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29/06/2022 | FRANCE | N°21PA03007

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 juin 2022, 21PA03007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1917000/1-2 du 6 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2021, M. B..., représentée par

Me Jean Alex Buching

er, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1917000/1-2 du 6 avril 2021 du Tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1917000/1-2 du 6 avril 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2021, M. B..., représentée par

Me Jean Alex Buchinger, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1917000/1-2 du 6 avril 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration fiscale, qui a examiné les déclarations de ses rapatriements et transferts de fonds étrangers opérés en douane, a procédé à un examen de sa situation fiscale personnelle antérieurement à l'envoi d'un avis de vérification ;

- il a été privé d'un débat oral et contradictoire, le vérificateur n'ayant pas notamment examiné les " conditions économiques de l'exercice de son activité d'intermédiaire en œuvres d'art " ;

- la procédure de taxation d'office n'est pas justifiée ;

- l'administration fiscale ne pouvait pas lui appliquer un quotient familial à deux parts, sans l'interroger préalablement sur sa situation familiale ; il a dès lors droit à un quotient familial de 2,5 ;

- les crédits bancaires en litige n'étaient pas imposables dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée dès lors qu'ils constituaient des revenus d'activité taxables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux desquels devaient être retranchées des charges déductibles.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 novembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 24 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2013 et 2014 à l'issue duquel l'administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification du 21 juillet 2016, des rectifications dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée selon la procédure de taxation d'office. Par un jugement du 6 avril 2021, dont M. B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignées en conséquence au titre de ces deux années.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts peut procéder à la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues au présent livre. / A l'occasion de cette vérification, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie du contribuable ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / (...) ". Ces dispositions, qui imposent l'envoi d'un avis avant le début d'un examen contradictoire de la situation personnelle d'un contribuable, n'ont ni pour objet, ni pour effet de limiter la possibilité qu'a l'administration d'exercer son droit de communication auprès de tiers, avant, pendant ou après la vérification.

3. Aux termes de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales : " Les administrations de l'Etat, (...) doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les documents de service qu'ils détiennent sans pouvoir opposer le secret professionnel, (...) ".

4. M. B... soutient que l'administration fiscale, qui a examiné les déclarations de ses rapatriements et transferts de fonds étrangers opérés en douane, a procédé à un examen de sa situation fiscale personnelle antérieurement à l'envoi d'un avis de vérification. La seule circonstance que l'administration fiscale ait exercé son droit de communication auprès de la direction générale des douanes et des droits indirects, en application des dispositions précitées de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales, n'est pas de nature, en l'absence de contrôle de la cohérence entre, d'une part, les revenus que M. B... a déclarés et, d'autre part, sa situation patrimoniale, sa situation de trésorerie et les éléments de son train de vie, à caractériser l'exercice d'un examen de sa situation fiscale personnelle avant la réception par l'intéressé d'un avis de vérification. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions des articles L. 12 et L. 47 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, il ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la doctrine administrative référencée BOI-CF-PGR-20-10 § 280, qui est relative à la procédure d'imposition et se borne à rappeler les critères permettant de distinguer le contrôle sur pièces de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle.

5. En deuxième lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales, interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 du même livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir.

6. M. B... soutient qu'il a été privé d'un débat oral et contradictoire. Il résulte de la proposition de rectification du 21 juillet 2016 que l'administration fiscale lui a proposé deux entretiens par courriers des 8 et 26 février 2016 que M. B... n'a pas honorés. Il est, en outre, constant qu'il n'a pas répondu aux deux demandes d'éclaircissements et de justifications que l'administration fiscale lui a adressées le 26 février 2016. Il résulte, enfin, de l'instruction que M. B... a rencontré le vérificateur lors d'une unique entrevue le 20 mai 2016 au cours de laquelle ont été évoqué les crédits bancaires non justifiés ainsi que les déclarations qu'il avait faites en douane. En se bornant à soutenir que l'administration fiscale aurait pu lui accorder des délais supplémentaires et n'a pas procédé aux vérifications qu'impliquaient les explications qu'il avait fournies ni à l'examen des pièces qu'il aurait produites, M. B... n'établit pas que l'administration fiscale aurait refusé d'engager un débat oral et contradictoire et que la seule rencontre du 20 mai 2016 aurait été insuffisante pour lui permettre de dialoguer oralement sur les rectifications envisagées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'insuffisance du dialogue avec l'administration fiscale dont il se plaint résulte de sa propre attitude et non de celle de cette dernière. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance d'un débat oral et contradictoire ne peut qu'être écarté. A cet égard, il n'appartenait pas au vérificateur de procéder à des investigations sur " les conditions économiques de l'activité exercée par le requérant ", comme le soutient ce dernier, mais à l'intéressé de produire des documents de nature à justifier de la nature et de l'origine des sommes en litige, ce qu'il n'a pas fait.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. / (...). / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 €. / (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

8. Il résulte de la proposition de rectification du 21 juillet 2016 que M. B... a été taxé d'office au titre des années 2013 et 2014 sur ses crédits bancaires et les sommes d'argent déclarées en douanes par l'intéressé, que l'administration fiscale a regardés comme des revenus d'origine indéterminée après qu'elle ait constaté une discordance, de plus du double, entre ces sommes et les revenus déclarés par le requérant.

