La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | FRANCE | N°19PA02134

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 19PA02134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, la société à responsabilité (SARL) Dijols a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres exécutoires n° 254101 et n° 149267 émis à son encontre par le maire de Paris le 27 septembre 2017 pour l'année 2017 et le 20 juin 2018 pour l'année 2018 au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage et d'écrans de protection sur sa terrasse ouverte.

Par un jugement n°s 1800615/4-2, 1816690/4-2 du 3 mai 2019, le tribunal administrati

f de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, la société à responsabilité (SARL) Dijols a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres exécutoires n° 254101 et n° 149267 émis à son encontre par le maire de Paris le 27 septembre 2017 pour l'année 2017 et le 20 juin 2018 pour l'année 2018 au titre des droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage et d'écrans de protection sur sa terrasse ouverte.

Par un jugement n°s 1800615/4-2, 1816690/4-2 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 10 mars 2020, la SARL Dijols, représentée par Me Meilhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1800615/4-2, 1816690/4-2 du 3 mai 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 254101 et de la décharger du paiement de la somme de 34 039,05 euros ou, à titre subsidiaire, de la décharger du paiement de la somme de 10 523,24 euros ;

3°) d'annuler le titre exécutoire n° 149267 et de la décharger du paiement des sommes de 8 878,02 euros et de 15 942,16 euros ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas répondu à toutes les branches du moyen tiré de l'erreur de droit entachant le titre exécutoire ;

- le titre exécutoire ne fait pas mention des bases de liquidation en ce que n'est pas mentionnée la largeur utile du trottoir concerné ;

- en l'absence de production du titre de recette originel, il n'est pas possible de s'assurer du respect des dispositions des articles L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales qui prévoient que le titre de recettes individuel ou le bordereau y afférent a bien été signé par la personne mentionnée sur l'avis des sommes à payer ;

- la Ville de Paris a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en ce que :

. le tarif des droits additionnels ne correspond pas, en l'espèce, à l'avantage spécifiquement procuré par l'installation de dispositifs de chauffage et d'écrans, la Ville de Paris n'en apportant pas la preuve alors qu'il lui incombe de le faire ;

. ces droits de voirie additionnels sont manifestement excessifs ;

. ces droits de voirie additionnels sont discriminatoires ;

- l'installation de dispositifs de chauffage ne saurait être établie par des photographies d'un agent de la Ville dont l'identité n'est pas mentionnée ;

- elle n'a jamais installé d'écrans parallèles à la devanture, seuls ceux-ci pouvant faire l'objet de droits additionnels, mais seulement des écrans perpendiculaires ;

- s'agissant des droits additionnels dus au titre de l'année 2017, lui a été appliqué le tarif dû pour l'installation de chauffages sur une terrasse ouverte non protégée tout en demandant des droits additionnels pour l'installation d'écrans parallèles rigides alors qu'elle aurait dû appliquer le tarif prévu pour l'installation de chauffage sur une terrasse ouverte protégée.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2020, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SARL Dijols la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- la délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 du Conseil de Paris portant réforme des droits de voirie ;

- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;

- l'arrêté de la maire de Paris du 13 janvier 2017 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2017 ;

- l'arrêté de la maire de Paris du 28 décembre 2017 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les observations de Me Meilhac, représentant la SARL Dijols.

Une note en délibéré a été présentée le 9 juin 2022 pour la SARL Dijols.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Dijols est propriétaire d'un fonds de commerce situé 6 place du Trocadéro dans le seizième arrondissement de Paris. Par un arrêté du 3 juin 2014, elle a été autorisée à installer devant son établissement, outre une terrasse fermée, une terrasse ouverte protégée par des écrans et équipée de dispositifs de chauffage au 6 place du Trocadéro et au 2 avenue Poincaré. La maire de Paris a émis les 27 septembre 2017 et 20 juin 2018 à l'encontre de la SARL Dijols des titres exécutoires, respectivement d'un montant de 61 742,67 euros, dont 34 039,05 euros au titre des droits de voirie additionnels pour l'année 2017, et d'un montant de 52 687,54 euros, dont 24 820,18 euros au titre des droits de voirie additionnels, au titre de l'année 2018. La société requérante a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de ces deux titres exécutoires et la décharge du paiement des sommes correspondant aux droits de voirie additionnels concernant les dispositifs de chauffage et d'écrans de protection de ses terrasses ouvertes mis à sa charge. Elle relève appel du jugement du 3 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La SARL Dijols soutient que le jugement n'est pas suffisamment motivé en ce qu'il n'a pas répondu à toutes les branches du moyen tiré de l'erreur de droit entachant le titre exécutoire et notamment de la détermination de l'avantage spécifiquement procuré par l'installation de dispositifs de chauffage, de la partie sur laquelle repose la charge de la preuve de ce que le tarif contesté correspond à l'avantage spécifiquement procuré par l'installation de chauffages et du caractère manifestement excessif des droits de voirie réclamés au regard de l'avantage procuré par l'installation de chauffage.

