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10/06/2022 | FRANCE | N°21PA00181

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 10 juin 2022, 21PA00181


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de crédit d'impôt recherche effectivement payées le 13 février 2019, au titre de l'année 2014, pour un montant de 48 852 euros, et au titre de l'année 2015, pour un montant de 27 486 euros. Par un jugement n° 1917448 du 1er décembre 2020 le tribuna

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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de crédit d'impôt recherche effectivement payées le 13 février 2019, au titre de l'année 2014, pour un montant de 48 852 euros, et au titre de l'année 2015, pour un montant de 27 486 euros. Par un jugement n° 1917448 du 1er décembre 2020 le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser au CNIEL les intérêts moratoires pour un montant de 61 729 euros et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 janvier et 7 avril 2021, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour : 1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 1917448 du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande du CNIEL, d'une part, en condamnant l'administration au versement d'intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales pour un montant de 61 729 euros, d'autre part, en mettant à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2°) de prononcer la restitution à l'Etat des intérêts moratoires dont le versement a été décidé par les premiers juges. Il soutient que : - la restitution du crédit d'impôt recherche au titre des dépenses éligibles engagées par le CNIEL ne relève pas du champ d'application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, dès lors que la restitution du crédit d'impôt recherche constitue le versement d'une aide publique et non un élément du résultat imposable ; cette créance ne correspondant ni à un solde d'impôt, ni à un trop versé, l'administration n'ayant pas procédé à un dégrèvement ; au demeurant, aucune disposition du code monétaire et financier ne prévoit de sanctions spécifiques en cas de retard du débiteur cédé à verser la somme due au cessionnaire ; - à supposer que le paiement d'une créance de crédit d'impôt puisse être assimilé à un remboursement, il constitue seulement un remboursement de dépenses de recherche et développement et non un remboursement d'impôt ; - ne sont pas applicables les solutions dégagées en matière de remboursement de crédit d'impôt de taxe sur la valeur ajoutée ; - si une demande de paiement d'une créance de crédit d'impôt pour dépenses de recherche constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, elle ne résulte pas d'une erreur et ne tend pas à la réparation de celle-ci ; - à supposer même que le rejet implicite de la demande de paiement des créances concernées puisse constituer une erreur, cette dernière est étrangère à l'assiette ou au calcul d'une imposition antérieure ; - le paiement des créances concernées ne correspond ni à un solde d'impôt, ni à un trop-versé ; - seules les dispositions du code civil, relatives aux intérêts au taux légal sont susceptibles de s'appliquer ; la constatation d'un retard est, par suite, seulement susceptible de donner lieu au versement d'intérêts calculés au taux légal, au profit du cessionnaire de la créance ce qui a été fait, en l'espèce, par le versement de la somme de 14 609 euros ; - aucun des moyens soulevés en première instance par le CNIEL n'est susceptible de prospérer ; en particulier, les décisions des juges du fond dont se prévaut le requérant ne peuvent être transposées au cas d'espèce. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 26 mars et 19 août 2021, le CNIEL, représenté par Me Espasa-Mattéi, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (ci-après CNIEL), association de promotion et d'organisation de la filière laitière, a sollicité la restitution du crédit d'impôt recherche (CIR) dont elle s'estimait titulaire au titre des années 2014 et 2015. Par décision du 28 janvier 2019, l'administration fiscale a partiellement fait droit à sa demande et a procédé au paiement de ces deux créances le 13 février 2019. Par deux réclamations du 15 avril 2019, le CNIEL a sollicité le versement des intérêts moratoires afférents aux créances en cause. Par décision du 12 juin 2019, l'administration fiscale a rejeté sa demande de versement d'intérêts moratoires mais a admis le versement de l'intérêt légal, prévu à l'article 1907 du code civil, pour un montant de 9 446 euros au titre de l'année 2014, et de 5 163 euros au titre de l'année 2015. Le CNIEL a demandé au tribunal administratif de Paris de lui accorder le versement des intérêts moratoires pour un montant de 76 338 euros. Par le présent recours, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement du 1er décembre 2020 par lequel ce tribunal a condamné l'Etat à verser au CNIEL les intérêts moratoires pour un montant de 61 729 euros. 2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes du I de l'article 199 ter B de ce code : " Le crédit d'impôt (...) défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période.(...) ". Le II du même article prévoit que ces créances sont immédiatement remboursables lorsqu'elles sont constatées par des entreprises appartenant à certaines catégories, définies notamment au regard de leur taille ou de la qualification de jeune entreprise innovante.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation (...) ". Aux termes de l'article R. 199-1 du même code : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévue à l'article R. 198-10. / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...) ". 4. D'autre part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ". 5. La demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Un remboursement accordé par l'administration à la suite de l'admission d'une telle réclamation, qui tend à obtenir le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou règlementaire, n'ouvre pas droit au versement par l'Etat au contribuable d'intérêts moratoires. En revanche, un remboursement de créance de crédit d'impôt recherche qui intervient postérieurement au rejet, explicite ou né du silence gardé par l'administration au-delà du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, de la demande formée à cette fin a le caractère d'un dégrèvement contentieux de même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et ouvre en conséquence droit au versement d'intérêts moratoires à compter de la date de la demande de remboursement. 6. Par ailleurs, les dispositions de l'article 1231-6 du code civil ne trouvent à s'appliquer, en cas de retard pris par une personne publique dans le paiement d'une somme d'argent, qu'à défaut de dispositions législatives spéciales. En conséquence, elles ne trouvent pas à s'appliquer au remboursement d'une créance revêtant le caractère d'un dégrèvement contentieux au sens de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. 7. Le remboursement de crédit d'impôt recherche obtenu par le CNIEL est intervenu le 13 février 2019 soit plus de six mois après les demandes correspondantes qui avaient été présentées le 27 avril 2015 au titre de l'exercice 2014 et le 3 juin 2016 au titre de l'exercice 2015, soit postérieurement au rejet par l'administration d'une réclamation. Ce remboursement a eu, à la suite de ce rejet, le caractère d'un dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Il doit dès lors donner lieu au paiement d'intérêts moratoires, lesquels doivent courir, s'agissant de la procédure de remboursement d'un crédit d'impôt recherche pour laquelle il n'y a pas de paiement antérieur de la part du contribuable, à compter de la date de la réclamation qui fait apparaître le crédit remboursable. Dans ces conditions, le CNIEL est fondée à demander le paiement desdits intérêts moratoires afférents à la somme de 9 446 euros au titre de l'année 2014 à compter du 27 avril 2015 jusqu'au 13 février 2019 et de 5 163 euros au titre de l'année 2015 à compter du 3 juin 2016 jusqu'au 13 février 2019 soit la somme de 61 729 euros compte tenu du versement déjà intervenu de la somme de 14 609 euros. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et alors même que les dispositions de l'article 1231-6 du code civil ont été satisfaites par le versement de l'intérêt au taux légal, que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser au CNIEL les intérêts moratoires d'un montant de 61 729 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter le recours du ministre. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.D E C I D EArticle 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.Article 2 : L'Etat versera au CNIEL la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le CNIEL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au Centre national interprofessionnel de l'économie laitière.Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré).Délibéré après l'audience du 13 mai 2022, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Soyez, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juin 2022.La rapporteure,S. A...Le président,S. CARRERE La greffière,C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.2N°21PA00181


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00181
Date de la décision : 10/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET JEAUSSERAND AUDOUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-10;21pa00181 ?
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