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10/05/2022 | FRANCE | N°20PA01209

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mai 2022, 20PA01209


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser les sommes de 129 278 euros à titre de rappel de traitement résultant de son classement indiciaire, de 19 405 euros à titre de rappel de son traitement résultant de la prise en compte de son avancement, de 10 474,45 euros à titre de rappel du supplément familial, une somme de 197 752,79 euros au titre de l'indemnité d'éloignement et une somme de 11 767,89 euros au titre de l'ind

emnité compensant la perte du congé administratif et d'enjoindre à la Polyné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser les sommes de 129 278 euros à titre de rappel de traitement résultant de son classement indiciaire, de 19 405 euros à titre de rappel de son traitement résultant de la prise en compte de son avancement, de 10 474,45 euros à titre de rappel du supplément familial, une somme de 197 752,79 euros au titre de l'indemnité d'éloignement et une somme de 11 767,89 euros au titre de l'indemnité compensant la perte du congé administratif et d'enjoindre à la Polynésie française de la rétablir dans ses droits sociaux auprès de son organisme social en métropole ou, à titre subsidiaire, de condamner la Polynésie française à lui verser une somme de 43 994 977 francs CFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de chance de bénéficier des avantages afférents à sa position statutaire de détachement.

Par un jugement n° 1900258 du 11 février 2020, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 avril 2020 et le 12 octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Quinquis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900258 du 11 février 2020 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) à titre principal, de condamner la Polynésie française à lui verser les sommes de 129 278 euros à titre de rappels de traitement résultant de son classement indiciaire, de 19 405 euros à titre de rappels de son traitement résultant de la prise en compte de son avancement, de 10 474,45 euros à titre de rappels du supplément familial, de 197 752,79 euros au titre de l'indemnité d'éloignement et de 11 767,89 euros au titre de l'indemnité compensant la perte du congé administratif ;

3°) d'enjoindre à la Polynésie française de la rétablir dans ses droits sociaux auprès de son organisme social en métropole ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la Polynésie française à lui verser une somme de 43 994 977 francs CFP à titre de dommages et intérêts ;

5°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 350 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel est recevable ;

- le jugement est irrégulier pour avoir omis de statuer sur le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité ;

- les praticiens hospitaliers, qui bénéficient des mêmes garanties que les fonctionnaires, peuvent être recrutés par la voie du détachement pour occuper un poste en Polynésie française ;

- le principe d'égalité s'oppose à ce que la délibération du 10 septembre 1988 puisse réserver aux praticiens hospitaliers un traitement différent de celui des autres agents publics en ce qui concerne les possibilités de détachement ;

- la Polynésie française a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne l'ayant pas informée correctement de sa situation administrative et de l'absence de perception des avantages afférents à la situation d'un fonctionnaire détaché ;

- le préjudice résultant de cette faute est égal au montant des avantages afférents à la situation d'un fonctionnaire détaché dont elle a été privée ;

- les avantages dont elle a été illégalement privée lui ont fait perdre des traitements à hauteur de 129 278 euros et de 19 405 euros sur la période d'exécution de son contrat, augmentée du supplément familial, non perçu par son conjoint, à hauteur de 10 474,45 euros, de l'indemnité d'éloignement à hauteur de 197 752,79 euros et d'un congé administratif pour l'équivalent de 11 767,89 euros ainsi que le droit à être affiliée au régime de protection sociale de son organisme d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2021, la Polynésie française, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est tardive ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 ;

- la délibération n° 95-241 AT du 14 décembre 1995 ;

- la délibération n° 98-145 APF du 10 septembre 1998 ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., praticien hospitalier qui exerçait au sein des hospices civils de Lyon, a été recrutée par un contrat à durée déterminée de deux ans et onze mois signé le 31 octobre 2016 pour occuper le poste de médecin responsable du bureau de veille sanitaire de la Polynésie française. Elle a demandé sans succès, en mars 2019, le bénéfice rétroactif des avantages servis aux fonctionnaires civils et militaires détachés auprès de la Polynésie française. Elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la Polynésie française à lui verser les sommes correspondant au rappel de ces divers avantages et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la Polynésie française à l'indemniser à raison de la faute commise en ne l'informant pas de façon satisfaisante lors de son recrutement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des termes du jugement, et notamment de son point 5, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments venant à son soutien, n'ont pas omis de répondre au moyen soulevé par Mme A... et tiré de la méconnaissance du principe d'égalité par la délibération de l'assemblée de la Polynésie française du 10 septembre 1998 relative au régime applicable aux fonctionnaires civils et militaires en position de détachement auprès du territoire de la Polynésie française et de ses établissements publics. Mme A... n'est, ainsi, pas fondée à soutenir que le jugement qu'elle attaque serait insuffisamment motivé.

