Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus, à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement nos 1710116 et 1801923 du 11 mars 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mai et le 8 septembre 2020, M. et Mme C..., représentés D..., avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1710116 et 1801923 du 11 mars 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de designer un expert aux fins de déterminer s'il a été recouru à la procédure mentionnée à l'article 117 du livre des procédures fiscales et si les rectifications de la société Geomap ont été abandonnées ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière en raison de l'incompétence territoriale de la direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- l'administration a procédé irrégulièrement à la procédure de répression de l'abus de droit et à la procédure de taxation d'office ;
- le rejet de la demande d'application du système du quotient a vicié la procédure d'imposition ;
- l'administration n'établit pas un acte anormal de gestion, en raison de la faible valeur économique au 31 décembre 2011 de la SARL Visiograph-Geomap (VG), de l'inopérance de circonstances postérieures à sa cession, de la volatilité de son activité et du caractère non récurrent de son chiffre d'affaires ;
- le déficit de l'exercice 2010 s'explique par le déficit cumulé des exercices 2009 et 2010, en raison des coûts de restructuration liés à son acquisition par la société GDS en juin 2010, du décalage des exercices fiscaux avec son fournisseur Autodesk, de l'absence de retraitement des marges arrière ;
- à défaut de toute disposition du code général des impôts sur ce point, l'évaluation des titres de participation non cotés doit être effectuée en application des règles comptables, donc à partir de la valeur comptable de ces titres à la clôture de l'exercice concerné ;
- la cession de fonds de commerce de la société Man and Machine France à la société TechData, qui faisait partie d'une vente globale en Europe, n'est pas comparable à l'attribution du capital de la SARL VG, en raison notamment de l'activité, des structures et des moyens humains de la première ;
- la société Kofax France exerçait une activité des contrats de maintenance et de vente de hardware, différente de celle la SARL VG, sa cession s'est faite au prix de 836 802 euros, et non de 1 323 767 euros, et son acquéreur, la société Dicom France a été créé pour l'occasion ;
- la méthode d'évaluation par la valeur mathématique des titres n'est pas pertinente, dès lors notamment que le chiffre d'affaires de la SARL VG a diminué en 2012 de 7,6 %, avec une baisse constante du taux de marge brute de 2009 à 2012 et qu'elle mobilise des coefficients sans rapport avec les particularités de l'activité économique de cette SARL et aboutit à une capitalisation excessive ;
- le chiffre d'affaires réalisé avec les clients du groupe Geomap de la SARL VG devrait être soustrait du chiffre d'affaires retenu, puisque les comptes clients " Autodesk " de la SARL VG ont été transférés à la société Geomap lors de l'attribution des titres de la SARL VG à M. C... ;
- le transfert à M. C... des titres de la SARL VG au prix de 50 000 euros, approuvé par le commissaire aux comptes de la société Geomap, est justifié par l'objectif de résoudre le différend opposant les associés de cette dernière société ;
- l'opération en jeu ne relève pas de la qualification des avantages occultes sur le fondement de l'article 111-c du code général des impôts, M. C... ne détenant aucune part dans la SARL VG, dont il n'était que le gérant ;
- l'administration ne démontre pas l'intention de la société Geomap d'octroyer une libéralité et des contribuables de la recevoir ;
- l'opération de rachat des actions de la société Geomap, suivie de la réduction de capital, n'a entraîné qu'une plus-value imposable, d'un montant de 5 790 euros, sur le fondement de l'article 161 du code général des impôts ;
- l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par M. et Mme C... ne sont pas fondés.
Un mémoire en réplique, enregistré le 25 janvier 2021 et non communiqué, a été présenté pour M. et Mme C..., D....
Par une ordonnance du 7 janvier 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 26 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêté ministériel du 1er août 2000 relatif aux attributions des directions de contrôle fiscal ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Desmoineaux, pour M. et Mme C....
