Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 497 771,11 euros en réparation des dommages dont elle a été victime au décours de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 4 juin 2010 à l'hôpital européen Georges Pompidou (HEGP).
Par un jugement n° 1900142/6-1 du 7 février 2020 rectifié par ordonnance du 26 février 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'ONIAM à verser à Mme A... la somme totale de 104 745,92 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er avril 2020, et des mémoires, enregistrés le 4 août 2020 et le 15 décembre 2020, Mme A..., représentée par la Selarl Coubris, Courtois et Associés, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement n° 1900142/6-1 du 7 février 2020 en tant que le tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes indemnitaires ;
2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme totale de 710 936,29 euros portant intérêt au taux légal ;
3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal doit être confirmé en ce qu'il retient son droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM sur le fondement des dispositions des articles L. 1142-1 alinéa 2 et D. 1142-1 du code de la santé publique, le dommage subi étant d'une gravité suffisante et anormal, sans lien avec la pathologie initiale et les préjudices subis exclusivement consécutifs à un accident médical ;
- la nature et l'importance de ses différents chefs de préjudices ont en revanche été mal et sous-évaluées ; contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, la date de consolidation de son état de santé aurait dû être celle du 28 octobre 2011 telle que fixée par l'expert mandaté par son assureur, médecin légiste expert près la cour d'appel de Paris et titulaire d'un diplôme d'expertise en accidents médicaux, tout autant spécialisé que l'expert judiciaire et son sapiteur en matière d'évaluation du préjudice corporel, et dont le rapport a été débattu contradictoirement par les parties ; s'agissant de l'évaluation de ses préjudices, le référentiel indicatif des cours d'appel actualisé en 2020 doit être utilisé aux lieu et place de celui de l'ONIAM, partie à l'instance, discriminatoire, et qui ne saurait lier le juge administratif ;
- sur la base des constatations de l'expert mandaté par son assureur, le besoin d'assistance par une tierce personne doit être évalué pour une durée totale d'une année, à raison de trois heures par jour du 19 juillet 2010 au 28 janvier 2011 en-dehors des période d'hospitalisation, d'une heure et demie par jour du 29 janvier au 29 avril 2011 et de cinq heures par semaine du 30 avril au
28 octobre 2011, sur la base d'un taux horaire de 22,63 euros résultant d'une étude établie par un ergothérapeute, expert près de la cour d'appel d'Aix-en-Provence fixant le taux moyen à 20 euros pour 413 jours par an ; il en résulte que la somme allouée à ce titre doit être portée à
12 228,15 euros, aucune somme ne lui ayant été versée au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ;
- sa perte de gains professionnels actuels, calculée sur la base des revenus perçus en 2009 -date du début de son activité de secrétaire médicale libérale en télétravail - soit 16 442 euros, déduction faite des revenus perçus en 2010 : 11 747 euros et en 2011 : 1 366 euros, s'élève à la somme de 19 774 euros ;
- le déficit fonctionnel temporaire qu'elle a subi, de 100 % durant 101 jours d'hospitalisation, de 75 % durant 92 jours du 19 juillet 2010 au 28 janvier 2011, de 50 % durant 180 jours du 29 janvier au 28 juillet 2011 et de 25 % durant 91 jours du 29 juillet au 28 octobre 2011, sur la base d'un taux de 30 euros par jour à 100 %, devra être indemnisé à hauteur de la somme totale de 8 482,50 euros ;
- la somme de 20 000 euros allouée au titre des souffrances endurées, évaluées à 5 sur une échelle allant de 1 à 7 par l'expert, doit être portée à 50 000 euros ;
- son préjudice esthétique temporaire doit être évalué à la somme de 5 000 euros ;
- son préjudice sexuel temporaire doit être évalué à celle de 5 000 euros ;
- sa perte de gains de 2012 à 2018 s'élève à 83 465 euros et le montant de la rente viagère capitalisée qui devra lui être versée à compter du 1er janvier 2020 est de 382 886,64 euros ;
- l'incidence professionnelle de l'accident médical dont elle a été victime doit être évaluée à 100 000 euros ;
- le déficit fonctionnel permanent dont elle souffre, évalué à 7%, pour une femme âgée de 37 ans à la date de consolidation, devra être indemnisé à hauteur de 14 000 euros ;
- elle est enfin fondée à demander à l'ONIAM une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice esthétique permanent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2020, l'ONIAM, représenté par la Selarlu Olivier Saumon, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 1900142/6-1 du 7 février 2020 en tant que le tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 104 745,92 euros et de ramener à la somme de 31 748 euros le montant de l'indemnité allouée à Mme A....
