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15/06/2022 | FRANCE | N°22PA00181

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 juin 2022, 22PA00181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2125655/8 du 17 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, après avoir admis Mme B... à l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 16 novembre 2021 du préfet de police, lui a enjoint de dé

livrer à Mme B... dans un délai de quinze jours l'attestation de demande d'asile mentio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2125655/8 du 17 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris, après avoir admis Mme B... à l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté du 16 novembre 2021 du préfet de police, lui a enjoint de délivrer à Mme B... dans un délai de quinze jours l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2125655/8 du 17 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... devant le tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté en litige est suffisamment motivé et a été précédé d'un examen sérieux ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4, 5, 21 et 26 de ce règlement et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoqués par Mme B... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Marc Atger, demande à la Cour de prononcer un non-lieu à statuer ou, à titre subsidiaire, de rejeter la requête du préfet de police et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est dépourvue d'objet, dès lors que le préfet de police a abrogé l'arrêté contesté, en lui délivrant une attestation de demande d'asile ;

- c'est à bon droit que le premier juge a annulé cet arrêté sur le fondement de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle reprend l'intégralité de ses moyens de première instance.

Par une décision du 30 mars 2022 du tribunal judiciaire de Paris, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Atger pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, s'est présentée aux services de la préfecture de police le 25 août 2021 à fin d'enregistrement d'une demande de protection internationale. Par un arrêté du 16 novembre 2021, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 17 décembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 novembre 2021, lui a enjoint de délivrer à Mme B... une attestation de demande d'asile et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros.

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

2. Mme B... fait valoir qu'il n'y a plus lieu pour la Cour de statuer sur la requête d'appel du préfet de police dès lors que lui a été délivrée une attestation de demande d'asile. Toutefois, cette circonstance, qui résulte de la simple exécution du jugement attaqué, et notamment de la mesure d'injonction prononcée, n'a pas pour conséquence de priver d'objet les conclusions d'appel du préfet de police. Par suite, l'exception de non-lieu opposée par Mme B... ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) chaque A... membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

4. L'Italie est un A... membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme B..., en se bornant à faire état de considérations générales sur les conditions d'accueil en Italie à partir de rapports relatant des faits très antérieurs à l'arrêté contesté, n'établit pas que sa demande d'asile serait traitée par les autorités italiennes d'une manière qui ne répondrait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ou qui l'exposerait à subir des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du certificat médical du 26 novembre 2021 relatant les dires de l'intéressée et des attestations de prise en charge psychologique des 21 septembre et 7 et 9 décembre 2021, au demeurant postérieurs à l'arrêté contesté, que Mme B..., enceinte de huit mois à la date de cet arrêté, ne pourrait bénéficier en Italie d'un suivi médical adapté à son état de santé, les pièces médicales produites ne démontrant d'ailleurs pas une gravité particulière de cet état de santé ou de conséquences significatives que pourrait entraîner un transfert en Italie. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris et la Cour.

Sur les autres moyens invoqués par Mme B... :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre A... peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

7. En vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul A..., parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet A..., dit A... membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun A... membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 du chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet A..., qui a vocation à le prendre en charge. En application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre A... membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre A... membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Ainsi, doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger en provenance d'un pays tiers ou d'un apatride ayant, au cours des douze mois ayant précédé le dépôt de sa demande d'asile, pénétré irrégulièrement au sein de l'espace Dublin par le biais d'un A... membre autre que la France, la décision de transfert à fin de prise en charge qui, après avoir visé le règlement, fait référence à la consultation du fichier Eurodac sans autre précision, une telle motivation faisant apparaître que l'Etat responsable a été désigné en application du critère énoncé à l'article 13 du chapitre III du règlement.

8. L'arrêté du préfet de police du 16 novembre 2021 vise notamment le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que Mme B... est entrée irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenue sans être munie des documents et visas exigés par les textes en vigueur. Il indique que les empreintes de Mme B... ont été relevées et ont permis d'établir, après confrontation avec les bases de données européennes " Eurodac ", qu'elle avait irrégulièrement franchi la frontière italienne le 29 juin 2021. Il expose qu'en application de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les autorités italiennes doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile déposée par l'intéressée, que les autorités italiennes ont été saisies le 13 septembre 2021 d'une demande de prise en charge en application du 1 de l'article 13 de ce règlement et ont accepté leur responsabilité le 10 novembre 2021. Cet arrêté précise en outre qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, Mme B... ne relève pas des dérogations prévues aux articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin, le préfet de police, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de fait relatifs à la situation personnelle de la requérante, a examiné la situation de Mme B... au regard des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen doivent ainsi être écartés.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un A... membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un A... membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un A... membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, les 25 et

26 août 2021 contre signature, l'ensemble des informations nécessaires au suivi de sa demande d'asile et à l'engagement de la procédure de transfert, telles que la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A), la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B), la brochure d'information, rédigée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, relative à la base de données " Eurodac " ainsi que le guide du demandeur d'asile, rédigés en langue française qu'elle a déclaré comprendre. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme B... n'aurait pas reçu par écrit et dans une langue qu'elle comprend les éléments d'information requis par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié d'un entretien individuel, le 26 août 2021, mené par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, au cours duquel elle a pu présenter des observations orales sur la procédure de transfert. Le compte rendu de l'entretien, qui s'est déroulé en français, ne révèle aucune difficulté de compréhension des questions qui ont été posées, auxquelles la requérante a apporté des réponses précises et substantielles. Par ailleurs, Mme B... n'apporte aucun élément circonstancié de nature à faire douter de la qualité de l'agent ayant procédé à cet entretien et du respect des conditions de confidentialité de l'entretien. Enfin, la circonstance que la qualité et le nom de la personne qualifiée ayant mené l'entretien individuel ne sont pas mentionnés dans le compte rendu de cet entretien, est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre A... membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre A... membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'accusé de réception émis dans le cadre du réseau " DubliNet " par le point d'accès national de l'Italie, que les autorités italiennes ont été saisies le 13 septembre 2021 d'une demande de prise en charge de Mme B... et qu'elles ont explicitement accepté cette prise en charge le 10 novembre 2021, sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police n'apporte pas la preuve de la saisine des autorités italiennes de la demande de prise en charge et de l'acceptation par ces autorités.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. En dernier lieu, Mme B... soutient que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles 31 et 32 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois, les dispositions de l'article 31 de ce règlement sont relatives à l'" Echange d'informations pertinentes avant l'exécution d'un transfert " et celles de l'article 32 à l'" Echange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert ". De telles dispositions, qui concernent le traitement de la personne transférée une fois le transfert décidé, n'imposaient pas au préfet de police de s'assurer auprès des autorités italiennes que Mme B... pourrait bénéficier immédiatement d'un suivi adapté à sa situation, avant que ne soit prise la décision de transfert. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions des articles 31 et 32 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 est inopérant.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 16 novembre 2021, lui a enjoint de délivrer à Mme B..., dans un délai de quinze jours, l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les articles 2 à 4 de ce jugement doivent dès lors être annulés et la demande présentée par Mme B... devant ce tribunal doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2125655/8 du 17 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande de Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2022.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

I. BROTONSLe greffier,

J. CHAMPESMELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00181
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : ATGER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-15;22pa00181 ?
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