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09/06/2022 | FRANCE | N°21PA05988

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 09 juin 2022, 21PA05988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée le 7 février 2018, transmise au Tribunal administratif de Paris par un jugement du 7 mai 2021du Tribunal administratif de Melun et enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris sous le n° 2109031/6-1, la société Egide, agissant en qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, a demandé, d'une part, d'annuler la décision du

19 mai 2017 par laquelle l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a retiré de son site l'action inti

tulée " La vaccination antigrippale en pratique " et la décision du

5 décembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée le 7 février 2018, transmise au Tribunal administratif de Paris par un jugement du 7 mai 2021du Tribunal administratif de Melun et enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris sous le n° 2109031/6-1, la société Egide, agissant en qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, a demandé, d'une part, d'annuler la décision du

19 mai 2017 par laquelle l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a retiré de son site l'action intitulée " La vaccination antigrippale en pratique " et la décision du

5 décembre 2017 par laquelle l'ANDPC a rejeté sa demande de règlement des frais pédagogiques exposés pour les sessions de l'action de formation en cause et, d'autre part, de condamner l'ANDPC à lui verser la somme correspondant à ces frais, soit 151 135,30 euros.

Par un jugement du 24 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 5 décembre 2017 par laquelle l'ANDPC a refusé à la société UTIP Innovations le paiement des frais pédagogiques exposés pour les sessions de l'action de développement professionnel continu intitulée " La vaccination antigrippale en pratique ", a condamné l'ANDPC à verser à la société Egide, liquidatrice de la société UTIP Innovations, la somme de 151 135,30 euros, a rejeté le surplus des conclusions de la demande et a mis à la charge de la société Egide la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21PA05988 le 23 novembre 2021, l'ANDPC, représentée par Me Gonzalez, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé sa décision du 5 décembre 2017 et a fait droit aux conclusions indemnitaires de la société Egide en sa qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations ;

2°) de rejeter la demande de la société Egide en sa qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations présentée devant le Tribunal administratif de Paris en tant qu'elle tend à l'annulation de sa décision du 5 décembre 2017 et à sa condamnation au paiement de la somme de 151 135,30 euros au titre des frais pédagogiques exposés pour les sessions de l'action de formation " La vaccination antigrippale en pratique " engagées avant la décision de retrait du 19 mai 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la société Egide, en sa qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison d'une méconnaissance du principe du contradictoire ; pour retenir sa responsabilité, les premiers juges se sont fondés sur un unique moyen qui n'était pas soulevé par la société UTIP Innovations et qui n'était pas un moyen d'ordre public ;

- en estimant qu'elle ne contestait pas le montant de l'indemnité sollicitée par la société UTIP Innovations, le tribunal a dénaturé ses écritures et a omis de répondre au moyen qu'elle soulevait en défense ;

- les conclusions de la société UTIP Innovations tendant à l'annulation de la décision du

19 mai 2017 sont irrecevables en raison de leur tardiveté ;

- l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire faisant obstacle à ce que des conclusions indemnitaires ayant la même portée soient présentées, les conclusions indemnitaires présentées par la société UTIP Innovations sont irrecevables ; en effet, les décisions des 16 octobre 2017 et 23 novembre 2017 de l'ANDPC, dont l'objet est purement pécuniaire, n'ont pas été contestées dans le délai du recours contentieux ;

- en tout état de cause, les décisions des 19 mai 2017 et 5 décembre 2017 sont suffisamment motivées ;

- la décision du 19 mai 2017 n'a pas été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été adoptée dans le cadre de l'article R. 4021-25 du code de la santé publique mais au titre de l'interdiction de l'exercice illégal de la pharmacie ; elle ne prononce pas une sanction ; en tout état de cause, la société UTIP Innovations n'a pas été privée d'une garantie ; en outre, elle bénéficiait d'un délai de deux mois pour contester cette décision ;

