Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 19 mai 2020 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.
Par un jugement n° 2006705 du 11 juin 2021 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2021 M. E..., représenté par Me Savignat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2006705 du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'autoriser le regroupement familial au profit de Mme C... D..., son épouse ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est irrégulière faute de consultation préalable du maire et de l'absence de mention des conditions dans lesquelles est intervenue la visite domiciliaire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dans l'application du 2 de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation des caractéristiques de son logement ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait lui opposer l'irrégularité de son épouse au regard du séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a produit aucune observation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien, demande l'annulation de la décision du 19 mai 2020 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de regroupement familial que l'intéressé a présentée au profit de son épouse, aux motifs d'une part de la présence irrégulière de l'intéressée en France, d'autre part de l'absence de dispositifs d'ouverture ou de ventilation dans certaines pièces de son logement. M. E... relève régulièrement appel du jugement en date du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, M. E... reprend en appel le moyen de légalité externe soulevé en première instance, tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté. En appel, il soutient que l'absence ou l'empêchement du préfet de la Seine-Saint-Denis, n'étant pas démontrés, l'auteur de l'arrêté préfectoral n'était pas compétent pour prendre les décisions en litige que cet arrêté contient. Toutefois, il appartient à la partie qui conteste la qualité de délégataire pour signer les décisions contestées d'établir que l'autorité délégante n'était pas empêchée, le requérant se bornant, à cet égard, à affirmer que le préfet doit apporter la preuve de l'indisponibilité de l'autorité délégante. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges, qui n'ont pas inversé la charge de la preuve, ont écarté le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte au point 2 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, la décision litigieuse comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et permet de comprendre les raisons pour lesquelles la demande de regroupement familial déposée par M. E... est refusée. Elle est ainsi suffisamment motivée.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien : " Les membres de famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent./ Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente./ (...) Le regroupement familial peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : (...) 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. Peut être exclu de regroupement familial : 1 - un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ; 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français. (...) ". Aux termes de l'article
L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-6 de ce code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ".
5. Dès lors que l'épouse de M. E... se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français, elle figurait, en application des dispositions précitées de l'accord franco-algérien, au nombre des membres de famille pouvant être exclus du regroupement familial. Par suite, alors même que les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'instruction des demandes de regroupement familial ne lui étaient pas applicables, le requérant relevant des seules stipulations de l'accord franco-algérien visé ci-dessus, le moyen soulevé doit être écarté. En outre, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu, sans entacher la procédure d'irrégularité en privant le requérant d'une garantie, s'abstenir de solliciter l'avis du maire de la commune de Saint-Ouen qui, au demeurant, ne liait pas sa décision.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Pour procéder à la vérification des conditions de logement et de ressources, le maire examine les pièces justificatives requises dont la liste est déterminée par décret. Des agents spécialement habilités des services de la commune chargés des affaires sociales ou du logement, ou, à la demande du maire, des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration peuvent pénétrer dans le logement. Ils doivent s'assurer au préalable du consentement écrit de son occupant. (...) ".
7. Le requérant soutient que la procédure est viciée au motif qu'il n'est pas précisé dans quelles circonstances le consentement de l'intéressé a été requis ainsi que les conditions de la visite de son logement. Il ressort des termes de la décision attaquée qu'une visite du logement de l'intéressé a eu lieu et que celui-ci s'est révélé non conforme à la réglementation applicable en la matière. Si le consentement écrit de M. E... ne figure pas parmi les pièces du dossier, il n'en demeure pas moins que le préfet pouvait pour le seul motif tiré de la présence irrégulière de l'épouse du requérant sur le territoire français refuser le regroupement familial. Dès lors, à supposer même que la procédure ne soit pas conforme à la réglementation précitée, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision contestée.
8. En cinquième lieu, M. E... soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des caractéristiques de son logement ainsi que d'une erreur de droit au regard des dispositions applicables en la matière.
9. D'une part, aux termes des dispositions de l'article 4 de l'accord franco-algérien citées au point 4 et d'autre part, aux termes de l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le champ d'application inclut les ressortissants algériens : " (...) est considéré comme normal un logement qui : (...) 2° Satisfait aux conditions de salubrité et d'équipement fixées aux articles 2 et 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 précité : " Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires : (...) 6. Les dispositifs d'ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l'air adapté aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ; (...) ".
10. Comme il a été mentionné au point 7 du présent arrêt, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, pour le seul motif de la présence irrégulière de l'épouse du requérant, refuser le regroupement familial sollicité. En tout état de cause, les stipulations de l'accord franco-algérien précitées subordonnent l'autorisation de regroupement familial à la conformité des conditions de logement au regard des conditions de salubrité et d'équipement, appréciées au regard des dispositions précitées du décret du 30 janvier 2002. A cet égard, si M. E... produit une photographie pour démontrer l'existence d'une ventilation dans la cuisine et la salle de bains-WC, à supposer même que la photographie puisse se rapporter au logement du requérant, cette pièce ne suffit pas à établir qu'à la date de la décision attaquée, ce logement disposait bien d'un dispositif d'aération adapté dans les pièces concernées. Ainsi, par la seule pièce qu'il produit, M. E... n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur dans l'appréciation de l'état de son logement en considérant que celui-ci ne permettait pas l'accueil de son épouse dans des conditions minimales de confort et d'habitabilité, ou une erreur de droit.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les stipulations précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si l'arrêté attaqué retient que la décision en litige ne porte pas d'atteinte à ces stipulations, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E..., qui réside en France depuis 1956 et dont le mariage remonte à 1970, ait vécu de manière continue et régulière aux côtés de son épouse antérieurement à la date de son arrivée sur le territoire français, au demeurant non précisée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2020 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son épouse. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juin 2022.
La rapporteure,
S. B...Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03912