Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à Mme C..., en sa qualité d'ayant droit de M. B... C..., une somme de 4 500 euros au titre des souffrances endurées par ce dernier, à Mme C... au titre de son préjudice moral propre une somme de 8 100 euros, ainsi que la somme de 3 000 euros à M. E... C... au titre de son préjudice moral propre, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2018, et de condamner le centre hospitalier Comminges Pyrénées à verser à Mme C... en sa qualité d'ayant droit de M. B... C... une somme de 4 500 euros au titre des souffrances endurées par ce dernier, à Mme C... au titre de son préjudice moral propre une somme de 8 100 euros, ainsi que la somme de 3 000 euros à M. E... C... au titre de son préjudice moral propre, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2018.
Par un jugement n° 1807726/6-2 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné, d'une part, l'AP-HP à verser à la succession de M. B... C... la somme de 450 euros en réparation des préjudices propres de ce dernier, celle de 945 euros en réparation des préjudices propres de Mme D... C... et celle de 450 euros en réparation des préjudices propres de
M. E... C..., ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2018 ; d'autre part, il a condamné le centre hospitalier Comminges Pyrénées à verser à la succession de M. B... C... la somme de 750 euros en réparation des préjudices propres de ce dernier, celle de
1 575 euros en réparation des préjudices propres de Mme D... C... et celle de 750 euros en réparation des préjudices propres de M. E... C..., ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 8 septembre 2021, Mme D... C... et M. E... C..., représentés par Me Duquesne-Clerc, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1807726/6-2 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a limité la réparation des préjudices ;
2°) de condamner respectivement l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) et le centre hospitalier Comminges Pyrénées à verser à Mme C... en sa qualité d'ayant droit de M. B... C... la somme de 4 050 euros, à Mme C... au titre de ses préjudices propres la somme totale de 7 290 euros, ainsi que la somme de 2 700 euros à M. E... C... au titre de son préjudice moral propre, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2018 ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure de contre-expertise sur la détermination des parts respectives de responsabilité de l'AP-HP et du centre hospitalier Comminges Pyrénées et sur le taux de perte de chance de survie du patient du fait du comportement fautif des deux établissements publics de santé ;
4°) de mettre à la charge solidaire de l'AP-HP et du centre hospitalier Comminges Pyrénées la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- la responsabilité de l'hôpital Tenon dépendant de l'AP-HP est engagée à leur égard sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique en raison de la faute commise par l'établissement public de santé qui n'a pas récupéré les résultats du scanner thoracique du 31 juillet 2015 réalisé par M. B... C..., leur époux et père, et a omis de les analyser, sans déconseiller à M. C... de partir se reposer dans sa maison de campagne, ni lui demander de revenir, muni des résultats de l'examen prescrit avant son départ en vacances ; elle l'est également pour ne pas avoir alerté le patient alors que les résultats du dosage des lymphocytes dans le sang était au plus bas ; la part de responsabilité de l'AP-HP doit être évaluée à 30 % ;
- la responsabilité du centre hospitalier Comminges Pyrénées l'est également sur le fondement des mêmes dispositions pour ne pas avoir surveillé suffisamment le patient ni effectué des investigations complémentaires, pour ne pas avoir posé le diagnostic de pathologie opportuniste et privilégié celui d'une embolie pulmonaire puis d'un infarctus du myocarde alors que M. C..., immunodéprimé, s'était présenté hypoxémique et polypnéïque avec une fréquence respiratoire à 25/min et que le scanner thoracique montrait des images anormales en verre dépoli qui se majorent par rapport au scanner précédent ; cette absence d'examen complémentaire a été à l'origine d'un retard de diagnostic ayant conduit à l'insuffisance respiratoire grave et au décès du patient ; la part de responsabilité du centre hospitalier Comminges Pyrénées doit être évaluée à 30 % ;
- la perte de chance de survie du patient doit être évaluée à 90 % ;
- à titre subsidiaire, une contre-expertise devra être ordonnée ;
- les préjudices consécutifs aux fautes imputables aux établissement publics de santé doivent être évalués comme suit, compte-tenu de leurs parts de responsabilité et du taux de perte de chance :
* s'agissant du patient, M. C... :
- 15 000 euros au titre des souffrances physiques et psychologiques avant son décès, évaluées à 4,5 sur 7, soit 4 050 euros respectivement à la charge de l'AP-HP et du centre hospitalier Comminges Pyrénées ;
* préjudices propres de Mme C... :
- 7 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement, soit 1 890 euros respectivement à la charge de l'AP-HP et du centre hospitalier Comminges Pyrénées ;
- 20 000 euros au titre du préjudice d'affection, soit 5 400 euros respectivement à la charge de l'AP-HP et du centre hospitalier Comminges Pyrénées ;
* préjudice propre de M. E... C... :
- 10 000 euros au titre du préjudice d'affection, soit 2 700 euros respectivement à la charge de l'AP-HP et du centre hospitalier Comminges Pyrénées.
Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré les 16 août 2021, le centre hospitalier Comminges Pyrénées, représenté par Me Le Prado, conclut :
1°) à l'annulation du jugement n° 1807726/6-2 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que l'évaluation du taux de perte de chance imputable aux manquements soit ramené à 10 % ;
3°) en toute hypothèse, au rejet de la requête.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que sa responsabilité était engagée au titre d'une simple erreur ou d'un retard de diagnostic dès lors que celui de la pneumocystose
est difficile à poser et la pathologie difficile à traiter, et que, si l'expert a néanmoins estimé qu'il aurait dû l'être à la lecture du scanner du 31 juillet 2015, ce n'est que le 9 août suivant que le patient s'est présenté dans l'établissement sans que les médecins soient alertés des risques pulmonaires et infectieux, le patient ayant été transféré, le lendemain 10 août, à la clinique Pasteur au sein de laquelle le diagnostic n'a pas davantage été évoqué ;
- le lien de causalité entre la faute qui aurait été commise et le préjudice subi n'est par ailleurs pas établi ;
- en toute hypothèse, le dommage était inéluctable dès lors que M. B... C... était atteint d'un cancer gravissime de l'œsophage qui s'est compliqué d'une infection pulmonaire opportuniste, favorisée par son état immunodéprimé en raison des traitements anticancéreux qu'il devait subir ;
- à titre subsidiaire, c'est également à tort que le tribunal a fixé à 30 % et non à 10 % le taux de perte de chance imputable au retard de diagnostic et de prise en charge ;
- les sommes allouées en réparation des préjudices ne sauraient être augmentées et l'évaluation du préjudice d'accompagnement du fils du patient est disproportionnée.
Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 13 février 2022, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par Me Tsouderos, conclut :
1°) à titre principal, à l'annulation du jugement n° 1807726/6-2 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, à ce que le montant des sommes allouées soit ramené à de plus justes proportions.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que sa responsabilité était engagée au motif que le patient aurait dû être convoqué par le centre hospitalier Tenon, muni des résultats du scanner thoracique prescrit le 28 juillet 2015, au plus tard le 7 août 2015, auquel cas des examens complémentaires auraient pu être prescrits afin d'orienter le diagnostic vers une pneumopathie opportuniste et un traitement antibiotique adapté mis en oeuvre, et un retard de diagnostic ainsi évité, alors que le résultat du scanner aurait dû être adressé au centre hospitalier Tenon par le radiologue qui l'a réalisé ou le patient, lequel a préféré quitter Paris et se rendre dans sa résidence secondaire en méconnaissance des recommandations de son médecin ;
- c'est également à tort qu'ils ont fixé sa part de responsabilité à 15 % et le taux de perte de chance qui lui est imputable 30 % dès lors que, suite au scanner prescrit le 28 juillet et réalisé le
31 suivant, le patient a été pris en charge par le centre hospitalier Comminges Pyrénées dès le
9 août, lequel, à l'issue de divers examens, disposait de tous les éléments médicaux pour rechercher et poser le diagnostic.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Soucié représentant les consorts C....