Il soutient que :
- il ne conteste pas le droit à indemnisation de la requérante au titre de la solidarité nationale ; en revanche, les sommes allouées devront être réduites à de plus justes proportions et ne pourront excéder, sur la base de l'expertise judiciaire :
* au titre du déficit fonctionnel temporaire : 2 355 euros,
* au titre des souffrances endurées : 13 500 euros,
* au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent : 1 500 euros et 2 600 euros,
* au titre du déficit fonctionnel permanent : 8 400 euros ;
- le jugement devra être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation d'un préjudice sexuel, de la perte de gains actuels, de celle de gains futurs et de l'incidence professionnelle ;
- faute de production de la décision de la MDPH faisant apparaitre le versement ou l'absence de versement à Mme A... de la PCH, aucune somme ne saurait être allouée au titre de l'assistance tierce personne ; subsidiairement, le jugement devra être confirmé en ce qu'il a alloué à Mme A... la somme de 4 893,92 euros.
Par une lettre du 29 décembre 2020, non communiquée, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me Tsouderos, a informé la cour qu'elle n'entendait pas formuler d'observations.
Par ordonnance du 3 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code la santé publique ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Voitellier, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 juin 2010, Mme A..., porteuse d'une polyadénomatose colique d'origine congénitale, a été opérée à l'hôpital européen Georges Pompidou (HEGP), relevant de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), pour y subir une colectomie totale suivie d'une anastomose iléo-rectale avec conservation du rectum. La patiente souffrant d'une péritonite avec présence de liquide digestif dans le drain de Redon, une reprise chirurgicale a été réalisée le 11 juin suivant. Au cours de cette intervention, une perforation de la partie terminale de l'intestin a été constatée et a nécessité la réalisation d'une iléostomie. Mme A... a ensuite dû être prise en charge par le service de réanimation, a souffert d'une embolie pulmonaire et d'un hématome du grand droit. Après avoir regagné son domicile, le 18 juillet 2010, elle a dû être hospitalisée à plusieurs reprises. Au cours de cette prise en charge, une double perforation de l'intestin grêle a été mise en évidence et a nécessité la résection de ce dernier. Mme A... n'a pu définitivement regagner son domicile que le 29 octobre 2010. Une expertise amiable a été diligentée par un expert mandaté par son assureur. Par une ordonnance du 3 septembre 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a ordonné une expertise médicale confiée à un médecin spécialisé en chirurgie générale, digestive et cancérologique, auquel s'est adjoint un médecin gastro-entérologue en qualité de sapiteur. Le rapport d'expertise a été déposé le 15 décembre 2015. Mme A... a alors saisi le juge du fond d'une demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 497 771,11 euros en réparation des dommages dont elle a été victime au décours de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 4 juin 2010 à l'HEGP. Par jugement du 7 février 2020 rectifié par ordonnance du 26 février 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'ONIAM à lui verser la somme totale de 104 745,92 euros. Mme A... en fait appel en demandant que le montant total des sommes allouées soit porté à 710 936,29 euros. L'ONIAM, par la voie de l'appel incident, demande à la cour de réformer le même jugement en ramenant le montant des sommes allouées par les premiers juges à 31 748 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la mise en œuvre de la solidarité nationale :
2. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ".
3. Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code, qui définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. /. Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %./. A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. ".
4. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise qu'au décours de l'intervention du 4 juin 2010 réalisée conformément aux bonnes pratiques médicales et aux données acquises de la science, Mme A... a été victime d'une perforation de l'intestin grêle imprévisible, qui a elle-même causé des complications secondaires nombreuses et complexes jusqu'à la résection de son intestin grêle, qualifiable d'accident médical non fautif, dont les conséquences ont été anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci. Il s'ensuit que la condition d'anormalité doit être regardée comme remplie. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, du fait de cet accident, Mme A... a été en arrêt de travail pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs. Par suite, l'intéressée remplit le caractère de gravité énoncé à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.
