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12/05/2022 | FRANCE | N°20PA04078

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 mai 2022, 20PA04078


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 17 octobre 2018 par lequel le préfet de police lui a infligé un avertissement.

Par un jugement n° 1823147 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 13 avril 2022, qui n'a pas été communiqué, M. D..., représenté par Me Assous, demande à la C

our :

1°) d'annuler le jugement n° 1823147 du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ; ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 17 octobre 2018 par lequel le préfet de police lui a infligé un avertissement.

Par un jugement n° 1823147 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 13 avril 2022, qui n'a pas été communiqué, M. D..., représenté par Me Assous, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1823147 du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2018 du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation ;

- l'ordre auquel il a refusé d'obéir méconnaissait l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et l'article R. 434-5 du code de la sécurité intérieure, dès lors qu'il était manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ;

- il méconnaissait l'article R. 434-10 du code de la sécurité intérieure ;

- il méconnaissait l'article R. 434-6 du code de la sécurité intérieure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 ;

- l'arrêté du 5 septembre 2019 portant sur l'organisation relative au temps de travail dans les services de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les observations de Me Assous, pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., brigadier-chef de police affecté à la brigade de répression du banditisme, s'est vu infliger un avertissement par un arrêté du 17 octobre 2018 du préfet de police, au motif qu'il a, le 20 octobre 2017, refusé d'exécuter, sans motif légitime, une instruction qui lui était donnée par son chef de groupe. M. D... relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

Sur la légalité externe de l'arrêté du 17 octobre 2018 :

2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en vigueur à la date de la décision attaquée : " (...) / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés ".

3. L'arrêté attaqué, qui vise, outre les dispositions légales et réglementaires applicables, l'enquête administrative du 10 novembre 2017, et mentionne le refus d'exécuter sans motif légitime une instruction, comporte l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour sanctionner M. D.... Si ce dernier soutient " qu'aucun lien de causalité ne peut être déduit entre le manquement allégué et le refus d'exécuter l'instruction " en cause, un tel grief ressortit de la contestation de la légalité interne de l'arrêté et non pas de sa motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté du 17 octobre 2018 :

4. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : / - l'avertissement (...) ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Pour infliger à M. D... la sanction litigieuse, le préfet de police a relevé que celui-ci a refusé d'exécuter, sans motif légitime, une instruction donnée par son chef de groupe, et qu'il a ainsi manqué aux obligations statutaires et déontologiques qui s'imposent aux fonctionnaires actifs de la police nationale, et notamment à son devoir d'obéissance.

7. Il ressort des pièces du dossier que, le 20 octobre 2017, alors qu'il était d'astreinte et placé à ce titre sous l'autorité du supérieur d'astreinte, le commandant B..., M. D... a reçu de son chef de groupe, le commandant C..., une instruction selon laquelle il devait se rendre à Bondy avec un agent de la cellule d'assistance technique pour procéder à une mission de liaison technique concernant une balise placée sous un véhicule suspect, mission qu'il a refusé d'accomplir, ce qui a nécessité d'envoyer sur place un autre de ses collègues. M. D... fait valoir que s'il a refusé d'obéir à cet ordre, c'est parce que celui-ci était illégal, dès lors qu'il était illégitime à défaut de provenir directement du supérieur d'astreinte, qu'il manquait aux règles élémentaires de sécurité et de temps de travail, et que l'urgence de la mission, qui était imprécise et fondée sur des éléments contradictoires, n'était pas caractérisée, et que l'ordre était ainsi de nature à compromettre la sécurité des agents et la mission de balisage, ainsi que la continuité de la mission de permanence de la brigade de répression du banditisme et celle de la période d'astreinte, qui suppose de répondre immédiatement à une sollicitation intervenant dans ce cadre. Il soutient que, dans ces conditions, l'ordre qui lui a été donné par le commandant C... méconnaissait les dispositions de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983, ainsi que les articles R. 434-5, R. 434-6 et R. 434-10 du code de la sécurité intérieure.

8. Aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (...) ". Aux termes de l'article R. 434-5 du code de la sécurité intérieure : " I. - Le policier ou le gendarme exécute loyalement et fidèlement les instructions et obéit de même aux ordres qu'il reçoit de l'autorité investie du pouvoir hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ". Aux termes de l'article R. 434-6 du même code : " I. - Le supérieur hiérarchique veille en permanence à la préservation de l'intégrité physique de ses subordonnés. Il veille aussi à leur santé physique et mentale. Il s'assure de la bonne condition de ses subordonnés. (...) ". Aux termes de l'article R. 434-10 du même code : " Le policier ou le gendarme fait, dans l'exercice de ses fonctions, preuve de discernement ".

9. Par ailleurs, aux termes de l'article 5 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ". Et aux termes de l'article 51 de l'arrêté du 5 septembre 2019 portant sur l'organisation relative au temps de travail dans les services de la police nationale : " Pour assurer la continuité du service public, il peut être recouru au régime des astreintes. L'astreinte s'entend comme une période, hors temps de travail, pendant laquelle l'agent, sans être à disposition permanente ou immédiate de son supérieur hiérarchique, a cependant l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité, afin d'être en mesure d'intervenir dans les plus brefs délais pour effectuer un travail au service de l'administration qui ne peut être différé (...) ".

