La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2022 | FRANCE | N°20PA04066

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 05 mai 2022, 20PA04066


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'ordre de mutation du 30 mars 2018 l'affectant au centre études, réserves et partenariats de l'armée de l'air à Paris à compter du 27 août 2018, en deuxième lieu, la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires formé le 5 mai 2018, en troisième lieu, la décision du 13 décembre 2018 de la commission des recours des militaires rejetant son r

ecours administratif préalable obligatoire, et d'enjoindre à l'Etat de le ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'ordre de mutation du 30 mars 2018 l'affectant au centre études, réserves et partenariats de l'armée de l'air à Paris à compter du 27 août 2018, en deuxième lieu, la décision implicite rejetant son recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires formé le 5 mai 2018, en troisième lieu, la décision du 13 décembre 2018 de la commission des recours des militaires rejetant son recours administratif préalable obligatoire, et d'enjoindre à l'Etat de le réintégrer sur son précédent emploi ou à tout le moins de l'affecter sur un poste identique.

Par un jugement n° 1807814, 1820180 et 1903305 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2020, M. A..., représenté par Me Baïta, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807814, 1820180 et 1903305 du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 13 décembre 2018 de la commission des recours des militaires rejetant son recours administratif préalable obligatoire, ensemble, en tant que de besoin, la décision implicite de rejet rendue par cette même commission, et la décision de mutation du 30 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre à la ministre des armées de le réintégrer dans l'emploi qu'il occupait en qualité de chef de musique adjoint de la Musique des forces aériennes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décision attaquées ont été prises en considération de sa personne et il aurait dû être mis à même d'obtenir la communication préalable de son dossier administratif ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit en ce qu'elles méconnaissent les dispositions statutaires applicables au chef de musique en application de l'article 1er du décret du 12 septembre 2008 ;

- elles sont entachées d'une erreur de fait en ce qu'il n'existe aucun intérêt du service justifiant sa mutation, en ce qu'il a été affecté en sureffectif sur un emploi qui n'existe pas et en ce qu'il ne pourra pas exercer ses compétences professionnelles de musiciens chef de musique, ce qui engendra un préjudice en termes de déroulement de carrière ;

- sa mutation constitue une sanction déguisée, qui a été prise sans respect de droits de la défense.

Par un mémoire enregistré le 7 mars 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2008-931 du 12 septembre 2008 ;

- l'arrêté du 30 juin 2018 fixant les conditions et les modalités de recrutement des chefs de musique dans les armées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les observations de Me Baïta, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1 M. A..., chef de musique de 1ère classe, affecté à l'unité de musique des forces aériennes sur la base aérienne de Bordeaux-Mérignac depuis le 1er juillet 2006 en qualité de chef de musique adjoint, a fait l'objet d'un ordre de mutation d'officiers en date du 30 mars 2018 l'affectant au sein du centre études, réserves et partenariats de l'armée de l'air (CERPA) à Paris à compter du 27 août 2018. M. A... a pris connaissance de l'extrait individuel de cet ordre de mutation le 23 avril 2018. Par une décision implicite en date du 9 mai 2018, puis par une décision expresse du 13 décembre 2018, la ministre des armées a rejeté le recours administratif préalable obligatoire dont M. A... avait saisi la commission des recours des militaires, conformément aux dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense. M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'ordre de mutation et de ces deux décisions. Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris, après avoir requalifié les demandes de M. A... comme étant dirigées contre la décision du 13 décembre 2018, qui s'est substituée aux précédentes, les a rejetées. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (...). " Aux termes de l'article L. 4132-2 du même code : " Sont militaires de carrière les officiers ainsi que les sous-officiers et officiers mariniers qui sont admis à cet état après en avoir fait la demande. Ils sont, de ce fait, nommés ou promus à un grade de la hiérarchie en vue d'occuper un emploi permanent dans un corps militaire (...) ". Aux termes de l'article L. 4133-1 du même code : " Les militaires de carrière peuvent, pour les besoins du service, être admis sur leur demande ou affectés d'office dans d'autres corps de la force armée ou de la formation rattachée à laquelle ils appartiennent. Ils ne peuvent être admis dans un corps d'une autre force armée ou d'une autre formation rattachée que sur leur demande (...) ". Et aux termes de l'article L. 4138-1 du même code : " Le militaire en position d'activité occupe un emploi de son grade lorsqu'il est affecté : / 1° Dans les forces armées ou les formations rattachées ; / 2° Dans un organisme placé sous l'autorité du ministre de la défense autres que ceux mentionnés au 1° ; / 3° Dans un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre de la défense ; / 4° Dans l'un des organismes mentionnés à l'article R. 4138-30-1. ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 1er du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier des corps des chefs de musique et des sous-chefs de musique dans les armées et la gendarmerie nationale : " Au sein des armées et de la gendarmerie nationale, les chefs de musique instruisent et dirigent les grandes formations musicales, dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la défense, et les formations musicales des armées et de la gendarmerie nationale. Ils sont affectés dans les unités dont font partie ces formations. Ils peuvent être appelés à participer, en raison de leur compétence, au fonctionnement d'autres services relevant d'une formation interarmées, d'une autre armée ou de tout organisme mentionné au 2° de l'article L. 4138-2 du code de la défense ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " Les chefs de musique peuvent être recrutés au grade de chef de musique de 2ème classe ou au grade de chef de musique principal parmi les stagiaires qui, admis à l'un des stages de formation par concours sur épreuves, ont satisfait à l'examen de fin de stage. ". Selon l'article 4 du décret : " L'admission aux stages de formation se fait : / 1° Pour le recrutement au grade de chef de musique de 2e classé : / a) Soit par concours sur épreuves ouvert aux candidats, âgés de trente-cinq ans au plus, titulaires d'un diplôme national d'orientation professionnelle de musique ou qui justifient d'un niveau de pratique professionnelle défini par arrêté du ministre de la défense. Ils doivent, en outre, être titulaires d'un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement secondaire général, technologique ou professionnel ou titre reconnu équivalent ou d'un autre titre ou diplôme classé au moins au niveau IV ; b) Soit par concours sur épreuves ou ouvert : i) Aux sous-chefs de musique ; ii) Aux sous-officiers ou officiers mariniers appartenant au domaine de spécialité " musique ", âgés de trente-six ans au moins et de quarante-cinq ans au plus, ayant accompli au moins quatre ans de service militaire et titulaires d'un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement secondaire général, technologique ou professionnel ou titre reconnu équivalent ou d'un autre titre ou diplôme classé au moins au niveau IV ; 2° Pour le recrutement au grade de chef de musique principal : par concours sur épreuves ouvert aux candidats, âgés de trente-cinq ans au moins et de quarante-huit ans au plus, qui justifient d'un niveau de formation de l'enseignement supérieur, académique et spécialisé, défini par arrêté du ministre de la défense ou sont titulaires d'un diplôme de formation supérieure en musique délivré par le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris ou d'un diplôme national supérieur d'études musicales délivré par le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. Ils doivent, en outre, être titulaires d'un diplôme de fin de second cycle de l'enseignement secondaire général, technologique ou professionnel ou titre reconnu équivalent ou d'un autre titre ou diplôme classé au moins au niveau IV. " Et selon l'article 7 de l'arrêté du 30 juin 2018 fixant les conditions et les modalités de recrutement des chefs de musique dans les armées : " Les épreuves des concours ouverts au titre de l'article 4 du décret du 12 septembre 2008 susvisé sont les suivantes : / a) Epreuves écrites d'admissibilité : / - écriture musicale ; / - orchestration pour orchestre d'harmonie ; / - culture générale ; / - anglais ; / b) Epreuve orales d'admission : / - travail et direction d'orchestre d'harmonie ; / - culture musicale ; / - aptitude générale ; - anglais (...) ".