Considérant ce qui suit :
1. A compter du 22 janvier 2015, M. B... C..., alors âgé de 67 ans, qui souffrait d'un cancer du candia, a suivi des séances de chimiothérapie pendant six mois et a subi une intervention chirurgicale le 12 mai 2015, à l'hôpital Saint-Antoine. Entre le 22 juin et le 23 juillet 2015, sa pathologie a été traitée par radiothérapie, à l'hôpital Tenon. Le patient souffrant de quintes de toux et d'une grande fatigue, un scanner lui a été prescrit, qui a été réalisé le 31 juillet à la clinique Daumesnil, qui a mis en évidence des poumons emphysémateux associés à un aspect de verre dépoli témoignant d'une pneumopathie interstitielle débutante et d'une dilatation des bronches dans ses deux bases pulmonaires. Le 4 août 2015, M. C... s'est rendu dans sa résidence secondaire, dans les Pyrénées. Fiévreux et essoufflé, il a consulté un médecin généraliste le 7 août qui lui a prescrit des antibiotiques. Son état s'étant toutefois détérioré, M. C... s'est présenté le 9 août 2015 aux urgences du centre hospitalier de Comminges Pyrénées de Saint Gaudens. A l'issue d'un scanner thoracique et d'analyses sanguines, il a été autorisé à regagner son domicile. Il est toutefois revenu consulter au sein du même service le lendemain 10 août 2015 et une cardiopathie ischémique a alors été évoquée. Le patient a ensuite été transféré vers l'unité de cardiologie de la clinique Pasteur, à Toulouse. Une surinfection bronchique y a été diagnostiquée. Le 12 août 2015, un scanner thoracique a été réalisé, a révélé des images de verre dépoli avec majoration des septa intra-lobulaires du lobe moyen, du segment inférieur de la lingula et du segment apical. L'avis d'un pneumologue a été demandé et un traitement à base de Rocéphine et de Solumédrol aux fins de traitement d'une surinfection bronchique compliquant un poumon radique a été prescrit, a été poursuivi jusqu'au 18 août 2015. Le 24 août 2015, le patient a été transféré à l'hôpital Saint-Antoine dans le service de soins intensifs de cardiologie, où une pneumocystose a été diagnostiquée. Le
27 août, souffrant de détresse respiratoire, il a été transporté en réanimation, a été intubé, ventilé et mis sous sédation. Faute d'amélioration de son état, M. C... a été placé en soins palliatifs. Il est décédé le 14 septembre 2015. Une expertise a été réalisée par un expert mandaté par l'assureur de son épouse. L'expert a rendu son rapport le 21 mars 2016. Mme C... a ensuite saisi le président du tribunal administratif de Paris d'une demande d'expertise judiciaire. Par ordonnance du
1er décembre 2016, celui-ci a désigné en qualité d'expert un médecin pneumologue qui a déposé son rapport le 2 juin 2017. Le 22 janvier 2018, Mme C... et M. E... C..., son fils, ont adressé une demande indemnitaire préalable à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) et au centre hospitalier de Comminges Pyrénées. L'AP-HP n'y a pas répondu. Le centre hospitalier de Comminges Pyrénées a rejeté la demande d'indemnisation par courrier du 28 mars 2018. Les consorts C... relèvent appel du jugement du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci n'a pas intégralement fait droit à leurs demandes indemnitaires. L'AP-HP et le centre hospitalier Comminges Pyrénées en relèvent appel incident.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. -Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
En ce qui concerne la responsabilité de l'AP-HP :
3. Les consorts C... recherchent la responsabilité de l'AP-HP en raison d'un retard de diagnostic et pour défaut de mise en œuvre précoce d'examens complémentaires qui auraient permis selon eux de poser le diagnostic de pneumocystose. Ils reprochent ainsi aux médecins de l'hôpital Tenon de ne pas avoir récupéré les résultats du scanner prescrit le 28 juillet 2015 et réalisé trois jours plus tard afin d'en analyser les résultats, de ne pas avoir déconseillé à M. C... de se déplacer dans sa maison de campagne avant d'en avoir pris connaissance et d'avoir fixé à celui-ci un nouveau rendez-vous tardif, le 27 août suivant. Ils leur reprochent également de ne pas avoir tenu compte des résultats du dosage des lymphocytes dans le sang qui était au plus bas.
4. Une erreur ou un retard de diagnostic et un choix thérapeutique erroné ne sont pas constitutifs de fautes lorsque le médecin, qui n'est tenu que d'une obligation de moyens sur le plan médical, a agi conformément aux données acquises de la science. Sa responsabilité doit ainsi être écartée en l'absence d'erreur de lecture évidente, de négligence de données essentielles du dossier et, en l'absence d'urgence, d'omission de faire réaliser des examens complémentaires appropriés qui seraient utiles.
