Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 mars 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son certificat de résidence algérien et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 2012767 du 6 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 3 mars 2020 du préfet de police et a enjoint à ce dernier de délivrer à M. D... une carte de séjour temporaire dans le délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2012767du 6 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 (7°) de l'accord franco-algérien ;
- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2021, M. D..., représenté par Me Meliodon, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête du préfet de police et de confirmer l'annulation de l'arrêté du 3 mars 2020 ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'erreur de fait ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 6 (7°) de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien né en juillet 1994, est entré en France en janvier 2015 sous couvert d'un visa C court séjour. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien en qualité d'étranger malade valable jusqu'au 3 juillet 2017, puis a été mis en possession d'un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour. Par un arrêté du 3 mars 2020, le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le tribunal administratif de Paris ayant, par un jugement 6 janvier 2021, annulé cet arrêté et lui ayant enjoint de délivrer à M. D... un titre de séjour dans un délai de trois mois, le préfet de police en relève appel devant la Cour.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser le renouvellement du titre de séjour délivré à M. D... en sa qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 18 novembre 2019 lequel indique que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
4. M. D... a produit devant les premiers juges un certificat médical établi le 16 février 2018 par un praticien du service de diabétologie-endocrinologie de l'hôpital Lariboisière à Paris, réitéré le 10 mars 2020, indiquant qu'il présente un syndrome d'interruption de la tige pituitaire nécessitant un traitement hormonal substitutif à vie dont la dispensation et la prise en charge est impossible en Algérie. M. D... établit, par la production d'une ordonnance médicale de ce même praticien, bénéficier d'un traitement hormonal composé de nutropin (somatropine) et de puregon (follitropine bêta). Le préfet de police établit, par la production d'extraits d'un " Guide de la santé en Algérie ", disponible sur internet, qu'il existe plusieurs établissements hospitaliers en Algérie disposant de services de de diabétologie et d'endocrinologie. Par ailleurs, en appel, le préfet produit la nomenclature des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine de 2016 établie par le ministre algérien de la santé dont il ressort que les substances actives, la somatropine et la follitropine bêta, sont disponibles en Algérie. Ainsi, en refusant de renouveler le titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article 6 (7°) de l'accord franco-algérien, le préfet de police n'a pas méconnu ses stipulations.
5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... tant devant le tribunal administratif qu'en appel.
Sur les autres moyens invoqués par M. D... en première instance et en appel :
En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour :
6. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00117 du 31 janvier 2020, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 7 février 2020, le préfet de police a donné à Mme C... A..., attachée d'administration de l'État, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions en matière de police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
7. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet de police a mentionné les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 sur le fondement desquelles M. D... a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence. Il précise que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, que son état de santé, à la date de l'avis, lui permet de voyager sans risque et qu'après un examen approfondi de sa situation, il ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il expose également des éléments suffisants sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé en relevant qu'il se déclare célibataire et sans charge de famille en France, qu'il a une sœur, un oncle, une tante et des cousins qui résident sur le territoire national et qu'il ne justifie pas être démunie d'attaches familiales à l'étranger. Dans ces conditions, il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est suffisamment motivé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de renouvellement du titre de séjour doit être écarté.
8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, le préfet de police n'a pas entaché son arrêté d'erreur de fait en indiquant que M. D... pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie.
9. En quatrième lieu, M. D... ne peut utilement se prévaloir des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. D... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade.
10. En cinquième lieu, M. D... ne peut davantage se prévaloir utilement des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, comme il a été dit au point précédent, ne s'applique pas aux ressortissants algériens. Toutefois, l'autorité préfectorale peut délivrer un titre de séjour à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, en usant à cette fin du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
11. M. D... fait valoir qu'il est entré en France en janvier 2015, qu'il n'a jamais troublé l'ordre public et qu'il ne pourra pas bénéficier d'un traitement médical approprié en Algérie. Il se prévaut par ailleurs de la présence en France de plusieurs membres de sa famille, lesquels lui apportent le soutien que nécessite son état de santé. Toutefois, M. D..., qui est célibataire et sans enfant, n'établit ni la réalité des liens qu'il entretient avec les membres de sa famille qui résident en France, ni être dépourvu d'attaches en Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances et de celles précédemment décrites, M. D... ne peut être regardé comme établissant l'existence de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, le préfet de police n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, l'article L. 511-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsqu'elle accompagne un refus de délivrance d'un titre de séjour, lequel est en l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment, suffisamment motivé en droit comme en fait. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
13. En second lieu, dans les circonstances précédemment décrites, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. D....
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 mars 2020. Dès lors, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance et les conclusions d'appel de M. D..., y compris, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2012767 du 6 janvier 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.
Le rapporteur,
S. B...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA00486 2