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01/07/2022 | FRANCE | N°21PA00002

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 juillet 2022, 21PA00002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dax Finance a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2014 et d'assortir les remboursements des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1804469 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête en

registrée le 2 janvier 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 24 juin 2021, la société Dax ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dax Finance a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2014 et d'assortir les remboursements des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1804469 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 24 juin 2021, la société Dax Finance, représentée par Me Gard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1804469 en date du 3 novembre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du directeur des services de lui accorder des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait être contestée que devant le tribunal administratif ;

- cette décision constitue une prise de position dont elle peut se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- elle est inscrite en tant que " conseiller en investissements financiers " et n'est donc pas un " gestionnaire " exonéré de taxe sur la valeur ajoutée ; la règlementation lui interdit d'exercer une activité de " gestionnaire " ;

- elle a réalisé des opérations taxables ;

- l'administration, dans son mémoire en défense, se place sur le terrain de la nature des opérations elles-mêmes, question non évoquée dans la proposition de rectification ; ce faisant, elle commet une irrégularité de procédure ;

- la question n'est pas de connaître la nature de telle ou telle opération mais de savoir si la qualité du contribuable le place dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée ou non ;

- l'administration commet une erreur de procédure en se prévalant de jurisprudences qui ne sont pas citées dans sa doctrine ;

- c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle était un assujetti non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'elle exerce une activité de conseil ; il y a lieu de procéder à un partage entre les secteurs taxables et non taxables.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les observations du président de la société Dax Finance.

Considérant ce qui suit :

1. La société Dax Finance, qui exerce une activité de conseil en investissements financiers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle avait bénéficié et a mis à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2014. La société Dax Finance fait appel du jugement du 3 novembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat ". Aux termes de l'article L. 80 A du même livre : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Et aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi (...) ".

3. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales que l'administration peut, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, remettre en cause l'existence d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement a été accordé. Dès lors, la société requérante ne peut utilement invoquer un prétendu principe de " symétrie des formes " pour soutenir qu'un inspecteur des finances publiques ne pourrait pas remettre en cause un remboursement accordé par un directeur, sauf à saisir un tribunal administratif.

4. D'autre part, si la société requérante fait valoir que des décisions lui accordant des remboursements de taxe sur la valeur ajoutée ont été prises à l'issue d'une procédure d'instruction de ses demandes, ces décisions ne sont pas motivées. Dès lors, elles ne peuvent ni constituer une interprétation formelle de la loi fiscale, ni comporter une appréciation de la situation de fait du redevable, qui soient opposables à l'administration en vertu des dispositions des articles L 80 A et L 80 B du livre des procédures fiscales. La société Dax Finance ne peut pas plus se prévaloir de l'instruction BOI n°124 du 20 juillet 2005 référencée 13L-3-05 qui ne comporte pas une interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application ci-dessus.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, dès la proposition de rectification du 31 juillet 2015, l'administration a estimé que la société Dax Finances était, au titre de la période vérifiée, un " assujetti non redevable " en raison de la nature des opérations qu'elle avait réalisées. Le moyen tiré de ce que l'administration aurait modifié son argumentation en substituant au débat sur la question de la " qualité " du contribuable, un débat sur la " nature des opérations réalisées " manque ainsi en fait. Au surplus, l'administration, qui se borne à invoquer les dispositions de l'article 261 C du code général des impôts, n'a pas modifié la base légale des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société requérante. Par suite et en tout état de cause, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration était tenue de lui adresser une nouvelle proposition de rectifications.

6. En troisième lieu, la circonstance que l'administration mentionne, dans ses écritures devant les juridictions administratives, des jurisprudences qui ne sont pas citées dans sa doctrine, est sans incidence sur la régularité des impositions en litige et celle de la procédure contentieuse.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 261 C du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : / (...) e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres, à l'exclusion des titres représentatifs de marchandises et des parts d'intérêt dont la possession assure en droit ou en fait l'attribution en propriété ou en jouissance d'un bien immeuble ou d'une fraction d'un bien immeuble ; / f. La gestion des organismes de placement collectif en valeurs mobilières mentionnés au paragraphe 2 de l'article 1er de la directive 2009/65/ CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ainsi que des autres organismes de placement collectif présentant des caractéristiques similaires. La liste de ces organismes est fixée par décret. Elle comprend notamment les organismes relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de la sous-section 3 ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier ".

8. Il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause les remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée accordés à la société Dax Finance, l'administration a estimé que la société n'avait, au cours de la période vérifiée, réalisé aucune opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle ne pouvait, dès lors, disposer d'un droit à déduction.

9. D'une part, il ressort des dispositions précitées de l'article 261 C du code général des impôts que, pour apprécier l'assujettissement ou non d'une opération bancaire et financière, il convient d'apprécier la nature des opérations et non la qualité de la personne qui les réalise. Par suite, la société Dax Finance ne peut pas utilement faire valoir qu'elle est inscrite au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance en tant que conseiller en investissement financier, qu'elle a adhéré à la chambre nationale des conseillers en investissement financier et que le règlement de l'Autorité des marchés financiers, dont la méconnaissance constituerait une infraction pénale, ne permet pas d'exercer concomitamment des activités de gestion et de conseil, ces circonstances étant sans incidence sur la nature des opérations réalisées.

10. D'autre part, il résulte de la proposition de rectification du 31 juillet 2015 que le vérificateur a précisément listé les prestations facturées par la société Dax Finance avec de la taxe sur la valeur ajoutée au cours de la période vérifiée et estimé, à partir du libellé des factures, qu'elles correspondaient à des commissions perçues à l'occasion du placement de parts de fonds communs de placement, exonérées sur le fondement du f du 1° de l'article 261 C du code général des impôts. La société Dax Finance, sans faire référence aux factures listées par le vérificateur ni contester le bien-fondé de la remise en cause de leur assujettissement à la taxe sur la valeur, soutient qu'elle a réalisé des opérations taxables à hauteur de 9 000 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011, 18 000 euros au titre de celui clos le 30 septembre 2012 et 8 700 euros au titre de celui clos le 31 décembre 2013. Il résulte toutefois de l'instruction que les factures de 8 970 euros et 17 940 euros, dont elle peut être regardée comme se prévalant, ont été émises au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2011 et que les recettes correspondantes ont été déclarées au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011, soit avant le début de la période en litige. La société Dax Finances ne justifie pas avoir déposé, sur ce point, une déclaration rectificative. S'agissant en outre des prestations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée prétendument réalisées au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, la société requérante n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé en ne faisant référence à aucune prestation précise et en se bornant à renvoyer à " quelques contrats et factures spécifiant la TVA collectée " produite en pièces jointes. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société Dax Finances a, ainsi qu'elle le prétend, réalisé des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au cours de la période vérifiée. Par suite, elle ne pouvait pas bénéficier d'un droit à déduction et c'est à bon droit que l'administration a mis à la charge de la société Dax Finance des rappels correspondant aux remboursements de crédit de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été indûment versés.

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :

11. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ".

12. En l'absence, tant devant le tribunal administratif qu'en appel, de litige né et actuel relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires dus au contribuable au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions de la société Dax Finances tendant au paiement de ces intérêts sont sans objet et, par suite, irrecevables.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Dax Finances n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Dax Finances est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dax Finance et et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris - Pôle contrôle fiscal et affaire juridique (SCAD).

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juillet 2022.

Le rapporteur,

F. A...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00002
Date de la décision : 01/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CABINET DU ROULE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-01;21pa00002 ?
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