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11/07/2022 | FRANCE | N°21PA04084

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 11 juillet 2022, 21PA04084


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2011195/2 du 17 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa de

mande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2021, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2011195/2 du 17 mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2021, M. D..., représenté par Me Le Bel Esquivillon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 18 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont procédé à une substitution de motifs sans qu'une demande de l'administration n'ait été présentée en ce sens ; en conséquence, les premiers juges ont également méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'ils ont procédé à une substitution de motifs sans l'avoir mis à même de présenter au préalable ses observations ;

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

- les décisions ont été prises en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

- ces décisions ne sont pas suffisamment motivées et sont entachées d'un défaut d'examen sérieux de sa situation et d'erreurs de fait ;

- elles sont entachées d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et du fait qu'il justifie résider de façon habituelle et continue en France depuis dix ans ;

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle mentionne le quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 mais vise l'alinéa 2 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est disproportionnée et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 9 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Mme B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant égyptien né le 21 septembre 1983 est entré en France en juillet 2010 selon ses déclarations. Le 14 juin 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 18 septembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement n° 2011195/2 du

17 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. D... soutient que le tribunal a substitué au motif tiré du non-respect d'une obligation de quitter le territoire français celui tiré de la durée de sa présence en France, il ressort de l'arrêté litigieux que s'il est fondé sur la circonstance que M. D... s'est soustrait à une mesure d'éloignement du 4 août 2010, il est également fondé sur la circonstance que l'intéressé ne pouvait " se prévaloir d'une longue présence habituelle et continue sur le territoire ". Par suite, le tribunal administratif de Montreuil n'a pas procédé à une substitution de motifs et M. D... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient méconnu le principe du contradictoire en ne lui permettant pas de formuler ses observations préalables à cette prétendue substitution.

3. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

4. M. D..., qui a été entendu dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour déposée le 14 juin 2019 auprès du préfet de la Seine-Saint-Denis, a ainsi pu faire connaître les observations pertinentes relatives à sa situation personnelle. Par ailleurs, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la possibilité de présenter avant le 18 septembre 2020, date de l'arrêté contesté, les éléments pertinents qui auraient pu avoir une incidence sur le sens de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été prises en méconnaissance de son droit d'être entendu doit être écarté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées ne seraient pas suffisamment motivées et seraient entachées d'un défaut d'examen sérieux et particulier de la situation de M. D... doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

[0]6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. D... fait valoir qu'il vit en France depuis l'année 2010, qu'il s'y est marié le 30 septembre 2016 avec une compatriote, qu'il est père d'une enfant née le 13 juin 2018 à Paris dont il s'occupe et qu'il attend un deuxième enfant. S'il produit de nombreux relevés bancaires, des avis d'imposition et des documents médicaux permettant d'établir la réalité de sa présence en France depuis 2010, ces éléments ne suffisent pas pour démontrer l'intensité de son insertion dès lors notamment que s'il indique également présenter un projet professionnel, il ne justifie d'une activité professionnelle qu'à compter du 6 octobre 2020, soit à une date postérieure aux décisions attaquées. Il est également constant qu'il n'a entamé des démarches visant à régulariser sa situation administrative qu'en juin 2019. Par ailleurs, M. D..., n'établit pas non plus que sa femme serait en situation régulière sur le territoire, ni qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine qu'il n'a quitté qu'à l'âge de vingt-sept ans. Enfin, les décisions en litige n'ont pas pour effet de séparer M. D... de son enfant et de sa femme dès lors qu'aucun obstacle sérieux ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Egypte. Dans ces conditions, les décisions litigieuses n'ont pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elles ont été prises. Ainsi, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté, tout comme celui tiré de ce qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En troisième lieu, si M. D... fait valoir que l'arrêté est entaché d'erreurs de fait dès lors qu'il indique à tort qu'il est célibataire et que son père vit en Egypte alors que ce dernier est décédé, il résulte de ce qui précède que ces erreurs sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté critiqué dès lors que préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas pris en compte ces éléments erronés. Dans les circonstances de l'espèce, ces erreurs ne sont pas de nature à établir que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. D....

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Si M. C... soutient que son enfant mineur est née sur le territoire français en 2018, que cette enfant a toujours vécu en France et est inscrite à la halte-garderie, ces circonstances ne suffisent pas à démontrer que l'intérêt supérieur de son enfant n'aurait pas été pris en compte par le préfet, dès lors qu'il n'invoque aucune circonstance faisant obstacle à ce que sa conjointe et son enfant, âgée de 2 ans et non encore scolarisée à la date de la décision attaquée, l'accompagne avec sa mère de même nationalité que lui-même en Egypte, pour y reconstruire la cellule familiale. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre Etat membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet Etat à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire.. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. (...) ".

12. La décision litigieuse vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que la durée de l'interdiction de retour a été fixée au regard des dispositions du huitième alinéa de ce III. Elle fait état tant de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé que de sa situation personnelle et familiale et notamment de la circonstance qu'il s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est suffisamment motivée.

13. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle mentionne le quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 mais vise l'alinéa 2 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

14. Enfin, pour fixer à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français notifiée à M. D..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la circonstance qu'il s'était soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français. M. D... n'établit l'existence d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononce pas à son encontre d'interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement des dispositions précitées. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à deux ans la durée de cette interdiction.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juillet 2022.

La présidente-rapporteure,

M. B...L'assesseure la plus ancienne,

M.D. JAYER

La greffière,

A. DUCHERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA04084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04084
Date de la décision : 11/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LE BEL ESQUIVILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-11;21pa04084 ?
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