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29/06/2022 | FRANCE | N°21PA00592

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 juin 2022, 21PA00592


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Total a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que des frais de gestion correspondants, mis à sa charge au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1909058/1 du 3 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un m

émoire enregistrés les 3 février 2021 et 2 septembre 2021, la société Total, représentée par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Total a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi que des frais de gestion correspondants, mis à sa charge au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1909058/1 du 3 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 février 2021 et 2 septembre 2021, la société Total, représentée par Me Gauthier Blanluet, Me Jérôme Rueda et Me Clémence Seichepine, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1909058/1 du 3 décembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal, assortie du versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les cotisations pour engagements de retraites versées aux sociétés La Mondiale Europartner et Axa Luxembourg ont été à bon droit comptabilisées dans un compte de services extérieurs en tant que primes d'assurance et déduites de la valeur ajoutée pour l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dès lors que les contrats conclus avec ces sociétés d'assurance leur ont transféré la charge des risques actuariels et financiers liés à ces engagements.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Total ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Blanluet, avocat de la société Total.

Considérant ce qui suit :

1. La société Total a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 29 juillet 2015 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à un complément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi qu'aux frais de gestion correspondants au titre de l'année 2012. La société Total relève appel du jugement du 3 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. II - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies ". Aux termes du I de l'article 1586 sexies du même code : " (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré (...) b) Et, d'autre part : -les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; - diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; - la variation négative des stocks ; - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus (...) - les autres charges de gestion courante, autres que les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; - les abandons de créances à caractère financier, à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés ; - les dotations aux amortissements pour dépréciation afférentes aux biens corporels donnés en location ou sous-location pour une durée de plus de six mois, donnés en crédit-bail ou faisant l'objet d'un contrat de location-gérance, en proportion de la seule période de location, de sous-location, de crédit-bail ou de location-gérance (...) - les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante ".

3. Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée, valeur en fonction de laquelle est calculée la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt.

4. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2012, la société Total a conclu des contrats de retraite à prestations définies avec la société La Mondiale Europartner et la société Axa Luxembourg et leur a versé des cotisations pour engagements de retraites pour des montants respectifs de 210 520 000 euros et 70 000 000 euros. Ces sommes ont été comptabilisées dans un compte de services extérieurs, le compte n° 616 " primes d'assurance ", et ont été déduites de la valeur ajoutée pour le calcul de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. A l'occasion de la vérification de comptabilité dont la société Total a fait l'objet, l'administration a estimé que les sommes précitées, versées sur le fondement de contrats dont l'objet est de déléguer la gestion des engagements de retraite des salariés de la société à des organismes extérieurs, constituaient des charges de personnel qui n'était pas déductibles de la valeur ajoutée. La société Total fait valoir, d'une part, que le contrat conclu avec la société La Mondiale Europartner prévoit la constitution d'un fonds des rentes, transférant les engagements de retraite au titre des bénéficiaires déjà retraités, par lequel l'assureur se substitue à elle pour le versement des rentes viagères en prenant un risque viager et financier en l'absence de possibilité d'exiger une dotation supplémentaire et un risque de placement, et, d'autre part, que les contrats conclus avec la société La Mondiale Europartner et la société Axa Luxembourg prévoient deux fonds collectifs au titre des engagements de retraite en faveur des salariés encore en activité pour lesquels elle peut être tenue sous conditions à verser des dotations complémentaires, les capitaux constitutifs des nouvelles rentes étant néanmoins transférés dans les fonds des rentes lors du départ à la retraite des bénéficiaires en vue de permettre le financement des rentes versées aux bénéficiaires. Elle soutient ainsi que les contrats prévoient en l'espèce un transfert des risques correspondant à ses engagements envers ses salariés, les assureurs prenant des risques actuariels et financiers liés à ces engagements, et que les primes ont dès lors été versées en contrepartie de prestations d'assurances.

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale : " A moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Les garanties collectives mentionnées à l'article L. 911-1 ont notamment pour objet de prévoir, au profit des salariés, des anciens salariés et de leurs ayants droit la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, des risques d'inaptitude et du risque chômage, ainsi que la constitution d'avantages sous forme de pensions de retraite, d'indemnités ou de primes de départ en retraite ou de fin de carrière ". Il s'infère de la combinaison de ces dispositions que les indemnités versées aux salariés d'une entreprise à l'occasion de leur départ à la retraite, qu'elles découlent d'une obligation législative ou règlementaire, d'engagements conventionnels ou d'une décision unilatérale de l'employeur, ont toujours, pour la société qui les verse, le caractère de dépenses de personnel. Est indifférent à cet égard la circonstance que l'entreprise confie à un prestataire extérieur le soin d'en assurer le préfinancement et la gestion de leur versement.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en dépit de l'inscription des sommes mentionnées au point 4 au compte n° 616 " primes d'assurance ", qui ne résulte pas de manière univoque des normes comptables en vigueur, lesquelles ne s'opposent pas à une inscription alternative dans une subdivision du compte n° 645 " Charges de sécurité sociale et de prévoyance ", ces versements correspondent en réalité à des avantages octroyés aux salariés de la société, qui conservent, quelles qu'en soient les modalités de gestion, la nature de charges de personnel, indépendamment du risque actuariel ou financier auquel s'exposeraient les prestataires et dont se prévaut la société Total, qui ne résulte que d'une modalité d'organisation et de sous-traitance d'une prestation de retraite rendue au profit de ses salariés. Ces sommes ayant le caractère de dépenses de personnel, elles ne figurent pas parmi les dépenses qui, en application de l'article 1586 sexies du code général des impôts, doivent être déduites de la valeur ajoutée pour le calcul des impositions qu'elles visent. Par suite, c'est à bon droit que l'administration n'a pas admis leur déduction de la valeur ajoutée pour le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Total n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement, de décharge des impositions en litige et, en tout état de cause, de versement des intérêts moratoires, doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Total demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Total est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Total et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2022.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

J. CHAMPESMELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA00592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00592
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SULLIVAN et CROMWELL LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-29;21pa00592 ?
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