6. Il résulte de ce qui précède que les préjudices subis par Mme A... doivent être indemnisés au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM, ce que l'office ne conteste pas, le litige portant sur le montant des sommes allouées.
Sur l'évaluation des préjudices subis par Mme A... :
7. La date de consolidation de l'état de santé de Mme A..., née le 14 avril 1974, a été fixée par les experts judiciaires au 28 mars 2011, date retenue à bon droit par les premiers juges au lieu de celle fixée au 28 octobre 2011 par le médecin mandaté par son assureur, l'expert judiciaire, spécialisé en chirurgie digestive et cancérologique, assisté par un sapiteur gastro-entérologue, qui a rendu son rapport à l'issue d'une réunion d'expertise contradictoire après avoir notamment pris connaissance des conclusions de son confrère, ayant procédé sur ce point à une appréciation qui n'apparait pas contestable. A cette date, Mme A... était âgée de 37 ans, était mariée et mère de trois enfants, mineurs, exerçait la profession de secrétaire médicale à domicile.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de Mme A... :
Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... a eu besoin de recourir à l'aide d'une tierce personne en raison de son déficit fonctionnel, hors la période d'hospitalisation et jusqu'à la date de consolidation le 28 mars 2011 soit pendant 173 jours - du
19 au 21 juillet 2010, du 15 au 24 août 2010, du 9 au 20 septembre et du 28 au 29 septembre 2010 et, enfin, du 29 octobre 2010 au 28 mars 2011 -, à raison de deux heures par jour. Cette assistance par une tierce personne a été assurée par son mari et/ou par sa mère.
9. Toutefois en évaluant le coût horaire d'une telle assistance sur la base du taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance applicable, les premiers juges en ont fait une appréciation qui est insuffisante. Eu égard à un besoin d'assistance de 346 heures, à un coût horaire qu'il convient de fixer à 18 euros, avec proratisation sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, et sans qu'il soit besoin de déduire le montant de prestations dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles auraient été perçues par Mme A..., le montant alloué à ce titre doit être porté à la somme de 7 029,96 euros.
Quant aux pertes de gains professionnels :
10. Mme A... expose qu'avant la consolidation de son état de santé, elle a subi une perte de revenus consécutive à la liquidation de la structure de télé-secrétariat qu'elle avait créée et à l'impossibilité de retrouver un emploi alors même qu'elle était placée en invalidité. Il résulte de l'instruction que cette incapacité à exercer une activité est la conséquence directe et certaine de l'accident médical non fautif dont elle a été victime, l'expert judicaire ayant estimé qu'en l'absence de dommage, l'intéressée aurait pu reprendre une activité dès le 1er août 2010. Il résulte de l'examen des avis d'imposition de la requérante au titre des bénéfices industriels et commerciaux que son revenu journalier a été en moyenne de 58,16 euros soit 21 230 euros pour une année pleine sur la période allant du 1er janvier 2009 au 4 juin 2010. Mme A... n'ayant perçu aucun revenu durant cette période, même au titre d'une pension d'invalidité, le montant de la perte de gains actuels du
1er août 2010 au 28 mars 2011, soit 240 jours, doit être fixé à la somme de 13 960 euros.