- elle est compétente pour opérer un contrôle de conformité de l'action du développement professionnel continu ainsi qu'un contrôle de l'exécution de l'action ;

- les décisions en litige ne sont pas entachées d'illégalité dès lors que l'action de développement professionnel continu proposée par la société UTIP Innovations intitulée " La vaccination antigrippale en pratique " n'était pas conforme à l'arrêté du 8 décembre 2015 fixant la liste des orientations nationales du développement professionnel continu des professionnels de santé pour les années 2016 à 2019 et ne remplissait pas les conditions fixées par la loi du

23 décembre 2016 et le décret du 10 mai 2017 ; la réglementation nouvelle devait s'appliquer à la société UTIP Innovations dans la mesure où sa situation n'était pas juridiquement constituée au sens de l'article L. 221-4 du code des relations entre le public et l'administration ; de plus, le contrôle de l'utilisation des fonds publics peut intervenir postérieurement à l'action qui est financée ; l'ANDPC peut légalement refuser, de manière rétroactive, la prise en charge des frais pédagogiques exposés pour la tenue de sessions d'une action de développement professionnel continu ;

- elle ne saurait promouvoir des actions de formation professionnelle continue qui n'entrent pas dans le champ du développement professionnel continu sans exposer les participants à l'exercice illégal d'une profession ;

- le principe de confiance légitime ou principe de l'estoppel ne peut pas être utilement invoqué ; en tout état de cause, il n'a pas été méconnu ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- la société UTIP Innovations qui a une connaissance parfaite du secteur de la formation de développement professionnel destiné aux pharmaciens a pris un risque et a elle-même contribué à la situation dont elle se plaint ;

- en tout état de cause, la société UTIP Innovations n'établit pas son préjudice en se bornant à produire une capture d'écran mentionnant une liste de formation ;

- les premiers juges ont fait une appréciation excessive du préjudice subi par la société UTIP Innovations.

La requête a été communiquée à la société Egide, en sa qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21PA05995 le 24 novembre 2021, l'ANDPC, représentée par Me Gonzalez, demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement

n° 2109031/6-1 du 24 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris et de mettre à la charge de la société Egide en sa qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conditions fixées par l'article R. 811-16 du code de justice administrative sont remplies ;

- à titre subsidiaire, les conditions fixées par l'article R. 811-17 du même code sont remplies.

La requête a été communiquée à la société Egide, en sa qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;