Une note en délibéré a été enregistrée le 30 mai 2022 pour M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... était président du conseil d'administration, directeur général et détenteur de 15 % du capital social de la société Geomap, entreprise de systèmes et logiciels de gestion cartographiques. Il était également gérant de la SARL Visiograph-Geomap (VG), détenue en totalité par la première société et issue de l'absorption en 2010, par la société Geomap Distribution Software (GDS), créée par M. C... en 2008, de la société Visiograph, ayant une activité de distribution du logiciel américain Autodesk auprès de grandes entreprises publiques ou privées. Le 3 avril 2012, M. C... a tout à la fois acquis l'intégralité du capital social de la SARL VG, pour un montant de 50 000 euros, et cédé pour un montant identique, les 613 titres qu'il détenait dans le capital de la société Geomap, que cette dernière a ensuite annulés par réduction de son capital. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société Geomap au titre de l'exercice 2012, la cession du capital de la SARL VG à M. C... a été regardée comme une distribution occulte de bénéfices au sens de l'article 111-c du code général des impôts, à raison de l'insuffisance estimée du prix de cession, porté de 50 000 euros à 592 500 euros, et la réduction de capital résultant de l'annulation des 613 titres qu'elle avait acquis auprès du requérant a été qualifiée de répartition au profit d'un associé. Par suite, lors d'un contrôle sur pièces des revenus de M. et Mme C... au titre de la même année, les sommes issues de ces rehaussements ont été qualifiées de revenus distribués, sur le fondement des dispositions du l'article 111-c du code général des impôts, dont M. et Mme C... ont été déclarés bénéficiaires. En outre, l'administration a taxé, au titre de l'article 109-1, 1° du même code, l'excédent de la valeur de rachat des titres de la société Geomap par rapport à la valeur d'apport, puis, en cours de contrôle, a dégrevé cette imposition pour lui substituer, par voie de compensation, sur le fondement combiné du 2 du II de l'article 150-0 A et de l'article 200 A, 2 du même code, le montant correspondant qualifié de plus-value sur titres. Par une proposition de rectification du 12 octobre 2015, l'administration leur a notifié une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, de contribution sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre de leurs revenus en 2012. M. et Mme C... ont saisi l'administration de deux réclamations contentieuses, le 21 avril 2017 relative à l'impôt sur le revenu et le 31 juillet 2017 portant sur les contributions sociales. Seule la première réclamation a été partiellement admise par une décision du 30 octobre 2017. Le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge par un jugement nos 1710116 et 1801923 du 11 mars 2020, dont appel.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts : " (...) II. Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement. (...) V. Sans préjudice des dispositions des II, III et IV, les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer leurs attributions à l'égard des personnes physiques ou morales et des groupements liés aux personnes ou groupements qui relèvent de leur compétence. / Les liens existant entre les personnes ou groupements s'entendent de l'appartenance ou du rattachement à un même foyer fiscal, de l'exercice d'un rôle de direction de droit ou de fait, d'une relation d'association, de subordination ou d'interposition, ou de l'appartenance à un même groupe d'intérêts. Les arrêtés d'attributions des services déconcentrés et des services à compétence nationale définissent, s'il y a lieu, la compétence des agents au regard des personnes unies par ces liens. ". Aux termes du 2 de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 1er août 2000 relatif aux attributions des directions de contrôle fiscal : " Les fonctionnaires de ces directions, territorialement compétents pour le contrôle de la situation fiscale d'une activité professionnelle, d'une exploitation, d'une entreprise, d'une société, d'un groupement ou d'une entité qu'une personne physique ou l'un des membres de son foyer fiscal exerce ou dirige, ou dans lesquels ils sont associés, peuvent procéder au contrôle de l'ensemble des revenus concourant à la détermination du revenu global de cette personne, quel que soit le lieu de son domicile ".
3. Il résulte de ces dispositions combinées que les agents compétents pour fixer les bases d'imposition, liquider les impôts des contribuables domiciliés dans leur ressort d'affectation ou leur proposer des rectifications peuvent également exercer ces attributions à l'égard des personnes physiques ou morales et des groupements liés à ces contribuables, quel que soit le lieu de la résidence, du domicile, du siège ou du principal établissement de ces personnes ou groupements.
