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30/06/2022 | FRANCE | N°21PA04387

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2022, 21PA04387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 février 2021 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, en fixant le pays de destination, et l'a interdite de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104068/1-2 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 202

1 et 17 février 2022, Mme C..., représentée par Me Langlois, demande à la Cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 février 2021 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 90 jours, en fixant le pays de destination, et l'a interdite de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2104068/1-2 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 2021 et 17 février 2022, Mme C..., représentée par Me Langlois, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La requérante soutient que :

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux et personnalisé de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendue : elle n'a pas fait l'objet d'une mesure concomitante de refus de séjour, et devait être informée qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre et être en mesure de présenter ses observations de façon spécifique sur l'obligation de quitter le territoire français avant la prise de cette décision ;

- la préfète ne l'a pas informée qu'elle pouvait déposer une demande de carte de séjour pour raisons médicales en même temps que l'instruction de sa demande d'asile, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que la préfète s'est crue à tort en situation de compétence liée ;

- la préfète omet de mentionner que Mme C... souffre d'une pathologie psychiatrique particulièrement grave ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur de droit tirée du défaut de saisine du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la préfète ne démontre pas que la requérante pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en République démocratique du Congo ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les articles L. 743-1, R. 733-31 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile n'est pas démontrée ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs, en estimant que la requérante ne faisait pas valoir son état de santé puis que la préfète était informée de son état de santé par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'illégalité, par voie d'exception, dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire elle-même illégale ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation, la préfète n'ayant pas motivé la fixation d'un délai de départ de trente jours ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'illégalité, par voie d'exception, dès lors qu'elle se fonde sur une décision portant obligation de quitter le territoire elle-même illégale ;

- elle est entachée d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté attaqué ;

La requête a été communiquée au préfet de l'Oise, qui n'a pas présenté d'observations.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris le 25 juin 2021.

Par une ordonnance du 2 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Baronnet, premier conseiller ;

- les observations de Me Lantheaune pour Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 16 août 1990, déclare être entrée en France le 11 décembre 2018. Sa demande d'asile déposée le 19 décembre 2018 a fait l'objet d'un rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 juin 2019 ; ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 14 janvier 2021. La préfète de l'Oise a pris à son encontre un arrêté en date du 10 février 2021 refusant son admission au séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixant le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 février 2021.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué, abondamment motivé par trois de ses cinq pages, qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles repose l'obligation de quitter le territoire français, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée. Le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Oise, qui n'était pas tenue de faire état de tous les éléments relatifs à la situation de Mme C..., aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée.

4. En troisième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant au soutien des conclusions présentées par Mme C..., il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

5. Or, dans le cas prévu aux dispositions alors codifiées au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, ce dernier ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient ainsi, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

6. En l'espèce, si Mme C... soutient qu'elle n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, cette mesure fait suite au rejet par la Cour nationale du droit d'asile de sa demande d'asile. Or, ainsi qu'il vient d'être dit, dans un tel cas, aucune obligation d'information préalable ne pèse sur le préfet. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier et des écritures de la requérante qu'un changement particulier de circonstances aurait affecté sa situation personnelle et familiale depuis l'enregistrement de sa demande d'asile. Il n'est pas non plus allégué que Mme C... aurait postérieurement sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle aurait été empêchée de présenter ses observations, si elle l'avait souhaité, avant que ne soit prise la décision litigieuse. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union.

7. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. ". Selon l'article R. 311-37 du même code : " Lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, l'administration remet à l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, une information écrite relative aux conditions d'admission au séjour en France à un autre titre que l'asile et aux conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements que ceux qu'il aura invoqués dans le délai prévu à l'article D. 311-3-2. " Aux termes de cet article D. 311-3-2 : " Pour l'application de l'article L. 311-6, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné au 11° de l'article L. 313-11, ce délai est porté à trois mois. ".

8. L'information prévue par l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, a pour seul objet, ainsi qu'en témoignent les travaux préparatoires de la loi, de limiter à compter de l'information ainsi délivrée le délai dans lequel il est loisible au demandeur d'asile de déposer une demande de titre de séjour sur un autre fondement, ce délai étant ainsi susceptible d'expirer avant même qu'il n'ait été statué sur sa demande d'asile. La requérante, qui n'a pas déposé de demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture, avant qu'aux termes de l'arrêté attaqué le préfet ne tire les conséquences du rejet de sa demande d'asile sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut donc utilement se prévaloir, contre l'obligation de quitter le territoire français, de son défaut d'information dans les conditions prévues par l'article L. 311-6 du même code.

9. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de l'Oise se serait estimée en situation de compétence liée pour prendre à l'encontre de Mme C... une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

10. Si Mme C... soutient que l'arrêté du 10 février 2021 omet de mentionner qu'elle souffre d'une pathologie psychiatrique particulièrement grave, la préfète de l'Oise n'était pas tenue de mentionner spécifiquement cette circonstance, dès lors que Mme C... n'avait pas formé de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, ni n'avait fait valoir préalablement à l'arrêté en litige que son état de santé faisait obstacle à ce qu'elle retourne dans son pays en cas de rejet de sa demande d'asile.