11. S'agissant de la période postérieure à la consolidation, il résulte de ses avis d'impositions que Mme A... a perçu au titre d'une pension d'invalidité : 1 366 euros en 2011, 2 244 euros en 2012, 6 790 euros en 2013, 6 820 euros en 2014, 6 272 euros en 2015, 5 178 euros en 2016, 6 070 euros en 2017 - et non pas 11 533 euros comme retenus à tort par le tribunal -,
7 234 euros en 2018 - et non pas 13 745 euros -. A compter du 1er août 2017, elle a été placée en invalidité au taux de 50 %. Pour autant, il ne résulte pas de l'instruction que, du fait de l'accident médical dont elle a été victime, elle aurait été dans l'incapacité de reprendre l'activité professionnelle qu'elle exerçait à titre libéral auparavant, alors que le taux de déficit fonctionnel permanent consécutif a été évalué par l'expert judiciaire à seulement 7%, les autres troubles dont elle souffre étant imputables à la colectomie totale qu'il était en tout état de cause indispensable de réaliser. Par ailleurs, il résulte de la décision du 30 juin 2017 portant modification de sa pension d'invalidité, que le service de cette pension n'empêche pas la poursuite ou la reprise d'une activité professionnelle par l'intéressée. Dans de telles conditions, c'est à cette date qu'il convient d'arrêter le calcul de la perte de revenus futurs. Dans la mesure où Mme A... aurait pu percevoir des revenus annuels à hauteur de 21 230 euros ainsi que précisé au point précédent, soit la somme de
132 895,60 euros pour la période allant du 29 mars 2011 au 30 juin 2017, dont à déduire 6 820 euros au titre des pensions perçues euros en 2014, 6 272 euros en 2015, 5 178 euros en 2016 et 50% de 6 070 euros en 2017, le montant alloué à ce titre doit être fixé à 111 590,60 euros.
Quant à l'incidence professionnelle :
12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... présente un déficit fonctionnel permanent de 7 % et que les séquelles de l'accident médical non fautif consistent en une plus grande fatigabilité. Compte tenu de son âge à la date de consolidation, soit 37 ans, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à Mme A... la somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux de Mme A... :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... a présenté un déficit fonctionnel temporaire total pendant 101 jours déduction faite de 15 jours inhérents aux suites normales de l'intervention de colectomie totale avec anastomose iléo-rectale, de 75 % durant 27 jours et de 25 % pendant 119 jours. Sur la base d'une indemnisation à hauteur de 500 euros par mois pour un déficit de l00 %, il y a lieu de ramener la somme allouée à ce titre à 2 516,66 euros.
Quant au déficit fonctionnel permanent :
14. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les experts ont fixé le déficit fonctionnel permanent de Mme A... à 7 %. Compte tenu de l'âge de cette dernière à la date de sa consolidation fixée au 28 mars 2011, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante ou excessive de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 10 000 euros.
Quant aux préjudices esthétiques temporaire et permanent :
15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les préjudices esthétiques temporaire et définitif ont été fixés respectivement à 3 et 2,5 sur une échelle de 7 par l'expert en raison du port de la stomie et d'une cicatrice ; en revanche, il n'est pas établi que la prise de poids par la requérante soit la conséquence directe du dommage. Les premiers juges n'ont en conséquence pas fait une évaluation insuffisante ou excessive du préjudice esthétique temporaire et permanent en les évaluant à la somme totale de 5 000 euros.
Quant aux souffrances endurées :
16. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'expert a évalué les souffrances endurées à 5 sur une échelle allant de 1 à 7. En allouant à ce titre à Mme A... la somme de 20 000 euros, les premiers juges ont fait une appréciation des souffrances endurées qui n'est ni insuffisante ni excessive.
Quant au préjudice sexuel :
17. Mme A... établit subir un préjudice sexuel en lien avec l'accident médical non fautif. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en lui allouant la somme de 2 500 euros.
18. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter à 182 597,22 euros le montant de l'indemnité due par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à la suite de l'accident médical non fautif subi par Mme A....
Sur les intérêts :
19. La requérante a droit aux intérêts sur la somme 100 000 euros à compter du 5 novembre 2017, date de réception de sa demande de provision et sur le surplus à compter du 7 janvier 2019, date de l'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Paris.
Sur les frais de l'instance :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 104 745,92 euros qui a été mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales par le jugement du 7 février 2020 rectifié par ordonnance du 26 février 2020 du tribunal administratif de Paris est portée à 182 597,22 euros. Cette somme sera assortie des intérêts à compter du 5 novembre 2017 sur la somme de 100 000 euros et à compter du 7 janvier 2019 sur le surplus.
Article 2 : Le jugement du 7 février 2020 rectifié par ordonnance du 26 février 2020 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et des conclusions présentées pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants dont le siège est situé à Clermont-Ferrand, à la société Harmonie Mutuelle, au RSI, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2022.
La rapporteure,
M-D B...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01147