4. A cet égard, les liens existants entre M. C... et la société Geomap, dont la vérification de comptabilité relevait, en raison de son siège au Bourget-du-Lac, de la direction spécialisée de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne, doivent s'apprécier à la date à laquelle les requérants ont perçu des revenus de la société, et non au 12 octobre 2015, date de la proposition de rectification qui leur a été adressée consécutivement à cette vérification de comptabilité. Cette dernière portait notamment sur l'exercice clos en 2012. Il résulte de l'instruction que M. C... était président directeur général et associé de la société Geomap et gérant de la SARL VG jusqu'au 3 mars 2012. Par suite, au cours de l'exercice 2012, M. C... était en relation d'intérêt avec la société contrôlée par la direction spécialisée de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne. Dès lors, cette dernière était compétente pour se livrer à un contrôle sur pièces des revenus de M. et Mme C... au cours de l'année 2012, alors même que leur résidence se situait dans le Val-de-Marne, dans le ressort de la direction départementale des finances publiques du Val-de-Marne, et que la cession litigieuse du 3 avril 2012 était postérieure à la date à laquelle la présidence par M. C... de la société Geomap avait pris fin.
5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
6. Si, pour écarter la compétence de la direction spécialisée de contrôle fiscal Rhône-Alpes-Bourgogne, les requérants invoquent également l'instruction du 5 juin 1998 13 J-1-98, la documentation administrative DA 13 J-1 et -3 du 10 août 1998, et les bulletins officiels des impôts BOI-CF-DG- 20 et -30 du 2 septembre 2012 et du 18 octobre 2013, ce dernier au demeurant postérieur à l'année d'imposition, ces documents ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale proprement dite.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".
8. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
9. D'une part, si M. et Mme C... se plaignent de l'absence d'envoi en annexe de la proposition de rectification du 12 octobre 2015 de celle adressée à la société Geomap et s'ils estiment que le contrôle sur pièces dont ils ont fait l'objet ne présente pas les mêmes garanties que celles entourant une vérification de comptabilité, la proposition de rectification dont ils étaient destinataires mentionne les impôts concernés, l'année en cause, les motifs et les modalités de rehaussement des résultat de la société Geomap, le montant des différents rehaussements envisagés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ainsi que le montant des impositions résultant de ces rehaussements. En particulier, s'agissant de l'évaluation de la SARL VG selon la méthode mathématique, la proposition de rectification ne comporte pas de renvois erronés et expose de manière cohérente la démarche du vérificateur. Au demeurant, les requérants n'ont pas demandé communication de la proposition de rectification adressée à la société Geomap dans leurs observations, qui entrent dans la discussion des aspects les plus techniques des rectifications de la société Geomap et témoignent de leur compréhension des fondements du rehaussement de cette dernière. De même, ni la mise en œuvre des dispositions de l'article 117 du code général des impôts, qui ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction, ni l'éventuel abandon ultérieur des rehaussements des résultats de la société Geomap ne sauraient avoir d'incidence sur la motivation de la proposition de rectification en litige, en raison du principe d'indépendance des procédures. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification du 12 octobre 2015 doit être écarté sur le terrain de la loi. De même, eu égard notamment à la teneur des observations présentées par les requérants, le 10 décembre 2015, ainsi qu'à l'organisation d'une réunion avec l'interlocuteur départemental, ces derniers ne sauraient soutenir avoir été privés d'un véritable débat contradictoire concernant la valorisation du rachat des parts de la SARL VG.
10. D'autre part, les requérants ne sauraient utilement invoquer le bénéfice de la doctrine administrative exprimée par la documentation administrative 13 L-1513 n° 75 et n° 90 du 1er juillet 2002, par le bulletin officiel des impôts BOI-CF-IOR-10-40 n° 40 et n° 190 du 12 septembre 2012, qui n'ont trait qu'à la procédure d'imposition. Le moyen mentionné ci-dessus doit également être écarté sur le terrain de l'interprétation de la loi fiscale.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 163-0 A du code général des impôts :
" I. - Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue ".
12. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 15 avril 2016, M. et Mme C... ont formulé une demande tendant au bénéfice de ces dispositions, qui a été rejetée par réponse du 20 septembre 2016, motif pris du refus par les contribuables des rectifications proposées. S'il est constant que ce motif de rejet est erroné, les requérants n'indiquent pas quelles dispositions légales relatives à la procédure d'imposition auraient été méconnues de ce fait. Comme l'administration le fait valoir, l'application du système du quotient a trait à la détermination de l'assiette et du calcul. Son refus, même entaché d'un motif erroné, est sans rapport avec la régularité de la procédure d'imposition.
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (....) ".
14. L'administration n'est pas tenue de mettre en œuvre la procédure mentionnée à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales lorsqu'elle procède à des rectifications fondées sur une qualification des actes ou des faits différente de celle donnée par le contribuable, sans dénoncer ces actes comme fictifs ni invoquer un montage destiné à éluder l'impôt. En l'espèce, l'administration s'est bornée à réévaluer les parts de la SARL VG, sans écarter les actes relatifs à leur attribution. Dans ces conditions, le moyen tiré de la privation des garanties attachées à la procédure de répression des abus de droit doit être écarté. Il en va de même du moyen tiré de ce que, à défaut d'utiliser une méthode de valorisation des titres pertinente, l'administration aurait conduit, sans que les conditions légales en fussent remplies, une procédure de taxation d'office.
Sur le bien-fondé des impositions :
15. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions, citées ci-dessus, du c de l'article 111 d ce code, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.
16. S'agissant de l'attribution à M. C... des 500 titres de la SARL VG, il résulte de l'instruction qu'elle a eu lieu au prix mentionné au point 1 du présent arrêt, de 50 000 euros, égal à sa valeur nette comptable au 31 décembre 2011, alors que le chiffre d'affaires de la société avait connu une forte croissance entre 2009 et 2011. Contrairement à ce que soutient M. C..., le commissaire au compte n'a pas approuvé cette valorisation dans sa lettre du cabinet SR Audit du 13 février 2012. De plus, M. C... a cédé à la société Man and Machine, pour un montant de 900 000 euros, le fonds de commerce de la SARL VG, soit à une date assez rapprochée de celle de l'attribution pour que l'administration soit fondée à tenir compte de l'écart entre les deux valeurs dans sa rectification de la valeur de la société. Saisi par la société Geomap, le tribunal de commerce de Chambéry a d'ailleurs reconnu l'existence d'une rétention d'informations dolosive lors de la cession des titres de la SARL VG à M. C..., destinée à en rendre vraisemblable une valeur minorée, et a prononcé une indemnité compensatrice à l'encontre de M. C..., dont le montant a été ramené à 200 000 euros par la cour d'appel de Chambéry par un arrêt du 2 février 2016. Pour justifier l'attribution à la valeur nette comptable de la SARL VG, M. C... évoque les difficultés financières de cette dernière en 2010 et 2011, due à la réduction de ses deux fournisseurs grossistes à un seul et à la perte en conséquence d'une ligne d'encours pour environ 450 000 euros, à la perte de SPIE, un client important, et enfin à la suppression le 22 novembre 2011 par la société américaine Autodesk, titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le logiciel éponyme, de son statut de revendeur direct. Il argue du refus de la société Geomap de renflouer sa filiale à la fin de l'année 2011. Il fait valoir que la revente du fonds de commerce de la SARL VG à un prix supérieur dès le mois de février 2013 a été suivi d'une rechute de valeur, en raison de la volatilité de l'activité du secteur. Il met en avant les avantages retirés par la société Geomap, dès lors qu'elle était déliée, d'une part, de ses obligations de caution de la SARL VG pour un prêt de 200 000 euros contracté pour l'acquisition, en 2011, de la société Visio Graph, et, d'autre part, de toute clause de garantie d'actif ou de passif, et la circonstance que, par un protocole distinct d'avril 2012, la SARL VG a dû changer de raison sociale, n'a plus eu accès aux références clients de la société Geomap, et que les licences clients d'Autodesk ont dû être transférées à une filiale opérationnelle de la cédante.