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. En relevant, à son point 5, qu'une terrasse chauffée et protégée est plus rentable qu'une terrasse ne disposant pas de tels dispositifs et que la société requérante, en se bornant à indiquer que les droits de voirie mis à sa charge sont six fois supérieurs aux droits de voirie dus au titre de l'occupation du domaine public sans apporter aucun justificatif relatif à son chiffre d'affaires, n'apporte aucun élément permettant d'établir le caractère disproportionné et discriminatoire, le jugement contesté est suffisamment motivé, la question de la charge de la preuve ne constituant pas un moyen autonome devant le juge du fond.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre. Statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

En ce qui concerne la légalité interne du titre exécutoire contesté :

S'agissant de la légalité des tarifs appliqués :

6. L'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".

7. En soutenant, à l'appui de ses conclusions dirigées contre le titre exécutoire contesté, que les droits définis par la Ville de Paris méconnaissent les dispositions précitées de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, la société requérante doit être entendue comme excipant de l'illégalité des arrêtés du 13 janvier 2017 et du 28 décembre 2017 fixant respectivement les tarifs de perception des droits de voirie, pour les années 2017 et 2018.

8. Par délibération 2011 DU 54 des 28, 29 et 30 mars 2011 portant réforme des droits de voirie, le Conseil de Paris, siégeant en formation de conseil municipal, a pris acte de nouveaux modes d'occupation du domaine public et notamment de l'installation sur les terrasses exploitées commercialement de divers équipements, tels que la protection des terrasses ouvertes par des écrans parallèles, les modes de chauffage ou de climatisation, destinés à atténuer les aléas climatiques, qui prolongent et facilitent ainsi l'usage privé du domaine public. Il a décidé de soumettre ces installations à des droits de voirie additionnels, fixés selon la catégorie de la voie et calculés de façon annuelle et forfaitaire proportionnellement à la surface de la terrasse exploitée.

9. L'annexe de l'arrêté du 13 janvier 2017 du maire de Paris fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2017 prévoit ainsi, s'agissant des " prescriptions applicables aux étalages et terrasses ", au sujet des " droits annuels ", que : " Selon les cas, un droit de voirie additionnel, s'ajoutant à celui prévu pour diverses emprises (étalage, terrasse ouverte, terrasse fermée, prolongement intermittent de terrasse ou d'étalage, contre-étalage ou contre-terrasse, contre-terrasse sur chaussée) est perçu pour : / (...) - l'installation de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles, sur tout type de terrasse ouverte (...) / - l'installation de tout mode de chauffage (...) sur tout type de terrasse ouverte (bâchée ou non, dotée ou non de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles). / Ces droits de voirie additionnels sont appréciés annuellement, de façon forfaitaire et indivisible. Ils s'appliquent quelles que soient les dates de pose ou dépose de ces dispositifs et leur temps de présence effectif au cours de l'exercice considéré. Il n'est procédé à aucun abattement mensuel ou calcul au " prorata temporis " lors de la première année d'installation ou dans les cas de cessation d'activité ou de démontage (...) / Le cas échéant, les droits de voirie additionnels précités se cumulent en fonction de la présence de différentes installations sur un même emplacement. / Les étalages et terrasses sont taxés au mètre carré et pour l'exercice en cours. Toutefois, les installations situées hors du tiers du trottoir (...), peuvent être taxées au prorata temporis mensuel en cas de démontage régulier, à l'exclusion des installations suivantes :- tout type de protections, notamment sous forme d'écrans parallèles, sur tout type de terrasse ouverte (dotée ou non d'un moyen de chauffage ou de climatisation) ; / - tout mode de chauffage ou de climatisation dans tout type de terrasse ouverte (bâchée ou non, dotée ou non de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles) ". S'agissant de l'installation de tout mode de chauffage ou de climatisation dans tout type de terrasse ouverte, cet arrêté précise que " le droit de voirie additionnel s'apprécie exclusivement sur la totalité de la surface occupée par la terrasse de tout type et non en fonction des surfaces des dispositifs à usage de chauffage ou de climatisation. ".