- le décret n° 2016-942 du 8 juillet 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gonzalez, avocat de l'Agence nationale du développement professionnel continu.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n°s 21PA05988 et 21PA05995 présentées par l'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) tendent à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du 24 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. La société UTIP Innovations, un organisme de formation pharmaceutique continue, enregistré auprès de l'ANDPC en application de l'article R. 4021-24 du code de la santé publique, a déposé le 5 janvier 2017 sur le site internet de l'ANDPC une action de développement professionnel continu à destination des pharmaciens intitulée " La vaccination antigrippale en pratique ". Par un courrier du 19 mai 2017, la directrice générale de l'ANDPC a informé la société UTIP Innovations que cette action avait été retirée du site de l'agence dès lors qu'elle n'entrait pas dans le périmètre du développement professionnel continu et qu'un tel retrait impliquait que la société ne pouvait plus créer de nouvelles sessions de formation pour cette action. Par un courrier du 23 novembre 2017, la société UTIP Innovations, qui s'était vu refuser le paiement des sessions de formation ayant été organisées avant la décision de retrait du 19 mai 2017, a formé un recours gracieux auprès de l'ANDPC. Par une décision du 5 décembre 2017, la directrice générale de l'ANDPC a rejeté ce recours. Par un jugement du 24 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris, à la demande de la société Egide, agissant en qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, a annulé la décision du 5 décembre 2017 de l'ANDPC, l'a condamnée à lui verser la somme de 151 135,30 euros au titre des frais pédagogiques exposés pour les sessions de formation organisées avant la décision de retrait du 19 mai 2017, a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2017 de l'ANDPC et a mis à la charge de l'ANDPC une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative. Cette dernière relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision du 5 décembre 2017 et a fait droit aux conclusions indemnitaires de la société UTIP Innovations et présente des conclusions à fin de surseoir à exécution du jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ressort de la demande de la société UTIP Innovations présentée en première instance qu'elle a soulevé le moyen tiré de ce que l'ANDPC ne pouvait pas légalement refuser de rembourser les frais pédagogiques des sessions de formation réalisées avant la décision du 19 mai 2017 de la directrice générale de l'ANDPC l'informant que l'action de développement professionnel continu à destination des pharmaciens intitulée " La vaccination antigrippale en pratique " avait été retirée du site de l'agence et que ce retrait impliquait que la société ne pouvait plus créer de nouvelles sessions de formation pour cette action. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait méconnu le principe du contradictoire en accueillant ce moyen ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, il ressort du point 11 du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement quant au montant des frais pédagogiques exposés par la société UTIP Innovations qu'ils ont retenu et mis à la charge de l'ANDPC. Si celle-ci soutient que les premiers juges ont estimé à tort qu'elle ne contestait pas ce montant, cette critique du jugement relève de son bien-fondé et non de sa régularité. En tout état de cause, le tribunal a jugé que l'ANDPC ne contestait pas les captures d'écran versées au dossier par la société UTIP Innovations pour établir son préjudice.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 19 mai 2017 :

5. L'ANDPC reprend devant la Cour la fin de non-recevoir qu'elle a opposée en première instance tirée de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions à fin d'annulation de la décision du

19 mai 2017. Les premiers juges ayant accueilli cette fin de non-recevoir et ce point n'étant pas contesté en appel par la société Egide, laquelle n'a pas produit de mémoire en défense, il n'y a pas lieu pour la Cour de se prononcer à nouveau sur cette fin de non-recevoir.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 5 décembre 2017 :

6. Aux termes de l'article L. 4021-1 du code de la santé publique : " Le développement professionnel continu a pour objectifs le maintien et l'actualisation des connaissances et des compétences ainsi que l'amélioration des pratiques. Il constitue une obligation pour les professionnels de santé (...) ". Aux termes de l'article L. 4021-2 du même code : " Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale (...) définit les orientations pluriannuelles prioritaires de développement professionnel continu. Ces orientations comportent : / 1° Des orientations définies par profession ou par spécialité sur la base des propositions des conseils nationaux professionnels (...) ; / 2° Des orientations s'inscrivant dans le cadre de la politique nationale de santé (...) ". Aux termes de l'article L. 4021-6 du même code : " L'Agence nationale du développement professionnel continu assure le pilotage et contribue à la gestion financière du dispositif de développement professionnel continu pour l'ensemble des professionnels de santé, quels que soient leurs statuts ou leurs conditions d'exercice. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les missions et les instances de l'Agence nationale du développement professionnel continu ". Aux termes de l'article L. 4021-7 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités selon lesquelles : / 1° Les organismes ou les structures peuvent présenter des actions ou des programmes s'inscrivant dans le cadre des orientations définies à l'article L. 4021-2 ; / 2° Les actions ou programmes mentionnés au 1° du présent article font l'objet d'une évaluation avant d'être mis à la disposition des professionnels de santé ; / 3° L'Agence nationale du développement professionnel continu contribue à la gestion financière des programmes et actions s'inscrivant dans le cadre des orientations pluriannuelles prioritaires définies à l'article L. 4021-2 ; / 4° Des sanctions à caractère financier ou administratif peuvent être prises en cas de manquements constatés dans la mise en œuvre des actions et des programmes ".

