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10/06/2022 | FRANCE | N°21PA01968

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 juin 2022, 21PA01968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné passé ce délai.

Par un jugement n° 2020871 du 28 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te et deux mémoires de production de pièces, enregistrés les 16 avril, 26 août et 1er décembre 2021,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné passé ce délai.

Par un jugement n° 2020871 du 28 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires de production de pièces, enregistrés les 16 avril, 26 août et 1er décembre 2021, M. A..., représenté par Me Lerable, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2020871 du 28 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2020 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lerable de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il méconnaît le droit d'être entendu tel qu'il résulte des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 18 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte de droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 11 janvier 1980 à Balkh (Afghanistan), est entré en France le 27 avril 2019 selon ses déclarations et a sollicité un titre de séjour au titre de l'asile qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) par une décision du 27 mars 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 9 novembre 2020. Par un arrêté du 16 novembre 2020, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel les moyens, qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et que le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Paris.

3. En deuxième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant au soutien des conclusions présentées par M. A..., il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

4. Or, dans le cas prévu aux dispositions alors codifiées au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusée à l'étranger, ce dernier ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient ainsi, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

5. En l'espèce, si M. A... soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, cette mesure fait suite au rejet par la Cour nationale du droit d'asile de sa demande d'asile. Or, ainsi qu'il vient d'être dit, dans un tel cas, aucune obligation d'information préalable ne pèse sur le préfet. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier et des écritures du requérant qu'un changement particulier de circonstances aurait affecté sa situation personnelle et familiale ou son état de santé depuis l'enregistrement de sa demande d'asile. Il n'est pas non plus allégué que M. A... aurait postérieurement sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il aurait été empêché de présenter ses observations, s'il l'avait souhaité, avant que ne soit prise la décision litigieuse. Par suite, et alors que le préfet de police n'était pas tenu d'inviter M. A... à formuler des observations avant l'édiction de cette mesure, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de l'intéressé à être entendu ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". L'article R. 511-1 du même code dispose : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Toutefois, lorsque l'étranger est retenu en application de l'article L. 551-1, le certificat est établi par un médecin intervenant dans le lieu de rétention conformément à l'article R. 553-8 ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative, lorsqu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 10° de l'article L. 511-4 précité, doit, avant de prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de celui-ci, saisir pour avis le comité médical mentionné à l'article R. 511-4 du même code ou, le cas échéant, le médecin intervenant dans le lieu de rétention.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une cardiopathie dilatée sévère qui a nécessité la pose d'un défibrillateur automatique implantable en juin 2019. Toutefois, le préfet de police soutient sans être contredit que pendant l'examen de sa demande d'asile, et notamment lorsqu'il a été reçu en préfecture, M. A... ne l'a pas informé de son état de santé. M. A... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait dû solliciter un avis médical, dans les conditions rappelées au point 7, avant de prendre la décision attaquée. Par ailleurs, les documents médicaux produits par M. A..., qui sont dépourvus de toute précision, ne permettent pas d'établir que celui-ci serait dans l'impossibilité de voyager ou de bénéficier d'un suivi dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A... fait valoir que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale dès lors qu'il vit en concubinage avec une ressortissante algérienne en situation régulière sur le territoire français. Toutefois, les documents qu'il a produit ne permettent d'établir ni la réalité ni la durée de ce concubinage. En outre, M. A... n'est entré en France qu'en 2018, à l'âge de 38 ans, et n'établit pas ni même n'allègue ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, il ne démontre pas que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et qu'elle a, de ce fait, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Les allégations de M. A... relatives aux risques que lui ferait courir son retour dans son pays d'origine ne sont assorties d'aucune précision ni d'aucune justification, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2022.

La rapporteure,

C. B...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01968 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01968
Date de la décision : 10/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : LERABLE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-10;21pa01968 ?
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