10. L'annexe de l'arrêté du 28 décembre 2017 du maire de Paris fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2018 prévoit ainsi, s'agissant des " prescriptions applicables aux étalages et terrasses ", au sujet des " droits annuels ", que : " Selon les cas, un droit de voirie additionnel, s'ajoutant à celui prévu pour diverses emprises (étalage, terrasse ouverte, terrasse fermée, prolongement intermittent de terrasse ou d'étalage, contre-étalage ou contre-terrasse, contre-terrasse sur chaussée) est perçu pour : (...) / - l'installation de tout mode de chauffage (...) sur tout type de terrasse ouverte (bâchée ou non, dotée ou non de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles). / Ces droits de voirie additionnels sont appréciés annuellement, de façon forfaitaire et indivisible. Ils s'appliquent quelles que soient les dates de pose ou dépose de ces dispositifs et leur temps de présence effectif au cours de l'exercice considéré. Il n'est procédé à aucun abattement mensuel ou calcul au " prorata temporis " lors de la première année d'installation ou dans les cas de cessation d'activité ou de démontage (...) / Le cas échéant, les droits de voirie additionnels précités se cumulent en fonction de la présence de différentes installations sur un même emplacement. / Les étalages et terrasses sont taxés au mètre carré et pour l'exercice en cours. Toutefois, les installations situées hors du tiers du trottoir (...), peuvent être taxées au prorata temporis mensuel en cas de démontage régulier, à l'exclusion des installations suivantes :- tout type de protections, notamment sous forme d'écrans parallèles, sur tout type de terrasse ouverte (dotée ou non d'un moyen de chauffage ou de climatisation) ; / - tout mode de chauffage ou de climatisation dans tout type de terrasse ouverte (bâchée ou non, dotée ou non de tout type de protection, notamment sous forme d'écrans parallèles) ". S'agissant de l'installation de tout mode de chauffage ou de climatisation dans tout type de terrasse ouverte, cet arrêté précise que " le droit de voirie additionnel s'apprécie exclusivement sur la totalité de la surface occupée par la terrasse de tout type et non en fonction des surfaces des dispositifs à usage de chauffage ou de climatisation. ".

11. En premier lieu, en l'absence d'individualisation comptable permettant de soumettre l'occupation du domaine public à une redevance proportionnelle au chiffre d'affaires ou au bénéfice généré par chaque installation, la Ville de Paris pouvait légalement fixer un tarif au mètre carré, variable en fonction de la nature du dispositif et de son association ou non avec d'autres dispositifs, ainsi que de l'attractivité de la voie publique sur laquelle il est installé et du positionnement de la terrasse hors tiers ou dans le tiers du trottoir, critères qui ne sont pas étrangers aux " avantages de toute nature " procurés à l'occupant privatif du domaine public par chaque installation.

12. En deuxième lieu, s'il est soutenu que la Ville de Paris aurait fixé un tarif élevé pour les chauffages afin de dissuader, pour des motifs écologiques, les exploitants d'en installer, cette motivation ne résulte pas de l'instruction ni des textes fixant les tarifs, et notamment de la délibération 2011 DU 54. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

