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25/05/2022 | FRANCE | N°21PA01660

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 mai 2022, 21PA01660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101140/8 du 3 mars 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 30 mars 2021, 11 janvier 2022 et 6 février 2022, Mme D..., représentée

par Me Cremiere, demande à la Cour :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101140/8 du 3 mars 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 30 mars 2021, 11 janvier 2022 et 6 février 2022, Mme D..., représentée par Me Cremiere, demande à la Cour :

1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa demande de titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du préfet de police est entachée d'un vice de procédure tiré de l'absence de contradictoire ;

- la décision du préfet de police est entachée d'un vice de procédure tiré de l'erreur de motivation ;

- la décision du préfet de police est entachée d'un vice de procédure tiré du défaut d'examen sérieux et personnalisé de sa situation familiale ;

- la décision du préfet de police est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation par sa méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision du préfet de police méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'arrêté attaqué ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme D... a été constatée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris le 23 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Maître Cremière représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le

28 février 1989, déclare être entrée en France le 17 juillet 2019. Reçue le 30 juillet 2019 à la préfecture de police, elle a déposé une demande de protection internationale, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 27 septembre 2019, et par la Cour nationale du droit d'asile le 17 décembre 2020. Le préfet de police a pris à son encontre un arrêté en date du 28 décembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 3 mars 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ".

3. Eu égard aux circonstances de l'espèce, le bureau d'aide juridictionnelle ayant constaté le 23 juin 2021 la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme D..., il n'y a pas lieu d'admettre, à titre provisoire, Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Aux termes de l'article L. 511-1 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° (...) ".

5. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles repose l'obligation de quitter le territoire français, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui n'était pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à la situation de Mme D..., aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée.

7. En troisième lieu, il résulte des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment de son article L. 512-1 que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des obligations de quitter le territoire français et des décisions relatives au délai de départ, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre des dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui prévoient l'organisation d'une procédure contradictoire comportant le droit de présenter des observations écrites et orales avant l'intervention d'une décision défavorable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

8. En quatrième lieu, si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant au soutien des conclusions présentées par Mme D..., il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

9. Or, dans le cas prévu aux dispositions alors codifiées au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, ce dernier ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été définitivement refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient ainsi, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié.

10. En l'espèce, si Mme D... soutient qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations avant l'intervention de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, cette mesure fait suite au rejet par la Cour nationale du droit d'asile de sa demande d'asile. Or, ainsi qu'il vient d'être dit, dans un tel cas, aucune obligation d'information préalable ne pèse sur le préfet. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier et des écritures de la requérante qu'un changement particulier de circonstances aurait affecté sa situation personnelle et familiale depuis l'enregistrement de sa demande d'asile. Mme D... a en outre persisté à demander un entretien avec les services préfectoraux, qui s'est déroulé le 23 février 2021, postérieurement à l'arrêté en litige. Dans ces circonstances, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit d'être entendue qu'elle tient du principe général du droit de l'Union.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

12. Mme D... fait valoir que son fils, né en 2017, souffre d'une drépanocytose sévère. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette affection constitue un obstacle à ce que celui-ci suive sa mère en République démocratique du Congo. En particulier, les certificats médicaux des 15 février 2021 et 15 décembre 2021, établis postérieurement à la décision attaquée par le même médecin, s'ils mentionnent que l'enfant a besoin d'un suivi spécialisé inexistant en République démocratique du Congo, ne sont pas assortis de justificatifs permettant d'étayer cette affirmation, et sont insuffisamment circonstanciés pour l'établir. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté, et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces stipulations.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Considérant que, si la requérante soutient que, compte tenu de l'animosité de sa belle-famille et des accusations de sorcellerie dont elle fait l'objet, un retour en République démocratique du Congo l'exposerait à des risques de mauvais traitements, de viol et de torture, la production d'un certificat médical du 22 janvier 2020 faisant état de symptômes d'allure traumatique ne permet pas à lui seul d'établir qu'elle serait effectivement exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E:

Article 1er : Mme D... n'est pas admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Baronnet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2022.

Le rapporteur,

M. C...

La présidente,

M. B... La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°2101660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01660
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Marc BARONNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CREMIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-25;21pa01660 ?
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