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, qu'immunodéprimé à la suite du traitement par chimiothérapie qu'il venait de suivre et ainsi davantage exposé à la survenue d'infections, M. C... a développé une pneumocystose, maladie pulmonaire opportuniste, dont le diagnostic est toutefois difficile à poser. Si les consorts C... se prévalent - au visa notamment de l'avis de l'expert mandaté par leur assureur - de ce que les médecins de l'AP-HP n'auraient pas tenu compte de la chute des lymphocytes et de symptômes respiratoires du patient en juin-juillet 2015, un tel signal n'a toutefois pas été retenu par l'expert judiciaire lequel a estimé que, dans un contexte d'immunodépression, au vu du scanner du 31 juillet 2015 et en présence de verre dépoli sur le parenchyme pulmonaire, il convenait en revanche à ce stade et dans un premier temps, d'éliminer un processus infectieux. Pour autant, s'agissant de la prise de connaissance des résultats du scanner qui aurait dû interpeller les médecins de l'hôpital Tenon, dès lors que l'examen prescrit a été réalisé en-dehors de l'établissement public de santé, faute pour le praticien extérieur qui l'avait réalisé d'en avoir adressé les résultats au médecin prescripteur ou pour le patient eu égard à la gravité de son état de santé d'en avoir assuré lui-même la transmission, à tout le moins de s'être enquis de sa bonne transmission, ou pris à cette fin un nouveau rendez-vous, il ne saurait être reproché aux médecins de l'hôpital Tenon de ne pas l'avoir réclamé afin de l'analyser et de prescrire des examens complémentaires. Ainsi, et alors même qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces mêmes médecins auraient encouragé M. C... à se rendre dans sa résidence secondaire dans les Pyrénées, il s'en infère que l'AP-HP est fondée à soutenir qu'en l'absence de faute caractérisée pouvant lui être imputée, sa responsabilité ne saurait être engagée.
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier Comminges Pyrénées :
6. Les requérants reprochent ensuite au centre hospitalier Comminges Pyrénées une erreur de diagnostic et un choix thérapeutique erroné, faute pour ses médecins d'avoir demandé l'avis d'un pneumologue ou d'avoir transféré M. C... vers un centre spécialisé en pneumologie aux fins de réalisation d'examens complémentaires et de l'avoir ainsi orienté à tort vers un service de cardiologie après avoir privilégié le diagnostic d'embolie pulmonaire et d'infarctus du myocarde, alors que le tableau présenté par le patient était symptomatique d'une fibrose débutante.
7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que les images du 2ème scanner du 9 août 2008 montraient une aggravation des opacités en verre dépoli et sans doute l'apparition d'un kyste parenchymateux, alors que le traitement antibiotique était sans effets. Le patient immunodéprimé présentant alors des signes de détresse respiratoires aigus, le centre hospitalier Comminges Pyrénées, en autorisant sa sortie sans procéder à des investigations complémentaires, recueillir l'avis d'un pneumologue ou, en cas d'insuffisance de ses moyens ou structures, transférer M. C... vers un autre établissement spécialisé en pneumologie aux fins d'examens complémentaires ou de mise en œuvre d'un traitement, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Ainsi que l'on estimé à bon droit les premiers juges, ce retard de diagnostic et thérapeutique de la pneumocystose doit être regardé comme engageant sa responsabilité à hauteur de 25%.
En ce qui concerne la responsabilité de la clinique Pasteur :
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, qu'à l'occasion de la prise en charge de M. C... au sein de la clinique Pasteur à partir du 11 août 2015, alors même qu'un 3ème scanner montrait à ce stade une franche majoration des zones en verre dépoli, que l'avis d'un pneumologue avait été recueilli mais sans qu'il soit alors procédé à la recherche d'une pneumocystose dont le tableau était pourtant clairement évocateur, un diagnostic de pneumonie radique surinfectée ou de pathologie cardiaque a été posé de façon erronée. La part de responsabilité de la clinique Pasteur F..., qui n'a à aucun moment, durant les quinze jours d'hospitalisation, posé le diagnostic de pneumocystose alors que M. C... était suivi par un pneumologue, doit être ainsi fixée à 75 %.