11. Pour les mêmes motifs, le jugement n'est pas entaché d'une contradiction de motifs figurant aux points 8 et 12. Dès lors que d'une part les séquelles physiques et l'état de stress post-traumatique de Mme C... sont mentionnés en page 2 de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 juin 2020, de sorte que l'administration en avait connaissance, et que d'autre part Mme C... n'avait pas formé de demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, ni n'avait fait valoir préalablement à l'arrêté en litige que son état de santé faisait obstacle à ce qu'elle retourne dans son pays en cas de rejet de sa demande d'asile, les motifs figurant aux points 8 et 12 ne sont pas contradictoires.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code, applicable en l'espèce : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".

13. Mme C... soutient que le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu, dès lors qu'elle souffre de troubles psychiatriques sévères, avec pensées suicidaires. Toutefois, si elle produit des certificats médicaux à l'appui de cette assertion, il est constant qu'elle n'a pas saisi les autorités préfectorales d'une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 425-9 du même code. Elle fait valoir, en dernier lieu dans son mémoire enregistré le 17 février 2022, qu'elle bénéficie d'un traitement médicamenteux quotidien composé d'un antidépresseur (Sertraline), d'un hypnotique (Zopiclone), d'un neuroleptique (Quetiapine) et d'un anxiolytique (Alprazolam). Pour contester la disponibilité d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, Mme C... fait valoir l'indisponibilité de l'une des molécules prescrites (Sertraline) et le coût plus élevé qu'en France de deux autres (Quetiapine et Zopiclone), ainsi que des rapports d'organisations internationales mentionnant la faiblesse des infrastructures médicales et notamment psychiatriques en République démocratique du Congo. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la première molécule serait indisponible dès lors que le rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés cité en page 6 du mémoire enregistré le 17 février 2022 mentionne la possibilité de se procurer ce médicament dans l'une des pharmacies de Kinshasa. Les certificats médicaux produits ne permettent pas d'établir le caractère non substituable de ces médicaments ni la possibilité qu'ils soient utilement remplacés par des molécules figurant sur la liste des médicaments essentiels disponibles en RDC. La faiblesse des infrastructures psychiatriques congolaises comparées aux structures françaises ne permet pas à elle seule d'établir que Mme C... ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, la circonstance que la pathologie de Mme C... résulterait d'événements traumatiques vécus dans son pays d'origine, à la supposer établie, ne suffit pas à démontrer que, de ce seul fait, sa pathologie ne pourrait y être soignée. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la préfète aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite la préfète de l'Oise pouvait en tout état de cause ordonner l'éloignement de l'intéressée sans solliciter au préalable l'avis du collège de médecins. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

14. En septième lieu, si Mme C... soutient qu'elle risque de subir des traitements inhumains et dégradants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire.

15. En huitième lieu, Mme C... reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Paris.

16. En neuvième lieu, Mme C... invoque les conséquences manifestement excessives de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle. Au vu de sa durée de présence sur le territoire, de son degré d'intégration à la société française et du fait qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France alors qu'elle n'établit pas être dépourvue de liens dans son pays d'origine, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant des conséquences d'une gravité excessive sur la situation personnelle de Mme C.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dot être écarté.

17. En dixième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article R. 733-31 du même code : " Les décisions de la cour sont lues en audience publique. Leur sens est affiché dans les locaux de la cour le jour de leur lecture. ". Aux termes de l'article R. 733-32 de ce code alors en vigueur : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article R. 213-6. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. (...) ".

18. Le III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision prise par la préfète de l'Oise, que la décision de l'OFPRA du 19 juin 2019 notifiée le 2 juillet 2020 " a été confirmée par la CNDA le 14 janvier 2021, décision lue en audience publique ". La requérante ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la réalité de cette lecture en audience publique à la date indiquée. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 743-1, R. 733-31 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être rejeté.

Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :

19. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. (...) ".

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français contre celle fixant le délai de départ volontaire.

21. Mme C... soutient que la décision fixant le délai de départ volontaire serait entachée d'un défaut de motivation, la préfète n'ayant pas motivé la fixation d'un délai de départ de trente jours. Cependant, si le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, la préfète de l'Oise n'a pas accordé à Mme C... un délai de trente jours de droit commun, mais lui a accordé une prolongation en fixant un délai de départ volontaire de quatre-vingt-dix jours, qu'elle a suffisamment motivée en droit et en fait en visant le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en indiquant qu'un délai supérieur à trente jours était adapté à la situation de l'intéressée, qui avait déjà été détaillée au long des deux pages précédentes de l'arrêté.

22. Mme C... reprend en appel le moyen, qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

23. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français contre celle fixant le pays de destination.

24. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifiées à l'article L. 721-4 de ce code : (...) " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

25. Mme C... soutient que son retour en République démocratique du Congo l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants compte tenu de l'impossibilité pour elle de s'y faire soigner, et de la situation politique du pays. Ainsi qu'il a été dit précédemment, alors que la demande d'asile présentée par Mme C... a été rejetée par l'OFPRA confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, la requérante, dont l'état de santé ne justifie pas le maintien sur le territoire français, n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles elle serait susceptible d'être soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 devenu L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Baronnet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

Le rapporteur,

M. D... La présidente,

M. A...La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°2104387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04387
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Marc BARONNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;21pa04387 ?
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