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02/06/2022 | FRANCE | N°21PA04063

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 02 juin 2022, 21PA04063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger à lui verser la somme de 175 464,05 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises au cours de sa prise en charge le 8 juin 2015.

Par jugement n° 1911336 du 18 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné le CHI Robert Ballanger à verser à M. F... la somme de 3 400 euros en réparation de ses préjudices et a mi

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger à lui verser la somme de 175 464,05 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des fautes commises au cours de sa prise en charge le 8 juin 2015.

Par jugement n° 1911336 du 18 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné le CHI Robert Ballanger à verser à M. F... la somme de 3 400 euros en réparation de ses préjudices et a mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 469,14 euros à la charge définitive du centre hospitalier.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juillet 2021 et 5 janvier 2022, M. F..., représenté par Me Benkirane, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 1911336 du 18 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a retenu la responsabilité du CHI Robert Ballanger suite à l'accident médical survenu le 8 juin 2015 ;

2°) d'annuler le jugement en tant qu'il a limité la réparation de ses préjudices à la somme de 3 400 euros ;

A titre principal :

3°) de condamner le CHI Robert Ballanger à lui verser une provision de 5 000 euros ;

4°) d'ordonner une expertise ;

A titre subsidiaire :

5°) de condamner le CHI Robert Ballanger à lui verser la somme totale de 1 332 511 euros en réparation de ses préjudices ;

6°) de mettre à la charge du CHI Robert Ballanger la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il a retenu la responsabilité de centre hospitalier Robert Ballanger pour une erreur de diagnostic commise le 8 juin 2015 ;

- une contre-expertise est justifiée par les conclusions de la première expertise lacunaires et non conformes aux données acquises de la science s'agissant de l'évaluation du taux de perte de chance de retrouver l'usage de sa main suite à la fracture du cinquième métacarpien qu'il a subie et par la survenance d'éléments postérieurs au dépôt du rapport d'expertise judiciaire du

15 novembre 2016 permettant de contredire les conclusions retenues s'agissant de la possibilité de reprendre son activité professionnelle ;

- il se prévaut d'une perte de chance de retrouver l'usage de sa main à hauteur de 80 %, d'un déficit fonctionnel permanent de 8 % et sollicite une indemnisation à ce titre à hauteur de 14 450 euros (80 % de 17 000 euros) ;

- il sollicite une indemnisation de 607 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 4 162 euros au titre des souffrances endurées, 5 000 euros au titre du préjudice esthétique, 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 3 649 euros au titre de l'assistance par tierce personne, 1 221 652 euros au titre de la perte de ses gains professionnels futurs et 85 153 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Par des mémoires en défense enregistrés les 16 novembre et 31 décembre 2021, le CHI Robert Ballanger, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête d'appel de M. F... et de l'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

Il soutient que :

- les demandes de nouvelle expertise et d'allocation provisionnelle ne sont pas justifiées ;

- les conclusions de M. F... tendant à la majoration des sommes demandées en appel par rapport à celles sollicitées en première instance sont irrecevables en l'absence de preuve de l'aggravation du dommage ;

- les demandes indemnitaires au titre des préjudices extrapatrimoniaux sont excessives et ne pourront qu'être rejetées ;

- le lien de causalité entre le retard de diagnostic et la nécessité de l'assistance par une tierce personne n'est pas établi ;

- la demande de M. F... au titre de la perte de gains professionnels futurs n'est pas fondée dès lors que l'expert judiciaire a conclu à la suite de la consolidation de l'état de santé de ce dernier le 8 février 2016 à un déficit fonctionnel permanent de 2 % en lien avec le retard de diagnostic fautif et qu'il pouvait, au regard du seul manquement commis par le centre hospitalier, reprendre son activité comme steward ;

- la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne ne justifie pas l'imputabilité des sommes demandées à la seule faute commise.