17. La valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui résultant du jeu de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. En l'absence, comme en l'espèce, de transactions antérieures portant sur des titres de la société cédée, cette valeur peut légalement être appréciée par la combinaison de plusieurs méthodes, destinées à déterminer la valeur de l'actif, telles la méthode mathématique ou patrimoniale, par recours à des transactions entre sociétés comparables, ou la méthode de productivité, par capitalisation des bénéfices ou d'une fraction du chiffre d'affaires annuel. Les éléments propres à la cession peuvent, comme en l'espèce, être également pris en compte, notamment la circonstance que celle-ci a pour corollaire le rachat à un prix donné de titres de la société cédante, détenus par l'acquéreur de la société cédée, les clauses dont est assortie cette cession, ainsi que l'objectif visé par la transaction en cause, qui, en l'espèce, consistait en la sortie de la société SARL VG et de ses actifs du groupe Geomap. Il suit de là que le moyen tiré du caractère vicié du recours à deux méthodes de valorisation ne peut qu'être écarté.
18. La méthode retenue par l'administration en vue d'évaluer la valeur vénale des 500 titres acquis par M. C... combine les méthodes mathématique ou patrimoniale et de productivité, avec une prédominance donnée à la première. Elle aboutit à une valeur unitaire des titres de 1 193 euros, soit une valeur totale de 592 500 euros. Ces titres ayant été cédés au prix total de 50 000 euros, l'administration fiscale en a déduit l'existence d'une minoration de 542 500 euros.
19. S'agissant de la première méthode, le vérificateur s'est fondé sur deux cessions de fonds de commerce intervenues dans le même secteur d'activité. Ces cessions avaient abouti à un rapport de la valeur du fonds de commerce sur le chiffre d'affaires de respectivement 10,19 % et 14,54 %, soit un taux moyen de 12,37 %, appliqué à la moyenne des chiffres d'affaires réalisés par la SARL VG au cours des trois exercices ayant précédé la cession de ses titres, à savoir 4 671 993 euros. En conséquence, la valeur actualisée de son fonds a été estimée à 577 926 euros, dont le vérificateur a déduit la valeur déclarée initiale, pour aboutir à une valeur patrimoniale actualisée des titres de 620 536 euros et une valeur unitaire de 1 241 euros. M. C... critique le premier terme de comparaison, la cession du fonds de commerce, le 28 octobre 2011, de la société Man et Machine France à la société TechData, société américaine, toutes deux fournisseurs de la SARL VG, au motif que la première est un grossiste en capacité d'imposer ses prix à ses revendeurs, qu'elle possède des structures et moyens humains sans rapport avec ceux d'un opérateur local et que sa cession s'inscrit dans le cadre d'une stratégie de réorganisation en Europe d'un acteur régional. S'agissant du second terme de comparaison, M. C... récuse la cession, le 31 mai 2011, du fonds de commerce de la société Kofax France SAS à la société Dicom France qui se livrait, outre à la vente de logiciels informatiques, à la vente de " hardware " et de la maintenance. Si le requérant soutient que cette cession s'est faite au prix de 836 802 euros, correspondant à des éléments incorporels, et non de 1 323 767 euros, l'administration fait valoir qu'elle n'a retenu dans le prix de cession que les éléments incorporels. A supposer même que cette transaction comportât des éléments étrangers à la cession en litige, sa prise en compte a eu pour effet de diminuer la valorisation de la SARL VG. Plus généralement, si M. C... récuse la pertinence de ces deux termes de comparaison pour démontrer la valorisation exagérée de la part unitaire de la SARL VG, il n'en propose aucun autre. En outre, la valorisation retenue en l'espèce pour l'attribution des titres de la SARL VG au prix de 50 000 euros, objet du litige, repose sur une valeur du fonds de commerce voisine de la valeur zéro, alors que la SARL VG conservait, aux termes de l'acte de vente en litige, sa clientèle historique propre. En outre, si M. C... fait valoir que la valeur du fonds en litige était nécessairement réduite de manière significative en raison des termes du protocole d'avril 2012 rappelés au point 16 du présent arrêt, aucune communication de ce protocole n'a été faite au cours de la présente instance.