7. Aux termes de l'article R. 4021-7 du même code : " Les missions de l'Agence nationale du développement professionnel continu sont les suivantes : 1° Assurer le pilotage du dispositif de développement professionnel continu des professionnels de santé, quels que soient leurs statuts ou leurs conditions d'exercice : a) Evaluer les organismes et structures qui souhaitent présenter des actions conformément aux dispositions des articles L. 4021-1 à L. 4021-2 ; b) Evaluer, en lien avec la Haute Autorité de santé, la mise en œuvre des méthodes de développement professionnel continu, en veillant à leur qualité scientifique et pédagogique (...) ". Aux termes de l'article R. 4021-13 du même code : " (...) III - Les commissions scientifiques indépendantes exercent, dans le cadre des dispositions de l'article R. 4021-23 relatives au contrôle des actions de développement professionnel continu, les missions suivantes : / 1° Elles sont chargées de l'évaluation scientifique et pédagogique des actions s'inscrivant dans le cadre des orientations pluriannuelles prioritaires définies à l'article L. 4021-2 ; / 2° Elles contribuent à la détermination par le Haut Conseil du développement professionnel continu des professions de santé des critères scientifiques et pédagogiques d'évaluation des actions de développement professionnel continu ; / 3° Avec le concours de l'Agence nationale du développement professionnel continu, elles préparent la mise en œuvre du plan de contrôle annuel défini par le Haut Conseil du développement professionnel continu des professions de santé et en assurent le suivi (...) ".