10. Enfin, aux termes de l'article 3 du décret du 25 août 2000 : " les agents bénéficient d'un repos minimum quotidien de onze heures ". Aux termes de l'article 1er du décret du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée du travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale : " Pour l'organisation du travail des fonctionnaires actifs des services de la police nationale, il est dérogé aux garanties minimales mentionnées au I de l'article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, lorsque les tâches de sécurité et de paix publiques, de police judiciaire et de renseignement et d'information, qui leur sont confiées, l'exigent. / Cette dérogation doit toutefois respecter les conditions suivantes : / 2° Les agents bénéficient d'un repos journalier de onze heures consécutives, au minimum, au cours de chaque période de vingt-quatre heures ; (...) 4° Lorsque les repos mentionnés aux 2° et 3° sont réduits ou non pris en raison des nécessités d'assurer la protection des personnes et des biens, ils sont compensés par l'octroi de périodes équivalentes de repos compensateur. (...) ".

11. En premier lieu, M. D... soutient qu'il a refusé d'obéir à l'ordre donné le soir du 20 octobre 2017 par le commandant C..., son chef de groupe et supérieur hiérarchique habituel, car il ne se trouvait plus sous l'autorité de ce dernier depuis le début de sa permanence à 17 heures. Seul le commandant B..., chef de permanence, aurait alors, selon lui, pu lui donner des instructions. Par ailleurs, la mission en cause sortait du cadre du régime des astreintes et risquait de compromettre sa capacité à répondre à un " rappel d'astreinte " de la part du commandant B....

12. Il ressort toutefois des auditions annexées à l'enquête administrative remise le 14 août 2018 que M. D... a été rappelé par son chef de groupe pour la réalisation d'une mission qui avait été jugée nécessaire par ce même chef de groupe et par sa hiérarchie eu égard aux déplacements atypiques d'un véhicule sous surveillance, constaté dans la nuit du 19 au 20 octobre 2017, après plusieurs semaines d'immobilité, ce qui laissait penser que ce véhicule pouvait être utilisé dès le week-end pour une activité illégale. L'activation d'une balise sur le véhicule a en conséquence été demandée et autorisée, en fin de soirée, par le procureur de la République. Une telle mission, dont M. D... se contente d'alléguer, sans aucune précision, qu'en réalité elle n'était pas urgente, contrairement à l'appréciation qui a été faite par ses supérieurs hiérarchiques, entre dans le cadre des missions qui peuvent être demandées à un agent d'astreinte, conformément aux dispositions citées au point 9. Par ailleurs, selon les conclusions de l'enquête, le chef de permanence avait donné son accord au chef de groupe pour que cette mission, de courte durée, soit confiée à M. D..., qui en a été informé, alors qu'aucun autre rappel d'astreinte n'était à ce moment envisagé. La circonstance que le commandant B... n'ait pas été auditionné au cours de l'enquête ne suffit pas pour démontrer que les affirmations du commandant C... et de sa hiérarchie à ce sujet ne seraient pas exactes et que l'enquête aurait été lacunaire et partiale, comme le soutient M. D.... En outre, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposait que l'ordre en cause soit donné directement par le commandant B... plutôt que par le commandant C.... Enfin, le commandant C... a déclaré à ce titre, sans que cela soit contesté par M. D..., qu'il a choisi, dans l'intérêt du service, de solliciter M. D..., qui était de permanence et qui revenait de plusieurs jours de vacances, plutôt que ses collèges en repos hebdomadaire et qui, pour la plupart d'entre-deux, avaient effectué une mission de surveillance la nuit précédente, contrairement à M. D..., ou qu'un autre de ses collègues absents du service pour prendre soin de son enfant hospitalisé et qui s'est pourtant porté volontaire pour effectuer la mission. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'ordre auquel il a refusé d'obéir était illégal en ce qu'il n'émanait pas de son supérieur hiérarchique, qu'il concernait une mission qui n'était pas urgente et ne s'inscrivait pas dans le cadre des missions qui peuvent être confiées à un fonctionnaire de police d'astreinte, et qu'il menaçait la continuité de la mission de permanence de la brigade de répression du banditisme.

13. En deuxième lieu, M. D... soutient qu'il a agi avec discernement en refusant d'appliquer l'ordre donné, qui représentait un risque pour sa santé physique et contrevenait à la doctrine d'emploi de la cellule d'assistance technique. Toutefois, la doctrine d'emploi qu'il produit précise que le nombre de personnels assurant la sécurité est dépendant de la dangerosité du lieu, et il ressort de quatre auditions des membres du groupe de M. D... que la mission nécessitait seulement un passage à proximité du véhicule concerné, était simple et sans danger, dans une zone calme. La circonstance, invoquée à l'audience par M. D..., que la balise aurait été illégalement posée avant l'autorisation donnée par le procureur, est en tout état de cause sans incidence à cet égard.

14. En troisième lieu, si M. D... soutient que l'ordre de son supérieur méconnaissait les règles relatives au temps de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet ordre l'aurait nécessairement privé de onze heures de repos, ni qu'il aurait été privé, le cas échéant, d'un repos compensateur. Il ne pouvait, en conséquence, être considéré comme méconnaissant les dispositions citées au point 10.

15. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'ordre donné à M. D... par son chef de groupe le 20 octobre 2017 n'était ni manifestement illégal, ni de nature à compromettre gravement un intérêt public et qu'à supposer même que cet ordre ferait suite à diverses " tracasseries " dont il soutient, sans l'établir, que son chef de groupe lui faisait subir depuis qu'il l'avait informé de ses démarches pour un changement d'affectation, le refus de M. D... de l'exécuter n'était fondé sur aucun motif légitime. Le préfet de police pouvait ainsi légalement considérer que ce refus d'exécution constituait une faute de nature à justifier une sanction.

16. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 12 mai 2022.

L'assesseur le plus ancien,

J.F. GOBEILLLa présidente rapporteure,

C. E...

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA04078 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04078
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : ASSOUS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-12;20pa04078 ?
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