20. S'agissant de la seconde méthode, le vérificateur a estimé la valeur de productivité des parts sociales en litige en retenant le résultat net moyen de la SARL VG sur les trois exercices ayant précédé leur cession, pour un montant de 38 661 euros, auquel il a appliqué un taux de capitalisation de 7,38 %, résultant d'un taux de base de l'année de référence de 3,38 %, majoré d'une prime de risque historique de 5 %, elle-même affectée d'un coefficient de risque de 0,80 tenant compte du caractère particulièrement évolutif et concurrentiel du secteur d'activité de la société. En application de cette méthode de calcul, la valeur totale des titres s'élève à 523 860 euros, soit une valeur unitaire de 1 048 euros, moindre que dans la précédente méthode. En plus de ses critiques peu argumentées de ces paramètres, M. C... s'inscrit plus précisément en faux contre le coefficient de risque retenu, qui serait inadapté à une activité d'achat-revente de produits standard sans stock dépendant d'un seul fournisseur. Pour autant, ce coefficient, au taux standard de 0,5, tient compte des spécificités du secteur informatique, telles que l'évolution rapide des technologies et la robustesse de la concurrence. Au demeurant, le requérant ne propose aucun taux alternatif.
21. Il suit de ce qui a été dit plus haut que l'administration rapporte la preuve d'un écart significatif entre le prix convenu le 3 mars 2012 et la valeur vénale du capital cédé de la SARL VG. Elle doit, ainsi, être regardée comme apportant la preuve d'un avantage occulte consenti, nonobstant sa comptabilisation régulière, par la société Geomap au profit de M. C... au sens du c. précité de l'article 111 du code général des impôts, sans qu'ait d'incidence la circonstance que M. C... n'était pas associé de la SARL VG. Par ailleurs, à cette date, les actionnaires de la société Geomap, partie à la transaction en litige, dont M. C..., détenteur de 15 % du capital de cette société, étaient en relation d'intérêt en raison de leur position respective dans le groupe mentionné au point 1. Pour réfuter cette relation d'intérêt, les requérants ne sauraient utilement se prévaloir du conflit né postérieurement entre les actionnaires de Geomap et M. C..., et causé par la révélation de l'écart de valeur lors de l'attribution de la SARL VG à l'occasion de sa revente en février 2013. Si M. C... soutient que la SA Geomap est à l'initiative du schéma de sortie de son groupe de sa filiale de distribution, la SARL VG, dans des conditions comportant pour elle des avantages rappelés au point 16 du présent, aucun élément de l'instruction ne permet de l'établir. Notamment, il ne ressort pas des observations du contribuable à la proposition de rectification, en date du 10 décembre 2015, que la société Geomap, qui avait pu envisager de céder ses droits dans sa filiale de distribution, ait pu symétriquement envisager de racheter les titres de M. C.... Dès lors, la SA Geomap doit être présumée avoir fait acte de libéralité le 3 avril 2012 envers son associé retrayant. De même, il appert des déclarations des autres actionnaires devant le juge du commerce que M. C... a fait une présentation exagérément négative de la situation financière de la SARL VG en vue de les convaincre de lui attribuer à un prix minoré cette filiale et qu'il était en négociation, dès avant cette attribution, en vue de revendre la SARL VG à un prix très supérieur. L'administration apporte ainsi la preuve lui incombant de l'intention de M. C... de recevoir, de la part, de la SARL VG, une libéralité à raison de l'attribution de ses parts. Enfin, si le bénéficiaire d'un avantage occulte au sens de l'article 111-c précité du code général des impôts est en droit de contester l'évaluation ayant conduit l'administration, au titre de la qualification d'un acte anormal de gestion opposé à la société distributrice, à notifier à cette dernière un redressement sur le fondement de l'article 39 du code général des impôts, une telle qualification, n'a d'incidence qu'en matière d'impôt sur les sociétés, mais en est dépourvue s'agissant de la qualification que l'administration, eu égard à la prise en compte des relations entre la société et le bénéficiaire, est en droit de donner à la distribution de bénéfices correspondante qu'elle entend taxer entre les mains du bénéficiaire. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré du caractère normal des décisions de gestion prises par la société Geomap, l'intention de M. C... de bénéficier de cette libéralité est également établie. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts doit être écarté.
