971 relatif aux fonctions et au régime indemnitaire des fonctionnaires de l'Etat et des établissements publics affectés au traitement de l'information : " Lorsqu'ils exercent les fonctions définies à l'article 2 et à condition qu'ils appartiennent à des corps ou soient titulaires de grades dont le niveau hiérarchique est précisé à l'article 4, les fonctionnaires de l'Etat qui sont régulièrement affectés au traitement de l'information peuvent percevoir, en sus des primes et indemnités prévues par la réglementation en vigueur pour les grades ou les corps auxquels ils appartiennent, et dans les conditions précisées aux articles ci-après, une prime de fonctions (...) ". L'article 2 du même décret prévoit en particulier que la prime prévue à l'article 1er est attribuée aux fonctionnaires qui exercent, au sein de " centres automatisés de traitement de l'information ", les fonctions d'" agent de traitement " qui " assiste le pupitreur pour les opérations simples de commande de l'ordinateur et pour la mise en œuvre et la surveillance du fonctionnement des périphériques dont il peut être éventuellement seul responsable ". L'article 4 du même décret réserve le bénéfice de la prime de fonctions précitée aux seuls fonctionnaires dont le niveau hiérarchique n'excède pas les corps de catégorie C, s'agissant des agents de traitement. L'article 5 du décret précité prévoit que : " Les primes prévues à l'article premier ci-dessus sont allouées compte tenu de la durée de fonctions effectivement exercées. / Les crédits à prévoir pour l'attribution de la prime de fonctions sont calculés à partir d'un taux moyen mensuel fixé en 1/10 000 du traitement annuel brut soumis à retenues pour pension afférent à l'indice brut 585. ". Enfin, l'article 6 de ce même décret fixe une règle de détermination du montant de cette prime de fonction, spécifique selon les fonctions éligibles occupées, dès la première année de fonctions, puis son augmentation progressive entre la deuxième et la troisième année, puis au-delà de la troisième année s'agissant des agents de traitement.

5. Pour refuser de faire droit à la demande de Mme B... de versement de la prime de fonctions liées au traitement de l'information, l'administration s'est bornée, dans la décision attaquée du 12 novembre 2018, à lui indiquer qu'elle ne pourrait prétendre au versement de cette prime que lorsqu'elle occupera un emploi de pupitreur assistant utilisateur (PAU), à la suite d'une mutation qui interviendra à l'issue d'une période de trois ans minimum sur l'emploi d'agent administratif qu'elle occupe depuis le 13 juin 2016.

6. Toutefois, il résulte de l'instruction que Mme B..., affectée depuis le 13 juin 2016 au sein de la cellule informatique départementale (CID) de Pantin, effectue ses missions dans un " centre automatisé de traitement de l'information ", au sens des dispositions de l'article 1er du décret n° 71-342 du 29 avril 1971. En outre, l'intéressée est titulaire du grade d'agent administratif des finances publiques et appartient bien à un corps de la catégorie C de la fonction publique. Enfin, contrairement à ce que soutient l'administration, Mme B... a toujours effectué au sein de la CID de Pantin, depuis le début de son affectation, des tâches d'assistance informatique et n'exerce pas que des fonctions administratives. En témoignent notamment, les comptes rendus d'entretiens professionnels versés au dossier pour les années 2016 à 2018 qui mentionnent que Mme B... est un " agent de l'administration faisant fonction de pupitreur assistant utilisateur assurant la gestion du parc informatique et des demandes d'assistance de trois directions à compétence nationale (...) " et que les objectifs professionnels et résultats qui lui ont été assignés, toujours dans le domaine de l'expertise informatique, ont été atteints. Dans ces conditions, en refusant d'accorder à Mme B... le bénéfice de la prime de fonctions prévue par l'article 1er du décret du 29 avril 1971, alors même qu'elle est affectée depuis juin 2016 dans un centre automatisé de traitement de l'information et qu'elle exerce incontestablement des fonctions d'agent de traitement, l'administration a entaché sa décision d'une erreur de droit. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 12 novembre 2018 refusant d'accorder à Mme B... le bénéfice de la prime de traitement automatisé de l'information et lui a enjoint de la lui attribuer rétroactivement, en remontant jusqu'au 1er décembre 2017.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'inscription en faux de la pièce n° 3 versée dans la présente instance par Mme B..., que les conclusions présentées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à l'annulation du jugement du 9 avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme B....

Délibéré après l'audience du 27 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT Le président

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03194
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BRAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-12;21pa03194 ?
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