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28/06/2022 | FRANCE | N°21PA05532

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2022, 21PA05532


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2108616 du 22 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Pro

cédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2021, M. A... D..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2108616 du 22 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2021, M. A... D..., représenté par Me Besse, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108616 du 22 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 23 juin 2021 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trente-six mois ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer, le temps de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans un délai de cinq jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit pour absence d'atteinte établie à l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit pour absence d'atteinte établie à l'ordre public.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 juin 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A... D..., ressortissant capverdien né le 27 juin 1973, à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination et lui a interdit le retour pour une durée de trente-six mois. M. A... D... relève régulièrement appel du jugement n° 2108616 du 22 septembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet a visé les textes dont il a fait application, notamment les articles L. 611-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et décrit les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé, en particulier les conditions d'entrée et de séjour de M. A... D... sur le territoire français. Ces considérations sont suffisamment développées pour permettre à l'intéressé de comprendre les motifs de l'obligation de quitter le territoire français à la seule lecture de l'arrêté. Par suite, M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la

Seine-Saint-Denis a considéré que la circonstance que M. A... D... avait été interpellé le 23 juin 2021 pour des faits d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans constituait une menace à l'ordre public. Tout d'abord, en se bornant à soutenir qu'il n'aurait pas été libéré si les faits avaient été établis, le requérant ne conteste pas efficacement la matérialité des faits. Par ailleurs, il ne saurait utilement se prévaloir du principe de la présomption d'innocence, qui ne s'applique qu'en matière pénale, et de la circonstance qu'aucune suite judiciaire n'y a été donnée. Dans ces conditions, eu égard à la fois de la nature de ces faits, de leur caractère particulièrement récent, c'est sans erreur d'appréciation que le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé qu'ils étaient de nature à faire regarder le comportement de M. A... D... comme constitutif d'une menace à l'ordre public.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. M. A... D... soutient qu'il réside depuis 2016 en France, qu'il s'est marié le 27 mars 2021 avec une compatriote en situation régulière, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 11 mars 2023, avec laquelle il est en couple depuis 2018. Toutefois, les relations et le mariage de M. A... D... avec son épouse sont récents et l'intéressé n'établit pas ne plus avoir de liens privés ou familiaux dans son pays d'origine. Dès lors, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. A... D... qui, depuis son arrivée sur le territoire en 2016 n'a jamais entrepris de démarches pour régulariser sa situation administrative et a déclaré exercer illégalement une activité professionnelle sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, l'arrêté contesté du préfet de la

Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision (...). ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 613-2 du code précité les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées.

7. La décision, qui vise les dispositions applicables, mentionne les éléments relatifs à la situation personnelle de M. A... D..., notamment son parcours migratoire depuis son arrivée en France, et indique les raisons pour lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé de ne pas lui octroyer un délai de départ volontaire. La décision comportant les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D... a été placé en garde à vue le 23 juin 2021 pour des faits d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans et que la victime a porté plainte. Ces faits sont constitutifs d'une menace pour l'ordre public, nonobstant l'absence de condamnation pénale alléguée. Ensuite, M. A... D... n'a pas, depuis son arrivée en France en 2016, déposé une demande de titre de séjour à la préfecture. Enfin, s'il soutient vivre avec son épouse à Pantin, il n'apporte aucune pièce de nature à établir l'existence d'une adresse effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, la quittance de loyer produite étant au nom de son épouse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...). ".

11. Pour fixer le principe et la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. A... D..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a cité l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et relevé que l'intéressé déclare séjourner en France depuis l'année 2016, qu'il ne justifie être entré régulièrement sur le territoire et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Dès lors, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

12. Ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, les faits pour lesquels M. A... D... a été signalé, caractérisent une menace pour l'ordre public. En outre, le requérant, qui allègue être entré sur le territoire depuis près de cinq ans avant la décision attaquée, n'apporte aucun élément permettant d'établir l'intensité de sa vie familiale en France, son mariage étant récent, ainsi que son arrivée sur le territoire français et il n'a, comme il a déjà été indiqué supra, entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation administrative. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant à l'encontre de M. A... D... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.

13. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête. Par suite, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président-assesseur

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 juin 2022.

La rapporteure,

S. B...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05532
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : BESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-28;21pa05532 ?
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