Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.
Par un jugement n° 2018833/6-1 du 23 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées les 5 août 2021, 27 août 2021 et 10 décembre 2021, Mme A..., représentée par Me d'Allivy Kelly, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La requérante soutient que :
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en raison de l'illégalité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; les signatures apposées sur l'avis du collège de médecins de l'OFII sont illisibles ;
- le préfet était tenu de saisir la commission du titre de séjour, en application des dispositions de l'article L. 312-2 alinéa 1er du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- son droit à être entendue et de présenter des observations écrites et orales préalablement à la mesure d'éloignement a été méconnu ;
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'arrêté attaqué ;
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris le 25 juin 2021.
Par une ordonnance du 2 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2022 à 12 heures.
Postérieurement à la clôture de l'instruction, Mme A... a produit des pièces, enregistrées le 18 février 2022 à 23 heures 59, qui n'ont pas été communiquées, et le préfet de police a produit un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2022 qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n ° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives ;
- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Baronnet, premier conseiller ;
- les observations de Me Jaussaud pour Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A... épouse C..., ressortissante ivoirienne née le 4 juillet 1951 en Côte d'Ivoire, déclare être entrée en France le 30 avril 2012. Par un arrêté du 4 octobre 2019, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a assorti son refus de titre d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office passé ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 23 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2019.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Mme A..., qui déclare être entrée en 2012 sur le territoire, justifie être atteinte de pathologies multiples pour lesquelles elle est suivie en France, notamment d'une pathologie cardiaque, ayant justifié la pose d'un stimulateur cardiaque, qui a d'ailleurs été changé en 2020 et nécessite un contrôle périodique, ainsi que d'une hépatite B. Elle a en France un fils et une fille, qui y sont nés et sont de nationalité française, ainsi qu'un frère et une sœur de nationalité française et un frère titulaire d'une carte de résident. Si elle a encore une autre fille, ressortissante des Etats-Unis d'Amérique, et ne conteste pas avoir un frère et une sœur à l'étranger, elle justifie qu'elle est veuve depuis 2017. Dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment à la situation médicale et familiale de l'intéressée, alors qu'elle a perdu son mari qui résidait en Côte d'Ivoire et a depuis lors en France sa plus proche famille, le préfet de police, en rejetant sa demande de titre de séjour, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
3. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2019 du préfet de police.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. L'annulation de l'arrêté attaqué par le présent arrêt implique, compte tenu des motifs d'annulation de cet arrêté, que le préfet de police délivre à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police d'y procéder dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme A....
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Par décision du 25 juin 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme A... s'est vu accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Delphine d'Allivy Kelly, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me d'Allivy Kelly de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2018833/6-1 du 23 avril 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi, est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à Me d'Allivy Kelly une somme de 1500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1997, sous réserve que Me d'Allivy Kelly renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Baronnet, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
Le rapporteur,
M. BARONNET
Le président,
M. B...
Le greffier,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°2104507