4. Il résulte des termes des dispositions précitées des articles 1er, 3 et 4 du décret du 12 septembre 2008 que les chefs de musique, qui sont recrutés pour leurs compétences dans le domaine de la direction d'ensemble musicaux et la possession de certains titre déterminés, ont vocation à occuper un emploi de direction d'une des grandes formations musicales ou des formations musicales des armées et de la gendarmerie nationale. A cet effet, ils sont affectés dans les unités des armées dont font partie ces formations.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été affecté, par l'ordre de mutation contesté, au centre études, réserves et partenariat (CERPA) de l'armée de terre, à Paris, au sein de la division rayonnement réseaux et évènementiels, section planification synthèse, sur un poste d'officier rédacteur en attente de création. Cette mutation a été décidée dans l'intérêt du service, afin de mettre fin à la situation de tension au sein de la Musique de l'armée de l'air de la base aérienne de Bordeaux-Mérignac résultant de relations conflictuelles entre le requérant et son supérieur hiérarchique direct, et ne présente donc pas de caractère disciplinaire.

6. Toutefois, il est constant que le poste sur lequel M. A... a été affecté est un poste purement administratif, ne comprenant pas la direction d'une grande formation musicale ou d'une formation musicale des armées, et qui ne correspond donc pas à l'emploi que les chefs de musique ont vocation à occuper. La seule circonstance que le référentiel provisionnel du CERPA produit à l'instance identifie trois postes réservés à des chefs de musique ne suffit pas pour établir que la nomination de M. A... sur l'un de ces postes, comme officier rédacteur à la section synthèse et planification, répondrait aux besoins du service, comme le soutient le ministre dans ses écritures de première instance, alors que, d'une part, ce poste requière des qualités rédactionnelles qui ne sont pas celles qui ont présidé au recrutement de M. A... et que, d'autre part, celui-ci soutient sans être contredit que ce poste n'a en réalité jamais été occupé par un chef de musique. En outre, la ministre des armées n'allègue pas qu'aucun poste de direction d'une formation musicale sur lequel le requérant aurait pu être affecté à la date de la décision attaquée, au sein de l'armée de l'air, d'une autre armée, d'une formation interarmées ou de tout organisme mentionné au 2° de l'article L. 4138-2 du code de la défense, n'était vacant. Par suite, M. A... est fondé à soutenir, ainsi qu'il le fait en contestant dans sa requête " l'erreur de fait " que le tribunal aurait commise en considérant que le poste figurant sur le référentiel n'était pas fictif et correspondait à ses compétences, que la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Alors qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la décision de changer M. A... d'affectation ayant été prise dans l'intérêt du service, afin de mettre fin à la situation de tension au sein de la Musique de l'armée de l'air de la base aérienne de Bordeaux-Mérignac, la présente décision n'implique pas nécessairement la réintégration de M. A... sur le poste de chef de musique adjoint qu'il occupait, avant sa mutation, à la Musique de l'armée de l'air. Elle implique en revanche que la ministre des armées procède au réexamen de la situation de M. A... et procède, à cet effet, à une nouvelle affectation de l'intéressé. Il y a lieu d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à ce réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 2 500 euros qu'il réclame sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1807814, 1820180 et 1903305 du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris et la décision du 13 décembre 2018 de la ministre des armées sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la ministre des armées de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.

La rapporteure,

C. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA04066 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04066
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : BAÏTA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-05;20pa04066 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award