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01/07/2022 | FRANCE | N°21PA02535

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 juillet 2022, 21PA02535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification d

u jugement, sous astreinte de 25 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 25 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et en dernier lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2021759 du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 3 juillet 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2021, et un mémoire de production de pièces enregistré le 10 mai 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 avril 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 1er juin 2006, M. B..., représenté par Me Weinberg, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas été régulièrement convoqué devant la commission du titre de séjour ;

- la composition de la commission du titre de séjour qui s'est réunie le 17 octobre 2019 pour examiner sa situation était irrégulière ;

- elle méconnaît l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 133-12 du code pénal dès lors que le préfet de police a déloyalement tenu compte d'infractions pourtant couvertes par le délai de réhabilitation légale ;

- il ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation au regard du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les 2°, 4°, 5° et 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 21 février 1983 à Ahfir (Maroc), a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 juillet 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 3 juillet 2020, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Le préfet de police relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré sur le territoire français en 1990, à l'âge de 7 ans, y a suivi toute sa scolarité jusqu'en 2001, année au cours de laquelle il a obtenu un brevet d'études professionnelles en comptabilité et qu'il y a, par la suite, occupé plusieurs emplois. A sa majorité, M. C... a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire renouvelée jusqu'en 2005 et, entre 2008 et 2013, il a disposé d'un titre de séjour. Il fait valoir que sa famille est en France, à savoir sa concubine de nationalité française et leur fils, né le 2 janvier 2014 à Paris, son oncle et sa tante, qui sont devenus ses parents adoptifs en 1990, ses deux frères, qui ont la nationalité française, et ses grands-parents. Par ailleurs, il soutient qu'il n'a jamais connu son père, que sa mère biologique est décédée et qu'il n'a plus d'attaches familiales au Maroc. Toutefois, d'une part, M. C... a été condamné, entre mars 2004 et septembre 2018, à neuf reprises, notamment pour des faits, parfois commis en récidive, de contrefaçon ou falsification de chèques, vol, vol aggravé, acquisition, importation, transport et offre non autorisés de stupéfiants, violences sur conjoint ou concubin, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, conduite d'un véhicule sans permis et en état d'ivresse, et refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, à des peines totalisant plus de quatre ans d'emprisonnement et 5 000 euros d'amende. Eu égard aux faits en cause, à leur gravité croissante et à leur répétition dans le temps, le préfet de police a pu considérer que le comportement de M. C... représentait une menace à l'ordre public. D'autre part, M. B... n'établit pas, par les documents qu'il produit, la réalité de sa vie commune avec sa concubine, ni qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de leur enfant. Dans ces conditions, et alors même que M. A... a été admis au bénéfice du régime de la semi-liberté à compter du 2 novembre 2020, sous réserve notamment d'une obligation de soins pour lutter contre son addiction à l'alcool et une interdiction de fréquenter les débits de boissons, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé l'arrêté en litige comme contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et devant la Cour :

5. Aux termes de l'article L. 312-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; (...) ". La consultation de la commission du titre de séjour constitue pour l'étranger une garantie substantielle.

6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé le bénéficiaire d'une garantie.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions précitées, le préfet de la police a soumis la demande de M. C... tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la commission du titre de séjour, laquelle s'est réunie à deux reprises, le 25 juillet et le 17 octobre 2019, en l'absence de l'intéressée, et a émis un avis défavorable. Le préfet de police ne produit aucune pièce justificative s'agissant de la première convocation, préalable à la réunion du 25 juillet 2019. S'agissant de la réunion du 17 octobre 2019, si le préfet de police produit en appel la copie de la lettre de convocation de M. C... devant la commission du titre de séjour, datée du 19 octobre 2019, et une attestation d'envoi d'un courrier en recommandé, il ne produit pas l'accusé de réception de cette lettre, comportant les mentions relatives aux dates de remise du pli ou de dépôt d'un avis de passage et de retour du pli au service de la préfecture de police. M. C... ne peut, dès lors, être regardé comme ayant été régulièrement convoqué devant la commission du titre de séjour.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 3 juillet 2020. En revanche, cette annulation impliquant seulement que la demande de titre de séjour de M. C... soit réexaminée, il est fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. C....

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante pour l'essentiel, le versement d'une somme de 1 250 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la demande de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 2 : Le jugement n° 2021759 du 7 avril 2021 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 1er juillet 2022.

La rapporteure,

C. VRIGNON VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA02535 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02535
Date de la décision : 01/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-01;21pa02535 ?
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