Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 février 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2005954/1-2 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2020, M. B..., représenté par Me Cukier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005954/1-2 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 24 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la décision ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- il n'a pas pris en compte une pièce complémentaire ;
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- il n'a pas répondu aux moyens tirés :
. de ce que la décision est intervenue plusieurs mois avant la date à laquelle il était convoqué en préfecture ;
. de l'absence d'examen de sa qualification et de son expérience professionnelle au regard de l'emploi auquel il postulait ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- la décision du 31 janvier 2020 donnant délégation de signature à M. F..., signataire de l'arrêté contesté, ne comporte pas la signature du préfet de police, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision est entachée d'erreur de droit en ce que le préfet, qui l'a prise de façon anticipée avant le rendez-vous qu'il lui avait fixé en préfecture, n'a ainsi pas procédé à l'examen du dossier ;
- le préfet de police n'a pas examiné l'adéquation entre sa qualification et son expérience professionnelle au regard de l'emploi auquel il postulait ;
- le motif tiré de ce que les embauches préalablement réalisées par l'entreprise Délicieux Food ne correspondent pas à un besoin " ponctuel et immédiat " n'est pas prévu par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui révèle une erreur de droit ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité ;
- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination :
- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant bangladais a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par une décision du 24 février 2020, le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement n° 2005954/1-2 du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. B... soutient que le jugement a omis de se prononcer sur le moyen tiré du défaut d'examen de sa demande. Il ressort de ses écritures qu'il avait soulevé, devant les premiers juges, le moyen tiré de ce que le préfet, qui avait enregistré la demande de titre de séjour le 21 janvier 2020 et lui avait alors délivré une convocation pour le 23 juillet suivant, avait pris sa décision dès le 24 février 2020 et ainsi entaché cette dernière d'un défaut d'examen. Le jugement attaqué ne s'est pas prononcé sur ce moyen. Par suite, il doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 février 2020 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, par un arrêté du 31 décembre 2019, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du 3 février 2020, le préfet de police a donné délégation à M. E... D..., chef du 10ème bureau et signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté. Si M. B... se prévaut en cause d'appel des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration qui dispose que : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ", la seule circonstance que la publication de la décision au recueil des actes administratifs spécial de la Préfecture de Paris ne comporte pas la signature manuscrite de son auteur n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'en présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code précité, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
6. Le requérant soutient, d'une part, que le préfet, qui s'est fondé sur de précédentes demandes d'autorisations de travail déposées par cette société, ne s'est pas prononcé sur sa qualification et sur son expérience professionnelle, a commis une erreur de droit et a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation. Pour rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée par M. B... sur le fondement des dispositions précitées, le préfet, après avoir rappelé qu'il avait produit un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de cuisinier ainsi que dix bulletins de paie établis par le même employeur et que ce dernier avait déjà déposé, en peu de temps, quatre demandes d'admission au séjour pour des situations similaires, a relevé que ces embauches, incluant celle de M. B..., ne correspondaient pas à un besoin économique ponctuel et immédiat. Il a ce faisant, et ainsi qu'il lui appartenait de le faire, examiné tant l'expérience professionnelle de M. B... que les caractéristiques de l'emploi de cuisinier pour cette société auquel il postulait, sans entacher sa décision d'erreur de droit ou de défaut d'examen.
7. Le requérant soutient, d'autre part, qu'il a déposé sa demande de titre de séjour le 21 janvier 2020 et que le préfet de police, qui l'a convoqué pour le 23 juillet 2020, a pris sa décision de façon anticipée dès le 24 février 2020, le privant ainsi de la possibilité de faire valoir ses observations sur les soupçons de fraude à l'égard de son employeur et d'un examen de sa situation. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le préfet, qui n'était pas tenu de reprendre l'ensemble des éléments de sa situation, a examiné tant l'expérience professionnelle de l'intéressé que les caractéristiques de l'emploi auquel il postulait, à savoir un emploi de cuisinier à temps complet. M. B... ne précise pas les éléments relatifs à sa situation professionnelle qu'il aurait été empêché de faire valoir. Dès lors, la circonstance que le préfet a pris sa décision avant le rendez-vous qu'il avait fixé à M. B... n'a pas privé ce dernier d'une garantie et n'a pas entaché la décision d'un défaut d'examen.
8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de salaire, que M. B... a travaillé 27 mois auprès de la société Indestockage de 2016 à 2020 puis 11 mois comme cuisinier pour la société Délicieux Food à compter de 2019. Quand bien même ce dernier employeur, satisfait de ces services, a décidé de l'employer à temps complet, la faible durée de cette expérience professionnelle depuis l'année 2016 n'est pas de nature à conférer à sa demande de titre de séjour un caractère exceptionnel. La décision n'est ainsi entachée ni d'une méconnaissance des dispositions précitées ni d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. B... est célibataire, sans charge de famille et à supposer même qu'il soit rentré en France en 2014, alors qu'il ne produit des pièces probantes qu'à compter de 2016, il aurait alors quitté son pays à l'âge de 28 ans. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de destination :
11. La décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination doit, en conséquence, être écarté.
12. Il ne résulte pas de ce qui précède que ces décisions seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 24 février 2020. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que celles aux fins d'injonction ne peuvent donc qu'être rejetées.
14. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. B....
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 7 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.
Le rapporteur,
J.-F. C...
Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBERLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02162