9. M. B... soutient que la procédure de taxation d'office n'est pas justifiée. Il résulte toutefois de l'instruction qu'il n'a pas répondu dans le délai imparti aux demandes d'éclaircissements et de justifications que l'administration fiscale lui a adressées le 26 février 2016. L'administration fiscale était donc fondée à mettre en œuvre, en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, la procédure de taxation d'office des revenus d'origine indéterminée en litige au titre des années 2013 et 2014. La circonstance que M. B... a souscrit, dans les délais, ses déclarations de revenus est sans incidence.

Sur le bien-fondé des impositions :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 193 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 196 B, le revenu imposable est pour le calcul de l'impôt sur le revenu, divisé en un certain nombre de parts, fixé conformément à l'article 194, d'après la situation et les charges de famille du contribuable. / (...) ". Aux termes de l'article 194 du même code : " (...). / II. Pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls, le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,5 lorsqu'ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant. Lorsqu'ils entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée avec l'autre parent, la majoration est de 0,25 pour un seul enfant et de 0,5 si les enfants sont au moins deux. Ces dispositions s'appliquent nonobstant la perception éventuelle d'une pension alimentaire versée en vertu d'une décision de justice pour l'entretien desdits enfants ". A... résulte de ces dispositions que le bénéfice de la majoration du quotient familial ne constitue un droit pour le contribuable que sous la condition, notamment, qu'il vit seul au 1er janvier de l'année d'imposition.

11. Il résulte de la proposition de rectification du 21 juillet 2016 que l'administration fiscale a considéré, pour le calcul de l'impôt dû, que M. B... bénéficiait de deux parts de quotient familial.

12. Il est constant que M. B... n'a pas fait mention, dans ses déclarations de revenus de sa qualité de parent isolé. L'administration était dès lors fondée à retenir deux parts de quotient familial pour le calcul des impositions en litige. En se bornant à soutenir que, faute de l'avoir interrogé sur sa situation familiale, alors qu'il appartient toujours au contribuable de justifier de ce qu'il remplit les conditions lui ouvrant droit au bénéfice d'une mesure dérogatoire, l'administration fiscale aurait dû tenir compte d'un quotient familial de 2,5, M. B..., qui n'établit ni même d'ailleurs ne soutient qu'il remplissait les conditions prévues par le II de l'article 194 du code général des impôts pour bénéficier de la majoration de quotient familial, ne conteste pas utilement le quotient familial retenu au titre des deux années en cause.

13. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, après avoir relevé une discordance au titre des années 2013 et 2014 entre, d'une part, les sommes créditées sur les comptes bancaires de M. B... et celles déclarées en douane par l'intéressé, et d'autre part, les revenus qu'il avait déclarés, a estimé que les sommes non justifiées, pour un montant total de 47 252 euros au titre de l'année 2013 et de 99 518 euros au titre de l'année 2014, constituaient des revenus d'origine indéterminée, et les a taxés d'office à l'impôt sur le revenu dans cette catégorie en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.

14. M. B... soutient que les sommes en litige n'étaient pas imposables dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée dès lors qu'elles constituaient des revenus d'activité taxables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux desquels devaient être retranchées des charges déductibles. Toutefois, en se bornant à produire en appel les pièces qu'il avait déjà produites devant le tribunal, qui ne justifient ni de la nature ni de l'origine des sommes en cause, il n'apporte aucun élément susceptible de venir à l'appui de son argumentation. Si, ainsi que le relève l'administration fiscale en défense, les documents produits permettent de confirmer dans une certaine mesure l'activité d'intermédiaire dans la vente d'objets d'art exercée par M. B..., en revanche, ils ne permettent pas d'opérer un rapprochement avec les sommes déclarées en douane au titre des années 2013 et 2014. A cet égard, les procès-verbaux de remise de fonds des 28 janvier, 30 mars et 23 décembre 2014, qui n'ont été enregistrés au Cameroun qu'en 2018, sont dépourvus de caractère probant. Il en va de même des dossiers de sorties d'objets d'arts, de ceux afférents à la fumigation, des certificats d'assurances ainsi que des contrats de stockage qui portent sur des années différentes de celles en litige. Au surplus et en tout état de cause, aucun rapprochement ne peut être opéré, et n'est d'ailleurs opéré par le requérant, entre ces documents et les sommes taxées d'office. Il suit de là que M. B..., n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré les sommes en litige dans ses bases imposables.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel, ensemble les conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

Le rapporteur,

S. D...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

J. CHAMPESME

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03007


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03007
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : BUCHINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-29;21pa03007 ?
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