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10/06/2022 | FRANCE | N°21PA00226

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 10 juin 2022, 21PA00226


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a assigné un pays de retour, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " au titre des dispositions du 7° de l'article L.

313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans le délai de quinze jours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a assigné un pays de retour, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " au titre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre plus subsidiaire encore, d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire et d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le même délai et de le mettre dans ce délai en possession d'une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2014903 du 16 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Levy, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2014903 du tribunal administratif de Paris en date du 16 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et lui a assigné un pays de retour ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision portant obligation de quitter le territoire ;

5°) à titre plus subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le même délai et de le mettre dans ce même délai en possession d'une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'erreurs de droit au regard des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration et des articles L. 313-14 et L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que d'une erreur de fait au regard de l'accord franco-sénégalais ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est insuffisamment motivée dès lors, notamment, qu'elle ne mentionne pas les éléments propres à sa situation personnelle ;

- elle est illégale en l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il exerce un métier mentionné sur la liste en annexe de l'accord franco-sénégalais ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 12 mai 1998 n° NOR/INT/D/98/00108/C du ministre de l'emploi et de la solidarité et du ministre de l'intérieur ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 2 janvier 1987 à Bakel, serait entré en France en novembre 2010 selon ses déclarations. Il a sollicité, le 25 septembre 2019, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 février 2020, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et lui a assigné un pays à destination duquel il pourra être reconduit passé ce délai. Le tribunal administratif de Paris a rejeté son recours en excès de pouvoir contre cet arrêté, par un jugement n° 2014903 du 16 décembre 2020, dont M. B... relève régulièrement appel.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des décisions en litige. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs de droit au regard des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration et des articles L. 313-14 et L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que d'une erreur de fait au regard de l'accord franco-sénégalais.

Sur le bien-fondé de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine. (...). Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales ". L'article 3 de l'avenant du 25 février 2008, publié au Journal officiel du 26 mai 2009 et modifiant l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, porte : " (...) Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail, soit la mention " vie privée et familiale " s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Et aux termes de l'article

L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ". Il s'ensuit que les stipulations de l'article 3 de l'avenant du 25 février 2008 à l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 renvoient à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière et rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code déjà mentionné. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 de ce code.

4. Si M. B... soutient que le préfet de police a refusé le titre de séjour en raison de l'absence de contrat visé par l'autorité compétente, il ressort des mentions de l'arrêté du 19 février 2020 en litige que le refus d'admission exceptionnelle au séjour que le préfet de police a opposé au pétitionnaire repose à titre principal sur l'ancienneté professionnelle non justifiée de M. B... et, à titre accessoire, sur l'absence de contrat visé par l'autorité compétente. Au demeurant, si les bulletins de paye nombreux mais discontinus dans plusieurs entreprises de nettoyage établissent une ancienneté professionnelle depuis février 2013 en qualité d'agent de service ou de nettoyage, ces fonctions sont absentes de la liste des métiers figurant à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais mentionné ci-dessus, lesquels n'incluent que les métiers d'agent d'entretien et de nettoyage urbain ou les métiers d'agent d'entretien et d'assainissement. L'exercice, même pendant 7 ans, de fonctions telles que celles qui ont été exercées par le requérant, dont il n'est pas établi qu'elles impliqueraient une spécialisation ou une technicité particulières, ne peut, à lui seul, tenir lieu de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De même, la présence sur le territoire français des deux sœurs de M. B... ainsi que la bonne insertion de celui-ci dans la société française ne constituent pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens du même article L. 313-14. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'absence de contrat de travail visé par l'autorité compétente aurait constitué un motif déterminant dans l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de police, avant de rejeter la demande de titre de séjour de M. B..., ni que cette autorité aurait pris une autre décision en ne retenant pas ce motif.

5. Aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. /Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises. ".

6. Il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet n'a pas opposé à M. B... le caractère incomplet de sa demande, préalablement à son examen au fond, mais s'est fondé notamment sur le caractère insuffisamment probant des pièces produites pour attester de la réalité de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration.

7. En troisième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs énoncés au point 4 du jugement attaqué et non critiqué par de nouveaux arguments, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, du refus de titre de séjour litigieux.

8. En quatrième lieu, la décision litigieuse a été prise pour les motifs analysés au point 4 du présent arrêt, qui ont trait à la situation de M. B... au regard tant de son activité professionnelle que des circonstances de sa vie personnelle. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen approfondi de son cas, doit été écarté comme manquant en fait.

9. En cinquième lieu, alors même que les pièces produites par l'intéressé seraient suffisantes pour corroborer sa résidence alléguée sur le territoire depuis près de dix ans de manière continue ou habituelle, il découle de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de police a refusé de faire droit à sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, prévue à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En sixième lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs énoncés aux points 11 et 12 du jugement attaqué et non critiqués par de nouveaux arguments, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de la vie privée et familiale de M. B... et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont serait entaché le refus de titre de séjour litigieux.

11. En septième lieu, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le préfet de police n'était pas tenu de statuer sur le bénéfice des dispositions du 7° de de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont M. B... ne l'avait pas saisi dans sa demande de régularisation. En tout état de cause, en examinant les aspects privés et personnels de la situation du demandeur au regard de l'article L. 313-14 du même code, le préfet de police a nécessairement examiné l'octroi d'un titre sur le fondement de sa vie privée et personnelle. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de de l'article L. 313-11 de ce code doit donc, en tout état de cause, être écarté.

12. En huitième lieu, la circulaire du ministre de l'emploi et de la solidarité et du ministre de l'intérieur, en date du 12 mai 1998, afférente à l'application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile étant dépourvue de valeur réglementaire, le moyen tiré de sa méconnaissance doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

13. En premier lieu, pour les motifs développés précédemment, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui des conclusions en annulation de la mesure d'éloignement doit être écarté comme manquant en fait.

14. En second lieu, pour les motifs déjà exposés aux points 10 et 11 du présent arrêt, la mesure d'éloignement dont fait l'objet M. B... ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la vie privée de M. B....

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de première instance. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juin 2022.

Le rapporteur,

J.-E. A...Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00226


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00226
Date de la décision : 10/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-10;21pa00226 ?
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