8. Aux termes de l'article R. 4021-24 du même code : " Tout organisme ou structure qui souhaite présenter des actions de développement professionnel continu s'inscrivant dans le cadre des orientations définies à l'article L. 4021-2 dépose une demande d'enregistrement auprès de l'Agence nationale du développement professionnel continu. / L'agence procède à l'enregistrement si l'organisme ou la structure satisfait à des critères, fixés par arrêté du ministre chargé de la santé, relatifs à sa capacité à proposer des actions de développement professionnel continu et à son indépendance à l'égard des entreprises fabriquant ou distribuant des produits de santé. / L'agence peut mettre fin à l'enregistrement lorsqu'il est constaté que l'organisme ou la structure ne remplit plus les critères mentionnés à l'alinéa précédent. Lorsqu'elle envisage de mettre fin à l'enregistrement, l'agence en informe, par tout moyen permettant d'apporter la preuve de sa réception, l'organisme ou la structure, qui dispose d'un délai de quinze jours pour faire valoir ses observations ". Aux termes de l'article R. 4021-25 du même code, dans sa version alors en vigueur : " I.- L'organisme ou la structure enregistré en application de l'article R. 4021-24 peut proposer des actions de développement professionnel continu, présentées sous forme dématérialisée conformément au modèle défini par un arrêté du ministre chargé de la santé. / Ces actions sont évaluées par les commissions scientifiques indépendantes, conformément aux critères scientifiques et pédagogiques fixés par le Haut Conseil du développement professionnel continu des professions de santé, sous la responsabilité de l'Agence nationale du développement professionnel continu. / Dans le cadre du plan national annuel de contrôle défini par le Haut Conseil du développement professionnel continu des professions de santé, des vérifications sont effectuées pour s'assurer que les actions mises en œuvre par les organismes ou structures et éligibles au financement de l'agence sont conformes aux critères de qualité retenus par le haut conseil. / II.- Lorsque l'évaluation ou le contrôle défini au I est négatif, l'organisme ou la structure est informé, par tout moyen permettant d'apporter la preuve de sa réception, des manquements constatés lors de ces différents contrôles et des sanctions éventuelles encourues. Il dispose d'un délai de quinze jours francs pour faire valoir ses observations. / III.- Les sanctions d'une évaluation défavorable ou d'un contrôle qui laisse apparaître un manquement dans l'exécution de l'action sont : 1° Le retrait de l'action ayant fait l'objet d'une évaluation défavorable de la liste des actions déposées sur le site internet de l'Agence nationale du développement professionnel continu ; 2° Le retrait de l'enregistrement de l'organisme ou de la structure concerné s'il s'avère que la majorité des actions contrôlées au cours des trois derniers mois par les commissions scientifiques indépendantes ne satisfont pas les critères requis ; 3° Le retrait de l'enregistrement de l'organisme ou de la structure concernée en cas de fausse déclaration ou de manœuvre frauduleuse. / La sanction est prononcée par le directeur général de l'agence. / (...) / IV.- En cas de retrait prononcé conformément aux 1° à 3° du III, l'organisme ou de la structure concernée en informe sans délai les bénéficiaires de ses prestations. Chacun d'eux est informé que sa participation à de nouvelles sessions de l'action ou des actions en cause ne pourra pas être prise en compte pour valider son obligation de développement professionnel continu. / La prise en charge des frais pédagogiques exposés peut être refusée ou, le cas échéant, leur remboursement exigé. /L'attestation remise au professionnel de santé par l'organisme ou la structure à l'issue d'une session de développement professionnel continu qui s'est déroulée antérieurement à la date à laquelle l'organisme ou la structure a été sanctionné par l'Agence nationale du développement professionnel continu est prise en compte pour la validation de son obligation de développement professionnel continu ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le 15 décembre 2016, la société UTIP Innovations, qui était enregistrée auprès de l'organisme gestionnaire du développement professionnel continu depuis le 10 octobre 2014, a sollicité sur le fondement de l'article R. 4021-24 du code de la santé publique son réenregistrement auprès de l'ANDPC créée par la loi du 26 janvier 2016. Ce nouvel enregistrement a été accordé par l'ANDPC le 10 juillet 2017. Il résulte des règles de gestion pour les organismes de développement professionnel continu édictées par l'ANDPC et mises en ligne sur son site internet, dans leur version résultant de la mise à jour de juillet 2017, que des dispositions transitoires avaient été prévues lors de sa constitution selon lesquelles " les services procèdent de façon rétroactive au contrôle des actions déposées avant le 23 mars 2017 sur le site de l'Agence sur la base des mêmes critères. Dans ce cas et lorsqu'une action est retirée, les sessions ayant eu lieu avant la notification de la décision de retrait par l'Agence donneront lieu à une prise en charge et à l'indemnisation des participants. Toute session postérieure à la notification de la décision par l'Agence ne pourra donner lieu ni à la prise en charge des frais pédagogiques ni à l'indemnisation du professionnel ". La société UTIP Innovations, qui avait déposé le 5 janvier 2017 sur le site internet de l'ANDPC une action de développement professionnel continu à destination des pharmaciens intitulée " La vaccination antigrippale en pratique ", a été informée par la directrice générale de l'ANDPC, par une décision du 19 mai 2017, comme il a déjà été dit, que cette action avait été retirée du site de l'agence dès lors qu'elle n'entrait pas dans le périmètre du développement professionnel continu et qu'un tel retrait impliquait que la société ne pouvait plus créer de nouvelles sessions de formation pour cette action.

10. Par un courrier du 23 novembre 2017, la société UTIP Innovations, qui s'était vu refuser le paiement des frais pédagogiques qu'elle avait exposés au titre des sessions de formation de l'action " La vaccination antigrippale en pratique " organisées avant la décision de retrait du 19 mai 2017, en a sollicité de nouveau, dans le cadre d'un recours gracieux, le règlement auprès de l'ANDPC. Par une décision du 5 décembre 2017, la directrice générale de l'ANDPC a rejeté cette demande en se fondant sur la circonstance, qui avait également motivé la décision du 19 mai 2017 de retrait de cette action du site de l'agence, que celle-ci n'était pas conforme aux orientations nationales de développement professionnel continu telles que figurant en annexe de l'arrêté du 8 décembre 2015 pris en application de l'article L. 4021-2 du code de la santé publique, dès lors que la vaccination par les pharmaciens n'était déployée qu'à titre expérimental dans deux régions et selon un programme spécifique de formation prévu par le décret n° 2017-985 du 10 mai 2017 et en ajoutant que " conformément aux dispositions de l'article R. 4021-25 du code de la santé publique, si des sessions ont déjà eu lieu, la prise en charge des frais pédagogiques exposés [peut être] refusée ".