13. En troisième lieu, les circonstances que les droits additionnels taxant les dispositifs de chauffage et d'écrans, soient nettement supérieurs aux droits ordinaires dus pour l'emprise d'une terrasse ouverte et que le montant total des droits de voirie puisse être supérieur, au m2, au loyer commercial dont la société requérante s'acquitte, ne démontrent pas une erreur de droit dans la fixation de ceux-ci et ne suffisent pas à établir leur caractère disproportionné. La société reconnaît en effet elle-même que l'installation de ces dispositifs permet une exploitation supplémentaire de la terrasse, qui est susceptible d'augmenter son chiffre d'affaires. La Ville de Paris fait valoir, quant à elle, que l'occupation d'une terrasse est encore plus longue en présence de ces dispositifs, les droits supplémentaires sur les chauffages étant couplés à ceux de la climatisation, laquelle permet une occupation plus importante en été et les chauffages pouvant également être utilisés à certaines périodes ou plages horaires du printemps ou de l'été, de sorte que ces dispositifs optimisent la fréquentation de la terrasse tout au long de l'année. Elle s'appuie également sur le constat de la généralisation des dispositifs de chauffages et d'écrans de protection sur les dernières années, et d'une fréquentation accrue des terrasses ainsi protégées, pour démontrer que celles-ci sont plus attractives pour la clientèle et procurent donc des avantages aux exploitants. Dans ces conditions, la fixation de droits supplémentaires supérieurs à ceux appliqués à la terrasse elle-même, dont la Ville de Paris justifie qu'elle tient compte d'avantages notoires, n'est pas entachée d'erreur de droit. Dès lors qu'il n'est pas contesté par la société appelante que ces dispositifs lui procurent des avantages supplémentaires dans l'exploitation de sa terrasse, et en l'absence de production par celle-ci d'éléments, notamment comptables, permettant d'apprécier la rentabilité de sa terrasse chauffée et protégée, le montant des droits additionnels qu'elle supporte n'apparaît pas disproportionné par rapport à ces avantages ni discriminatoire.

14. Il résulte de ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le maire de Paris aurait méconnu les dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques en lui faisant application des tarifs adoptés par la délibération 2011 DU 54 du 28, 29 et 30 mars 2011 et fixés pour l'année 2017 par l'arrêté du 13 janvier 2017 et pour l'année 2018 par l'arrêté du 23 décembre 2017.

S'agissant de la matérialité des faits :

15. Outre que les photographies produites en défense n'avaient pas à comporter le nom de leur auteur ni à être signées par lui, ces photographies, prises lors de visites de récolement le 17 novembre 2017 et le 11 avril 2018, font apparaitre la présence de chauffages et d'écrans parallèles. Si la société requérante soutient, attestation à l'appui de la société Ateliers MF du 9 mars 2020, qu'elle n'a jamais installé d'écrans parallèles mais seulement des écrans perpendiculaires, elle ne l'établit pas par la production d'une demande de régularisation faite en 2012 par la Ville de Paris sous l'empire d'une précédente autorisation alors qu'elle avait reçu, par l'arrêté du 3 juin 2014, l'autorisation d'installer des écrans parallèles. En outre, il ressort des mentions des titres de perception et d'une attestation de cette même société du 8 juin 2022 qu'elle avait installé ces dispositifs les années précédentes et payé les droits afférents, aucun élément ne permettant d'établir qu'elle aurait informé la Ville de Paris qu'elle avait procédé à leur désinstallation. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les titres de perception seraient entachés d'erreurs de fait.

S'agissant du tarif appliqué :

16. La société requérante soutient que le tarif appliqué dans le titre exécutoire n° 254101 émis à son encontre le 27 septembre 2017 est erroné pour la terrasse installée à l'angle de la place du Trocadéro et de la rue du Onze Novembre.

17. L'arrêté du 13 janvier 2017 publié au Bulletin officiel de la Ville de Paris le 27 janvier 2017 par lequel le maire de Paris a fixé les tarifs applicables aux droits de voirie, à compter du 1er janvier 2017, prévoit, dans son annexe " tarif de perception des droits de voirie - Note commune " pour les terrasses situées en zone 2, un supplément de 202,35 euros/m2//an(tarif codé 535) pour l'installation de tout mode de chauffage ou de climatisation dans les " terrasses ouvertes protégées, au-delà du tiers du trottoir " et un supplément de 607,09 euros/m2an (tarif codé 538) pour l'installation de ces mêmes dispositifs dans les " terrasses ouvertes non pourvues de protection, au-delà du tiers du trottoir ".