Par un mémoire en appel incident enregistré le 30 novembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, représentée par Me Gatineau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911336 du 18 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté la demande de remboursement de ses débours ;

2°) de mettre à la charge du CHI Robert Ballanger le versement de la somme de 13 203,23 euros au titre de ses débours ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour faire le départ entre les frais imputables à la faute du CHI Robert Ballanger et ceux imputables à l'accident ;

4°) de condamner le CHI Robert Ballanger à lui verser une somme de 1 045 euros au titre de l'indemnité de gestion sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

5°) de mettre à la charge du CHI Robert Ballanger la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il a retenu la responsabilité du centre hospitalier Robert Ballanger pour une erreur de diagnostic ;

- en rejetant sa demande d'indemnisation, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de fait et de droit en écartant l'attestation d'imputabilité du médecin-conseil du 13 octobre 2020 qui affirme clairement que les débours litigieux ont été provoqués par la seule faute de l'hôpital et non par la pathologie antérieure ayant justifié l'hospitalisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benkirane, représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... F..., né le 14 février 1968, a été victime le 8 juin 2015 d'un accident du travail à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle au sein d'un avion de la compagnie Air France stationné au sol dans laquelle il exerçait les fonctions de steward. Transporté aux urgences du centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois, un bilan radiologique a été réalisé conduisant à un diagnostic de contusion aux mains et de fractures costales et à la délivrance d'un traitement antalgique. Un nouveau bilan radiologique effectué le 4 juillet 2015 à la demande d'un médecin d'Arpajon a mis en évidence une fracture avec bascule antérieure du fragment proximal de la base du cinquième métacarpien de la main droite. Le 21 juillet 2015, l'interprétation des clichés radiologiques réalisée par le chef de l'imagerie médicale du CHI Robert Ballanger a révélé l'existence dès le 8 juin 2015 de cette fracture de la main droite. M. F... a sollicité du Tribunal administratif de Montreuil qu'une expertise soit réalisée, laquelle a été ordonnée le

20 juin 2016 et confiée au docteur B..., chirurgien orthopédiste et traumatologue, qui a rendu son rapport le 15 novembre 2016. Par courrier du 8 juillet 2020 reçu le 10 juillet suivant, M. F... a adressé au CHI Robert Ballanger une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis à la suite des fautes commises au cours de sa prise en charge le 8 juin 2015 et une décision implicite de rejet lui a été opposée. Par jugement n° 1911336 du 18 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné le CHI Robert Ballanger à verser à M. F... la somme de 3 400 euros en réparation de ses préjudices et a mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 469,14 euros à la charge définitive du centre hospitalier. M. F... relève appel de ce jugement en tant que les premiers juges ont limité à la somme de 3 400 euros le montant des indemnisations qui lui ont été allouées en réparation des préjudices qu'il a subis et demande, à titre principal, que le CHI Robert Ballanger soit condamné à lui verser une indemnité provisionnelle de 5 000 euros et qu'une expertise soit ordonnée et, à titre subsidiaire, que le CHI Robert Ballanger soit condamné à lui verser la somme totale de 1 332 511 euros. Par la voie de l'appel incident, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne demande à la Cour d'annuler le jugement du

18 mai 2021 en tant qu'il a rejeté la demande de remboursement de ses débours, de mettre à la charge du centre hospitalier le versement de la somme de 13 203,23 euros au titre de ses débours et de 1 045 euros au titre de l'indemnité de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour faire le départ entre les frais imputables à la faute du CHI Robert Ballanger et ceux imputables à l'accident.

Sur la responsabilité du CHI Robert Ballanger :

2. L'engagement de la responsabilité du CHI Robert Ballanger n'est pas contesté par les parties suite au retard de diagnostic par son service des urgences de la fracture du cinquième métacarpien de la main droite dont souffrait M. F..., visible sur le bilan radiologique effectué le 8 juin 2015, jour de son admission, et qui aurait dû conduire à une interprétation dans les quarante-huit heures compte tenu de ce type de fracture après le passage aux urgences, ce qui n'a pas été le cas entraînant ainsi une erreur de diagnostic et faisant obstacle à ce que la prise en charge de M. F... soit conforme aux règles de l'art. Par suite, le jugement du 18 mai 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a considéré que ces fautes sont de nature à engager la responsabilité du CHI Robert Ballanger doit être confirmé sur ce point.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHI Robert Ballanger en défense :

3. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

4. Le CHI Robert Ballanger soutient que les conclusions de M. F... tendant à la majoration des sommes demandées en appel par rapport à celles sollicitées en première instance sont irrecevables en l'absence de preuve de l'aggravation du dommage. Il résulte toutefois de l'instruction, d'une part, qu'alors que dans son rapport déposé le 15 novembre 2016, l'expert a considéré que M. F... pouvait reprendre son activité professionnelle de steward, le conseil médical de l'aéronautique civile l'a, dans sa séance du 20 mai 2020, déclaré inapte définitivement comme personnel navigant commercial du fait de séquelles douloureuses de fractures digitales et, d'autre part, que dans l'expertise du 27 septembre 2018, le docteur E... a relevé qu'il souffre d'une " raideur prédominant aux derniers doigts de chaque main exacerbée après l'effort ", que " les séquelles actuelles sont en rapport avec l'accident du travail du 8 juin 2015 " et qu'il " n'existe pas d'affection autre que celle liée à [cet accident du travail] ". Il résulte par ailleurs, de l'historique de sa maladie rédigé par le docteur A..., du département d'expertise aéronautique de l'hôpital d'instruction des armées Percy, qu'en examinant l'intéressé lors de la visite du 26 février 2018, il a constaté la persistance du défaut de flexion complète du 5ème rayon de la main droite et des douleurs également au niveau de la main gauche et de l'existence de douleurs et d'œdèmes des doigts lors des vols, signalés par M. F.... Le 14 septembre 2018, lors d'une nouvelle visite, le tableau clinique était similaire avec des douleurs digitales et le docteur A... ajoute qu'en septembre 2019, la symptomatologie digitale a été reconnue comme une rechute imputable à l'accident de travail du

8 juin 2015 et lors de l'examen réalisé le 5 mars 2020, il a relevé que M. F... " souffrait de difficultés de préhension et de manipulation d'objets de façon prolongée, quel que soit leur poids, tant par la main droite que la main gauche et qu'en vol, les doigts deviennent oedémaciés et plus douloureux, il ne peut plus tenir une verseuse par exemple ". Il a conclu qu'il existait " un impact fonctionnel important, tant sur le plan professionnel que personnel " et a émis un avis favorable à sa demande d'inaptitude définitive à l'exercice de ses fonctions de steward. Il résulte de cette chronologie des faits que l'ensemble des éléments établissant l'aggravation du dommage subi par M. F... suite à l'accident du travail du 8 juin 2015 et révélant dans toute son ampleur ce dommage n'est pas postérieur au jugement attaqué mais antérieur au 18 mai 2021, date à laquelle ce jugement a été rendu public par mise à disposition au greffe. Par suite, si M. F... est recevable à détailler devant le juge d'appel de nouvelles conséquences dommageables en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont il n'avait pas fait état devant les premiers juges mais qui se rattachent au même fait générateur, il n'appartient à la Cour de réparer les préjudices subis par ce dernier que dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges, à savoir 175 464,05 euros dès lors que les nouveaux éléments dont il se prévaut en appel sont apparus antérieurement au jugement attaqué. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée en défense par le CHI Robert Ballanger tendant à ce que la Cour rejette comme irrecevables les conclusions de M. F... tendant à la majoration des sommes demandées en appel par rapport à celles sollicitées en première instance doit être accueillie.

Sur les préjudices subis par M. F... :

5. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que si l'expert nommé par le Tribunal administratif de Montreuil a considéré dans son rapport remis le 15 novembre 2016 qu'il y avait eu un retard à la prise en charge de la fracture du cinquième métacarpien de la main droite dont souffrait M. F..., ces conclusions, de même que les autres éléments médicaux produits au dossier, ne permettent pas de déterminer quelle a été la part de responsabilité de ce retard dans la survenance des séquelles douloureuses de fractures digitales dont l'intéressé est victime. Par ailleurs, n'ont pas non plus été évalués par l'expert la durée d'hospitalisation, éventuellement nécessaire, ou seulement d'immobilisation de sa main droite sans hospitalisation inhérente au traitement de cette fracture si elle avait été traitée avec succès, de rééducation en cas de traitement sans retard de diagnostic, ni le taux de perte de chance de guérison due au retard dans la prise en charge de cette fracture. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que pour les souffrances endurées imputables exclusivement à cette faute, celles qui sont exclusivement liées à l'erreur de diagnostic de la fracture du cinquième métacarpien de la main droite et de la mauvaise prise en charge de cette même fracture n'ont pas été évaluées de manière distincte. Enfin, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'en septembre 2019, M. F... a souffert, postérieurement à la première expertise, d'une symptomatologie digitale qui pourrait être liée aux séquelles douloureuses de fractures digitales précitées et ainsi constituer une rechute imputable à l'accident initial du 8 juin 2015, l'ensemble des préjudices, à savoir le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, l'assistance par tierce personne, la perte de ses gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, devra être évalué ou réévalué et une nouvelle date de consolidation fixée.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, avant de statuer sur la requête et l'appel incident, d'ordonner un complément d'expertise aux fins de déterminer quelle est la part de responsabilité du retard de prise en charge de la fracture du cinquième métacarpien de la main droite dont souffrait M. F... dans la survenance des séquelles douloureuses de fractures digitales dont il est victime, d'évaluer, après avoir déterminé quel était le traitement de cette fracture qui avait les meilleures chances de succès en cas d'absence de retard de prise en charge, la durée de l'éventuelle hospitalisation ou/et la durée de l'immobilisation de sa main droite, le temps de rééducation nécessaire en cas de traitement sans retard de diagnostic et le taux de perte de chance de guérison due au retard dans la prise en charge de cette fracture. Il y a également lieu, avant de statuer sur la requête et l'appel incident, de demander à l'expert de déterminer si depuis la date de consolidation fixée par la première expertise, à savoir le 8 février 2016, M. F... a été victime d'une rechute de son état de santé en lien ou non avec les conséquences du retard de prise en charge de la fracture du cinquième métacarpien de la main droite du 8 juin 2015 et d'en préciser la nouvelle date éventuelle de consolidation. Enfin, il y a également lieu, avant de statuer sur la requête et l'appel incident, de demander à l'expert de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur les préjudices subis par M. F..., à savoir le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, l'assistance par tierce personne, la perte de ses gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle sur la période, d'une part, du

8 juin 2015 au 8 février 2016 et, d'autre part, de rechute éventuelle de son état de santé.

Sur la demande d'allocation provisionnelle :

8. Seules des sommes non sérieusement contestables peuvent être mises à la charge du CHI Robert Ballanger à titre de provision. Compte tenu des éléments restant à déterminer par l'expertise ordonnée par la Cour, aucune somme provisionnelle ne peut être allouée avant que cette expertise ne soit diligentée.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. F... et les conclusions d'appel incident de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, procédé à un complément d'expertise par un chirurgien orthopédiste désigné par la présidente de la Cour, avec mission pour ledit expert :

1°) de prendre connaissance des pièces du dossier ainsi que du dossier médical de M. F..., de l'ensemble des examens médicaux réalisés, du rapport de l'expertise déjà ordonnée et des écritures produites par les parties ; de convoquer et entendre les parties et tous sachants ;

2°) de déterminer quelle est la part de responsabilité du retard de prise en charge de la fracture du cinquième métacarpien de la main droite dont souffrait M. F... dans la survenance des séquelles douloureuses de fractures digitales dont il est victime ;

3°) d'évaluer, après avoir déterminé quel était le traitement de cette fracture qui avait les meilleures chances de succès en cas d'absence de retard de prise en charge, la durée de l'éventuelle hospitalisation ou/et la durée de l'immobilisation de sa main droite, le temps de rééducation nécessaire en cas de traitement sans retard de diagnostic ;

4°) d'évaluer le taux de perte de chance de guérison due au retard dans la prise en charge de cette fracture ;

5°) de déterminer si depuis la date de consolidation fixée par la première expertise, à savoir le 8 février 2016, M. F... a été victime d'une rechute de son état de santé, en lien ou non avec les conséquences du retard de prise en charge de la fracture du cinquième métacarpien de la main droite du 8 juin 2015, et d'en préciser la nouvelle éventuelle date de consolidation ;

6°) de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur les préjudices subis par M. F..., à savoir le déficit fonctionnel temporaire, le déficit fonctionnel permanent, les souffrances endurées, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, l'assistance par tierce personne, la perte de ses gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle sur la période, d'une part, du 8 juin 2015 au 8 février 2016 et, d'autre part, de la rechute éventuelle de son état de santé ;

7°) de déposer un pré-rapport afin de permettre aux parties de faire valoir contradictoirement leurs observations préalablement au dépôt du rapport définitif.

Article 2 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre M. F..., le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il pourra recourir à un sapiteur s'il l'estime nécessaire. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Les conclusions de M. F... tendant au bénéfice d'une allocation provisionnelle mise à la charge du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger sont rejetées.

Article 6 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., au centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022.

La rapporteure,

A. C...

Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOLLa République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04063
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BENKIRANE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-02;21pa04063 ?
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