Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de résident et de renouveler son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2011279 du 24 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Lasfargeas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de résident dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, un titre de séjour "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, un récépissé de demande de carte de résident et de renouvellement de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé s'agissant de la preuve du séjour en France de ses enfants ; les premiers juges n'ont pas examiné le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis des erreurs de fait en remettant en cause la résidence en France de ses enfants ainsi que la régularité de son entrée sur le territoire national ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ces erreurs de fait étaient sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;
- cet arrêté méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-6° et L. 314-9-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A..., ressortissant mauritanien né le 1er mai 1976, est entré en France le 15 janvier 2014 selon ses déclarations. Il a bénéficié de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale " entre 2015 et 2019, en qualité de parent d'enfant français. Le 28 août 2019, il a sollicité la délivrance d'une carte de résident sur le fondement du 2° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 21 septembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de résident, a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 24 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient M. A..., les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en précisant les éléments sur lesquels ils se sont fondés pour estimer que l'intéressé n'établissait pas participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis deux ans à la date de l'arrêté attaqué. Ils ont par ailleurs examiné, au point 3 du jugement, les moyens tirés des erreurs de fait qu'aurait commises le préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui concerne la résidence en France des enfants du requérant et la régularité de son entrée sur le territoire national. Enfin, les premiers juges n'étaient pas tenus d'examiner la légalité de l'arrêté attaqué au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que si ces dispositions étaient citées par M. A... à l'appui de ses conclusions à fin d'injonction, aucun moyen tiré de leur méconnaissance n'était dirigé contre l'arrêté litigieux. Ainsi, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 314-9 du même code : " La carte de résident est délivrée de plein droit : / (...) / 2° A l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11 ou d'une carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 2° de l'article L. 313-18, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévue pour l'obtention de cette carte de séjour et qu'il ne vive pas en état de polygamie ". Enfin, aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est le père de quatre enfants de nationalité française, nés en 2003, 2014, 2016 et 2018 de sa relation avec Mme C... et qu'il a vécu en concubinage avec cette dernière entre 2014 et juillet 2018, période au cours de laquelle il a bénéficié de titres de séjour en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il soutient que, contrairement à ce qu'a notamment énoncé le préfet de la Seine-Saint-Denis pour refuser les titres sollicités, ses enfants résident en France de manière stable auprès de leur mère. Cette circonstance ne permet pas cependant d'établir qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, alors qu'il ne vit plus avec eux depuis juillet 2018. M. A... fait par ailleurs valoir qu'un litige est en cours devant le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qui concerne la garde de ses enfants, et expose qu'il ne peut produire que quelques justificatifs de virements d'argent à leur mère pour la période de février à juin 2019, dès lors que celle-ci ferait obstacle à ce qu'il prenne en charge les enfants et le contraindrait à verser des aides en espèces afin de ne pas les déclarer. Il n'établit cependant pas la réalité de ses allégations en se bornant à produire deux récépissés de déclaration de main courante ainsi que des preuves de sa participation aux charges du ménage jusqu'à 2019. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a estimé qu'il n'établissait pas participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis deux ans à la date de l'arrêté attaqué, et que par suite les dispositions citées au point 3 du présent arrêt n'avaient pas été méconnues par le préfet de la Seine-Saint-Denis.
5. En deuxième lieu, M. A... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis des erreurs de fait en relevant qu'il ne justifiait pas de la résidence stable et durable de ses quatre enfants en France, ni de la date de son entrée sur le territoire français. Toutefois, il ne l'établit pas en se bornant à produire des certificats de scolarité relatifs aux années scolaires 2019/2020 et 2020/2021 pour seulement deux de ses enfants, ainsi qu'un certificat de scolarité plus ancien relatif à sa fille aînée Niouma, née en 2003, ni en produisant une attestation indiquant que le tribunal judiciaire de Bobigny est saisi d'une demande relative notamment à l'exercice de l'autorité parentale sur ses enfants. S'agissant de la date à laquelle le requérant est arrivé en France et de la régularité de cette entrée, en janvier 2014, il ne l'établit pas, comme l'ont relevé les premiers juges, en versant au dossier un passeport revêtu d'un visa Schengen valable quinze jours et d'un tampon dont on peut seulement lire difficilement la date, sans pouvoir déterminer dans quel aéroport il a été apposé ni s'il s'agit d'une arrivée ou d'un départ. En tout état de cause, comme l'a encore relevé à bon droit le tribunal, ces erreurs de fait, à les supposer avérées, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne les avait pas commises, eu égard à ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. M. A... se prévaut, à l'appui de ses moyens tirés de la violation des dispositions et stipulations précitées, de son insertion professionnelle et de la présence en France de ses quatre enfants. Toutefois, comme il a été dit précédemment, il n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. Par ailleurs, il n'établit pas la stabilité de son activité professionnelle, alors qu'il indique avoir quitté en décembre 2019 l'entreprise qui l'employait depuis juillet 2015, et avoir exercé une activité d'agent de service entre février et août 2020. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, méconnu les dispositions précitées des articles L. 313-11 7° alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants, ni enfin commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2020 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L. 314-9 2°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de renouveler son titre sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du même code. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante au cours de la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience publique du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.
La rapporteure,
G. B...La présidente,
M. D...
La greffière,
A. DUCHER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA06141 2