La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2022 | FRANCE | N°21PA04632

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 11 juillet 2022, 21PA04632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2005681 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance n° 21VE

02102 du 11 août 2021, la Cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la Cour le dos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2005681 du 18 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance n° 21VE02102 du 11 août 2021, la Cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la Cour le dossier de la requête de Mme G..., épouse E....

Par cette requête, enregistrée le 19 juillet 2021, Mme G..., épouse E..., représentée par Me Traore, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sans délai à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme F... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... G..., épouse E..., ressortissante algérienne née le 29 janvier 1987 à Azazga, est entrée en France le 20 février 2018, selon ses déclarations. Le 18 février 2019, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle relève appel du jugement du 18 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 11 mai 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision refusant à Mme E... la délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'une erreur de droit, au motif que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée, doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

4. Pour refuser de délivrer un certificat de résidence à Mme E..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis du 27 juin 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel si le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... souffre d'une dépression consécutive à la perte de son enfant le 17 avril 2018 et qu'elle a été prise en charge le 3 mai 2019 aux urgences en raison d'une intoxication médicamenteuse. L'intéressée a notamment produit devant le tribunal un courriel d'un psychologue, en date du 3 juin 2020, qui atteste d'un suivi lors de son hospitalisation au mois d'avril 2018, puis chaque semaine jusqu'au mois de juillet de la même année, ainsi que de son besoin d'une prise en charge thérapeutique. Il ressort également de l'attestation de suivi du docteur B... que l'appelante a bénéficié de vingt-deux consultations entre le 13 août 2018 et le 24 juin 2020. Enfin, le certificat établi par le docteur A... le 17 mai 2019 préconise un suivi psychiatrique avec psychothérapie ainsi qu'un soutien familial. Il ne ressort toutefois d'aucune de ces pièces médicales que le suivi psychologique et le traitement médicamenteux dont elle bénéficie, composé notamment de Xanax et de Prozac, seraient indisponibles en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme E... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français avec son mari, lequel justifie d'une intégration professionnelle, que leurs deux enfants y sont scolarisés, que son défunt enfant est enterré à Montfermeil et que son père, sa belle-mère et cinq de ses frères et sœurs résident également en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'appelante n'est arrivée dans l'espace Schengen, munie d'un visa de court séjour, que le 20 février 2018 à Alicante, soit depuis seulement deux ans et trois mois à la date de l'arrêté en litige. En outre, Mme E... ne justifie pas de la régularité de la situation administrative de son mari, pour lequel elle n'a en tout état de cause produit que trois fiches de paie pour l'année 2020. Enfin, elle n'établit ni même n'allègue que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans et où résident sa mère et un de ses frères, avec son époux et leurs enfants. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ont été prises et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième lieu, il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux enfants de C... E..., âgés de neuf et sept ans à la date de l'arrêté, ne pourraient poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine et leur vie familiale en Algérie Dans ces conditions, et compte tenu de ce que la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de les séparer de leurs parents, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme G..., épouse E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G..., épouse E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2022.

La présidente-rapporteure,

M. F...L'assesseure la plus ancienne,

M.D. JAYER

Le greffier,

A. DUCHERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04632
Date de la décision : 11/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : TRAORE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-11;21pa04632 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award