22. En second lieu, aux termes de l'article 112 6° du code général des impôts, dans sa rédaction consécutive à la décision du Conseil Constitutionnel du 20 juin 2014 : " Ne sont pas considérés comme revenus distribués : (...) 6° Les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre du rachat de leurs actions, lorsque ce rachat est effectué dans les conditions prévues aux articles L. 225-208 ou L. 225-209 à L. 225-212 du code de commerce. Le régime des plus-values prévu, selon les cas, aux articles 39 duodecies, 150-0 A ou 150 UB est alors applicable. ". S'agissant du rachat des 613 parts du capital de la société Geomap, l'administration a substitué, dans sa décision d'admission partielle de la réclamation, au fondement de l'article 109-I-1 du code général des impôts celui de l'article 112-6° précité du même code pour asseoir la taxation de la répartition dont a bénéficié M. C.... Elle a ainsi dégagé un prix d'acquisition de ses parts dans la société Geomap d'un montant de 11 640 euros, et est parvenue à une plus-value de 38 349 euros, taxable au taux de 19 % en application de l'article 200 A-2 du code général des impôts. A l'appui de la minoration de sa base d'imposition, M. C... allègue avoir apporté, en contrepartie de son entrée au capital de la première de la société Geomap, une somme de 44 210 euros représentant la valeur de 58 % des titres de TDN TECHNOLOGIES. Faute de l'établir, il ne démontre pas pouvoir prétendre à une base taxable d'un montant de 5 790 euros, résultant de la différence entre la valeur de rachat de ses parts - 50 000 euros - et de l'apport allégué de 44 210 euros. Par suite, le moyen tiré de la surimposition des sommes perçues lors de ce rachat doit être écarté.
Sur les pénalités :
23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
24. Pour réfuter son intention de se soustraire à l'impôt, M. C... se prévaut du caractère collectif et unanime de la décision de l'assemblée générale de la société Geomap qui a approuvé l'opération litigieuse, et des conditions juridiques et financières préalables à l'acquisition des titres de la SARL VG. Il met également en avant l'obligation qu'il a contractée de se substituer la société Geomap comme caution des prêts en cours de la société cédée, son accord pour perdre un certain nombre de clients, et le transfert des déficits éventuellement rapportables à la société Geomap. Enfin, il soutient que les autres associés de la société Geomap ont décidé la cession de la SARL VG sur le conseil d'experts. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. C... occupait les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général de la société Geomap dont il était associé à hauteur de 15 % jusqu'au 28 février 2012, et était gérant de la SARL VG. A ce titre, il ne pouvait ignorer la valeur réelle de cette dernière, qu'il était d'ailleurs en négociation pour revendre avant même de l'avoir achetée. De plus, et comme il a déjà été dit au point 21 du présent arrêt, il résulte des propres écritures de M. C... qu'il a concouru activement à la détermination d'un prix de rachat des titres de la SARL VG susceptible de lui procurer une libéralité de la part de la société Geomap. Par suite, l'administration rapporte la preuve d'un manquement délibéré de M. C... dans la fixation de la valeur de la transaction en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner des mesures d'instruction relatives à l'application de l'article 117 du code général des impôts et à la vérification d'un abandon de rectification en faveur de la société Geomap, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Par voie de conséquence ne peuvent qu'être rejetées leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 27 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 juin 2022.
Le rapporteur,
J.-E. B...Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01305