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30/06/2022 | FRANCE | N°21PA04960

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2022, 21PA04960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 décembre 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse, ensemble la décision du 13 mars 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 2008367 du 9 juillet 2021 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête, enregistrée le 6 septembre 2021, M. F..., représenté par Me Shebabo, demande à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 décembre 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse, ensemble la décision du 13 mars 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 2008367 du 9 juillet 2021 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2021, M. F..., représenté par Me Shebabo, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2018 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au bénéfice de son épouse, ensemble la décision du 13 mars 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de faire droit à sa demande dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le requérant soutient que :

- la décision préfectorale a été signée par une autorité incompétente ;

- les deux décisions sont insuffisamment motivées et elles traduisent un défaut d'examen approfondi de sa situation ;

- les deux décisions sont entachées d'une erreur de fait : l'article 4 de l'accord franco-algérien prévoit les conditions du regroupement familial ; l'article L. 434-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit des cas de dispenses de condition de ressources ; il dispose d'une retraite d'un montant mensuel total de 1399 euros, et son frère lui verse 300 euros mensuels depuis janvier 2019, portant le montant total de ses ressources mensuelles à près de 1800 euros ; ses factures étant modestes, il a un reste à vivre de 1443,51 euros ; en outre, étant malade, il n'a pas à justifier de ses ressources ;

- les deux décisions sont entachées d'une erreur de droit, le préfet comme le ministre s'étant crus en situation de compétence liée ;

- les deux décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; il vit en France depuis 1969, soit depuis 52 ans, où il dispose d'un certificat de résidence algérien de dix ans, et n'a passé que 22 ans en Algérie ; il souffre d'un cancer, et le soutien psychologique et matériel de son épouse est un élément indispensable de son traitement ; en considérant qu'il pourrait refaire sa vie à 74 ans passés en Algérie, le préfet et le ministre commettent une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de regroupement familial méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; même si les ressources sont insuffisantes, un refus de regroupement familiale peut méconnaître

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2022 :

- le rapport de M. I... ;

- les observations de Me Lopez pour M. F... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., ressortissant algérien né le 14 février 1947 en Algérie, a présenté une demande de regroupement familial au profit de son épouse, Mme J.... Par une décision du 18 décembre 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de M. F.... Par une décision du 13 mars 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique. M. F... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2018-2182 du 17 septembre 2018, régulièrement publié le même jour au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation de signature à Mme L... C..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer notamment les décisions relatives au regroupement familial. Par un arrêté n° 2018-2385 du 1er octobre 2018, régulièrement publié le 2 octobre 2018 au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, le même préfet a décidé que la délégation de signature consentie à Mme L... C... serait exercée, en cas d'absence ou d'empêchement de celle-ci, par Mme K... G..., attachée principale d'administration de l'Etat, cheffe du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, pour l'ensemble des attributions relevant de son bureau et, en cas d'absence ou d'empêchement de celle-ci, par Mme H... B..., attachée d'administration de l'Etat, adjointe à la cheffe du bureau. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision du 18 décembre 2018 manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision du 18 décembre 2018 fait mention des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Elle mentionne qu'elle a été rendue après avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et du maire de la commune d'Epinay-sur-Seine. La décision énonce que M. F... ne justifie " pas de ressources suffisantes, pendant la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, permettant de subvenir aux besoins de sa famille ". Elle porte également l'appréciation selon laquelle le rejet de cette demande de regroupement familial ne saurait porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. F... eu égard à ses conditions d'existence en France où il vit depuis 1969, à la circonstance qu'il est marié depuis le 10 mai 2014 avec Mme J... et de ce qu'il n'établit pas être dans l'impossibilité d'aller rejoindre régulièrement sa famille en Algérie. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision du 12 octobre 2018 en litige, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à l'examen particulier de la situation de M. E... avant de prendre cette décision. Le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé doit donc être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance (...) ".

6. Pour refuser la délivrance de l'autorisation de regroupement familial sollicitée par M. F..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur l'absence de ressources personnelles suffisantes et stables. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a déclaré des revenus de 11 202 euros au titre de l'année 2017 et de 11 213 euros au titre de l'année 2018 correspondant à un niveau inférieur à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance (SMIC), net et même brut, au cours de cette même période. Si M. F... se prévaut de revenus de 14 913 euros déclarés au titre de l'année 2019, inférieur au SMIC brut, mais légèrement supérieur au SMIC net, ce montant inclut la somme de 3600 euros versés par son frère et dont il ne peut être tenu compte, en l'absence de toute obligation pour lui de poursuivre ces versements mensuels de 300 euros. Le solde de 11 313 euros de revenus propres de M. F... au titre de l'année 2019 demeure inférieur au SMIC, net et même brut. M. F... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien en rejetant sa demande de regroupement familial. À cet égard, M. F... ne peut utilement soutenir que son logement était d'une taille suffisante pour lui permettre d'accueillir son épouse restée en Algérie.

7. La situation des ressortissants algériens étant entièrement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 quant aux conditions du regroupement familial, les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur, qui prévoit une exception à la condition de ressources " lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 ou L. 821-2 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ", ne peuvent être utilement invoquées par M. F..., qui en tout état de cause ne justifie pas entrer dans l'une de ces catégories.

8. En cinquième lieu, il ressort des termes de la décision du 18 décembre 2018 que le préfet de la Seine-Saint-Denis, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. F... au bénéfice de son épouse, ne s'est pas fondé exclusivement sur le niveau de ses ressources mais a également examiné si sa décision portait une atteinte excessive au droit au respect de la vie familiale de l'intéressé. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne s'est pas cru à tort en situation de compétence liée pour rejeter la demande au seul motif de l'insuffisance des ressources de M. F.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision est entachée d'une erreur de droit doit être écarté.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il appartient au préfet de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale.

10. M. F... fait valoir qu'il vit en France depuis 1969, où il bénéficie d'un certificat de résidence algérien de dix ans, qu'il n'a vécu que 22 ans en Algérie, qu'il ne pourrait refaire sa vie à 74 ans passés en Algérie, et que le soutien psychologique et matériel de son épouse est indispensable alors qu'il fait l'objet d'une surveillance d'un cancer du cardia traité par radiothérapie et chimiothérapie. Cependant, M. F... ne produit aucun élément de nature à établir l'impossibilité pour lui de poursuivre la vie privée et familiale avec son épouse, le cas échéant, dans leur pays d'origine, jusqu'à ce qu'il soit en mesure de remplir les conditions posées par la réglementation relative au regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle.

11. En septième lieu, dès lors que le ministre, par sa décision de rejet du recours hiérarchique, ne peut être regardé comme ayant entendu retirer ou modifier la décision initiale du préfet, qu'il n'a pas eu à se prononcer au vu de circonstances de fait ou de droit nouvelles et que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision initiale, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision rejetant le recours hiérarchique doivent être également rejetées, sans qu'il puisse utilement se prévaloir des vices propres dont cette seconde décision serait entachée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Baronnet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

M. I... La présidente,

M. D...La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21PA04960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04960
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Marc BARONNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SHEBAVOK

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;21pa04960 ?
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