Sur les droits à rémunération de Mme A... :

3. D'une part, aux termes de l'article 3 de la délibération de l'assemblée territoriale de la Polynésie française n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique de la Polynésie française, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) sauf dérogations prévues à l'article 33 du présent statut, les emplois permanents de l'administration de la Polynésie française et des établissements publics administratifs sont occupés par des fonctionnaires ". Aux termes de l'article 3 bis de cette délibération : " Les emplois visés à l'article 3 peuvent également être occupés, par voie de détachement, par des fonctionnaires relevant d'une fonction publique différente de celle de la Polynésie française au sein de la République française, après publication de la vacance du poste durant un délai d'un mois et dans le cas où la nécessité d'assurer la continuité du service public l'impose, devant l'absence de candidat correspondant au profil requis ". Enfin, l'article 33 de cette délibération, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " En application des dispositions dérogatoires prévues à l'article 3 ci-dessus, les emplois permanents de l'administration du territoire et de ses établissements publics administratifs peuvent également être occupés par des agents non titulaires, dans les cas suivants : / (...) / 2° Pour assurer des fonctions nécessitant des connaissances techniques spécialisées (...) / 5° Lorsque la nécessité d'assurer la continuité du service public impose devant l'absence de candidats répondant au profil requis, un recrutement à l'extérieur de la Polynésie française (...) ".

4. D'autre part, il est constant que les majorations de traitement, indemnités, congés administratifs ainsi que l'affiliation au régime de retraite métropolitain dont Mme A... revendique le bénéfice au titre de son affectation en Polynésie française ne sont octroyés qu'en application de la délibération de l'assemblée de la Polynésie française du 10 septembre 1998 relative au régime applicable aux fonctionnaires civils et militaires en position de détachement auprès du territoire de la Polynésie française et de ses établissements publics, dont l'article 1er dispose que : " La présente délibération est applicable aux fonctionnaires civils et militaires détachés de leur administration d'origine auprès du territoire et des établissements publics à caractère administratif de la Polynésie française. / Elle s'applique également, à l'exception de l'article 3, aux personnels visés à l'alinéa précédent détachés sur des emplois fonctionnels et des emplois de cabinet. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction, notamment des termes de son contrat et des échanges qui ont précédé sa signature, que Mme A... a été recrutée par le gouvernement de la Polynésie française en qualité d'agent non titulaire, par un contrat à durée déterminée conclu sur le fondement de l'article 33 de la délibération du 14 décembre 1995, pour exercer à la direction de la santé (bureau de veille sanitaire) des fonctions relevant du statut particulier du cadre d'emplois des médecins de la fonction publique de la Polynésie française, adopté par une délibération de l'assemblée territoriale de la Polynésie française n° 95-241 AT du 14 décembre 1995. Il suit de là que, alors même que le centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière a cru devoir, par un arrêté du 30 septembre 2016, la placer à compter du 1er novembre 2016 en position de " détachement de son corps d'origine, sur contrat, pour exercer auprès du Ministère de la santé et de la recherche de la Polynésie française ", l'intéressée ne pouvait être regardée comme un fonctionnaire détaché auprès du territoire de la Polynésie française au sens et pour l'application de la délibération du 10 septembre 1998.

6. En conséquence, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle avait droit au bénéfice des majorations de traitement, indemnités, congés administratifs ainsi qu'à l'affiliation au régime de retraite métropolitain prévus par la délibération du 10 septembre 1998.

7. En outre, il résulte de ce qui précède que la délibération du 10 septembre 1998 était inapplicable à la situation de Mme A... non du fait de son statut de praticien hospitalier, mais en raison des modalités de son recrutement. Par suite, l'intéressée ne peut utilement soutenir à l'appui de sa requête que cette délibération porterait atteinte au principe d'égalité en ce qu'elle ne s'applique qu'aux fonctionnaires civils et militaires. La circonstance, à la supposer établie, que d'autres praticiens hospitaliers affectés en Polynésie française auraient bénéficié des avantages qu'elle prévoit est, à cet égard, sans incidence.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle avait droit aux avantages réservés aux fonctionnaires détachés auprès du territoire de la Polynésie française et de ses établissements publics.

Sur la responsabilité de la Polynésie française :

9. Si Mme A... soutient par ailleurs que la Polynésie française lui aurait fourni des renseignements erronés en ce qui concerne sa situation administrative et ses droits à bénéficier des avantages octroyés aux fonctionnaires en position de détachement auprès de la Polynésie française, il résulte de l'instruction, et notamment de l'ensemble des échanges entre les services de la Polynésie française et la requérante préalablement à la signature de son contrat, que celle-ci a toujours été informée de son recrutement en qualité d'agent contractuel et de son indice de rémunération, sans que soit jamais mentionné un régime indemnitaire complémentaire. La circonstance que les services de la Polynésie française lui aient demandé de leur transmettre l'arrêté de détachement pris par le centre national de gestion des praticiens hospitaliers, aux seules fins de s'assurer qu'elle était libre de tout engagement à la date de sa prise de fonctions, ne saurait constituer une promesse de la faire bénéficier des avantages octroyés aux fonctionnaires en position de détachement. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que, par les renseignements fournis, la Polynésie française aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Polynésie française, que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme que la Polynésie française demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La rapporteure,

P. B...La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01209
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-10;20pa01209 ?
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