11. Il résulte des dispositions citées au point 8 que l'ANDPC peut refuser, de manière rétroactive, la prise en charge des frais pédagogiques exposés par les organismes et les structures de formation pour la tenue de sessions d'une action de développement professionnel continu soit à la suite d'une évaluation défavorable des actions de développement professionnel continu par la commission scientifique indépendante, soit à la suite d'un contrôle révélant un manquement dans l'exécution de ces actions. Or, il ressort des pièces du dossier que le retrait de l'action " La vaccination antigrippale en pratique " organisée par la société UTIP Innovations n'est pas intervenu à la suite d'une telle évaluation ou d'un tel contrôle, mais à l'issue d'une simple vérification de conformité de cette action avec les orientations prioritaires de développement professionnel continu. Dans ces conditions, et même si l'action de développement professionnel continu " La vaccination antigrippale en pratique " ne remplissait pas les conditions réglementaires posées pour la vaccination antigrippale pratiquée par les pharmaciens et que l'ANDPC ne pouvait pas maintenir une telle action de formation, c'est à juste titre que le tribunal a jugé que l'ANDPC ne pouvait pas légalement refuser à la société UTIP Innovations le paiement des frais pédagogiques exposés avant le 19 mai 2017 pour l'action de développement professionnel continu en cause. Il suit de là que l'ANDPC n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé sa décision du

5 décembre 2017.

En ce qui concerne la demande indemnitaire de la société Egide, liquidatrice de la société UTIP Innovations :

12. L'illégalité de la décision de l'ANDPC du 5 décembre 2017 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'ANDPC à l'égard de la société UTIP Innovations.

13. Il résulte de l'instruction que pour établir le montant des frais pédagogiques exposés pour les sessions de formation de l'action de développement continu " La vaccination antigrippale en pratique " organisées avant le 19 mai 2017, la société UTIP Innovations a versé au dossier un tableau établi par ses soins mentionnant les 36 sessions de formation en cause ainsi que des captures d'écran relatives à ces formations. Toutefois, comme le soutient l'ANDPC devant la Cour, en l'absence des factures correspondant à ces sessions, ces documents sont insuffisants pour établir le montant des frais pédagogiques engagés par la société UTIP Innovations. Dans ces conditions, l'ANDPC est fondée à soutenir que le préjudice subi par la société UTIP Innovations n'est pas établi. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, c'est à tort que le tribunal a fait droit aux conclusions indemnitaires de la société Egide, liquidatrice de la société UTIP Innovations.

14. Il résulte de tout ce qui précède que l'ANDPC est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du 24 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 151 135,30 euros à la société Egide, liquidatrice de la société UTIP Innovations.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :

15. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête de l'ANDPC tendant à l'annulation du jugement du 24 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête par laquelle l'ANDPC a demandé le sursis à exécution de ce jugement.

Sur les frais de l'instance :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Egide, agissant en qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, le versement d'une somme à l'ANDPC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA05995 de l'Agence nationale du développement professionnel continu.

Article 2 : L'article 2 du jugement n° 2109031/6-1 du 24 septembre 2021 est annulé.

Article 3 : Les conclusions indemnitaires présentées devant le Tribunal administratif de Paris par la société Egide, en qualité de liquidatrice de la société UTIP Innovations, sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'Agence nationale du développement professionnel continu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Agence nationale du développement professionnel continu est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence nationale du développement professionnel continu et à la société Egide.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

V. A...Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 21PA05995, 21PA05988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05988
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET ARISTEE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-09;21pa05988 ?
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