18. Il résulte de l'instruction, notamment des mentions du tableau correspondant au titre exécutoire n° 254101 du 27 septembre 2017, que lui a été appliqué, au titre des droits de chauffage, le tarif de 607,09 euros/m2/an (tarif codé n° 538 pour la zone 2) soit un total de 15 784,34 euros pour 26 m2 alors qu'ayant en même temps payé des droits pour des écrans rigides, auraient dès lors dû lui être demandés les droits correspondant à une " terrasse ouverte protégée " au tarif de 202,35 euros/m2/an (tarif codé n° 535 pour la zone 2) ainsi qu'il a au demeurant été fait en 2018, soit un total de 5 261,10 euros. La somme de 15 784,34 euros qui lui est demandée à ce titre pour l'année 2017 doit ainsi être ramenée à la somme de 5 261,10 euros. Il y a lieu de décharger la société appelante de la somme de 10 523,24 euros correspondant à la différence entre ces deux sommes et d'annuler ainsi le titre exécutoire d'un montant de 61 742,67 euros, en tant qu'il met à sa charge une somme excédant 51 219,43 euros.

19. Il résulte de ce qui précède que la SARL Dijols est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1800615/4-2 attaqué, le tribunal administratif de Paris a totalement rejeté sa requête et ne l'a pas déchargée de la somme de 10 523,24 euros.

En ce qui concerne la légalité externe du titre exécutoire contesté :

S'agissant de sa signature :

20. Aux termes du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressé aux redevables (...) / En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif adressé au redevable doit mentionner les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative, en cas de contestation, de justifier que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de l'émetteur.

21. Il résulte de l'instruction que les avis des sommes à payer adressés à la société requérante mentionnent chacun que le titre a été émis par M. C... A..., adjoint au chef du service de l'expertise comptable. La Ville de Paris a produit également deux documents du 19 octobre 2018 et du 7 février 2020 émanant de la société prestataire Docapost Fast, attestant respectivement que les bordereaux dématérialisés des titres de recette n° 149267 du 20 juin 2018 et n° 254101 du 27 septembre 2017 comportent bien la signature électronique de M. A.... En vertu des dispositions précitées du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, la Ville de Paris n'avait pas à produire, contrairement à ce que soutient la société appelante, le titre de recette lui-même, le bordereau de ce titre suffisant à justifier de la signature de la personne l'ayant émis. Au surplus, la SARL Dijols n'avait pas à être destinataire du titre de recette, seule une ampliation de ce dernier étant adressée au redevable en vertu des mêmes dispositions. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales doit donc être écarté.

S'agissant de sa motivation :

22. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 susvisé : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de liquidation. ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

23. En l'espèce, les avis des sommes à payer, valant ampliation de titre de recette, comportent chacun un tableau récapitulatif qui précise que sont réclamés des droits de voiries dus pour des terrasses dont les adresses sont précisées, visent l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales et, respectivement l'arrêté municipal du 13 janvier 2017 et l'arrêté municipal du 28 décembre 2017 fixant les droits de voirie, mentionnent la catégorie de la rue dans lesquelles elles se situent et exposent, par référence aux différentes rubriques des arrêtés précités, chacun des droits à percevoir pour les périodes du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 et du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018, en détaillant le prix au mètre carré et le nombre de mètres carrés pour lesquels le droit est dû, en distinguant les différentes installations taxées, chauffage et écrans de protection, et leur situation sur la voie publique, notamment au travers des mentions " tiers trottoir " et " hors tiers trottoir ". Quand bien même ils ne mentionneraient pas la largeur du trottoir, ces avis permettent ainsi au redevable de connaitre précisément le mode d'établissement des redevances mises à sa charge. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de mention des bases de liquidation dans le titre de recette contesté doit être écarté.

Sur les frais liés à l'instance :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL Dijols, qui n'est pas partie perdante, verse à la Ville de Paris la somme qu'elle demande au titre des frais exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Ville de Paris, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Dijols au titre des frais exposés.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1800615/4-2 du 3 mai 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire n° 254101 émis le 27 septembre 2017 est annulé en tant qu'il met à la charge de la société à responsabilité limitée Dijols une somme excédant 51 219, 43 euros. La société Dijols est déchargée de l'obligation de payer la somme de 10 523,24 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire au-delà de cette somme.

Article 3 : La Ville de Paris versera à la société à responsabilité limitée Dijols une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de la société à responsabilité limitée Dijols est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Dijols, à la Ville de Paris et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

J.-F. B...

Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N° 19PA02134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02134
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-07;19pa02134 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award