Sur la perte de chance :
9. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire, que souffrant d'un cancer de l'œsophage de stade avancé et immunodéprimé du fait de cette pathologie ainsi que des traitements consécutifs par radio et chimiothérapie, M. C... était exposé à des infections graves emportant des risques de mortalité associés, telle que la pneumocytose à l'origine de l'insuffisance respiratoire grave qui l'a emporté. Ainsi, quand bien même un traitement approprié lui aurait-il été administré dès l'apparition des premiers signes cliniques et radiologiques, le pronostic vital était sérieusement engagé, les chances de survie étant de l'ordre de 10 % à cinq ans. Il s'en infère qu'en évaluant à 30 % le taux de perte de chance pour ce dernier d'échapper à la dégradation de son état de santé ayant conduit à son décès, les premiers juges en ont fait une appréciation qui n'est ni insuffisante ni excessive.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les dépenses de santé exposées par la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants :
11. Il résulte de l'instruction que le montant des dépenses de santé exposées pour le compte de M. C... à compter de sa prise en charge défaillante, soit le 11 août 2015, s'est élevé à la somme de 5 095,82 euros correspondant à son hospitalisation à la clinique privée Pasteur F... et à celle de 53 520,91 euros pour la période allant du 24 août au 14 septembre 2015, soit un montant total de 58 616,73 euros. Il y a donc lieu, compte tenu du coefficient de perte de chance de 30 %, de condamner le centre hospitalier Comminges Pyrénées à rembourser à ce titre à RSI Harmonie Mutuelle, qui vient aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, la somme de 17 585,02 euros. Enfin, il appartiendra au centre hospitalier Comminges Pyrénées, s'il s'y croit fondé, d'exercer une action récursoire à l'encontre de la clinique privée Pasteur F... sur le fondement du partage de responsabilité susmentionné.
En ce qui concerne les préjudices de M. C... :
Quant aux souffrances endurées :
12. Il résulte de l'instruction que M. C... a souffert d'un épisode fébrile entre le 30 juillet et le 10 août 2015 ainsi que de détresse respiratoire et d'un préjudice psychique. En évaluant ce préjudice à 10 000 euros et en allouant à ce titre la somme de 750 euros après application du taux de perte de chance et compte tenu du partage de responsabilité, les premiers juges ont fait une appréciation des souffrances endurées qui n'est ni insuffisante ni excessive.
En ce qui concerne les préjudices propres de l'épouse de M. C... :
Quant au préjudice d'accompagnement :
13. Mme C... a été présente aux côtés de son conjoint lorsque celui-ci a commencé à souffrir de dyspnées et lui a rendu de nombreuses visites lorsqu'il était hospitalisé à Toulouse. Il a été fait une juste appréciation par les premiers juges de ce préjudice, consistant en une perturbation temporaire du mode de vie de l'intéressée, en l'évaluant à 1 000 euros et en allouant à Mme C... la somme de 75 euros après application du taux de perte de chance et compte tenu du partage de responsabilité.
Quant au préjudice d'affection :
14. Il a par ailleurs été fait une juste appréciation par les premiers juges du préjudice d'affection subi par Mme C... en l'évaluant à 20 000 euros et en lui allouant à ce titre la somme de 1 500 euros, après application du taux de perte de chance et compte tenu du partage de responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices propres du fils de M. C... :
Quant au préjudice d'affection :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi du fait du décès par le fils de M. E... C..., âgé de 31 ans, en évaluant ce dernier à 6 000 euros, soit 450 euros après application du taux de perte de chance et compte tenu du partage de responsabilité.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise médicale complémentaire, que seul le centre hospitalier Comminges Pyrénées doit être condamné, d'une part, à indemniser les consorts C... à hauteur des sommes de 750 euros pour les ayants droits de M. C..., de 1 575 euros à allouer à son épouse et de 450 euros à allouer à son fils, lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2018, d'autre part, à rembourser à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, aux droits de laquelle succède RSI Harmonie Mutuelle, la somme de 17 585,02 euros.
Sur les dépens :
17. Compte tenu de ce qui précède la somme de 2 470 euros correspondant aux frais de l'expertise, liquidés et taxés par l'ordonnance du 31 juillet 2017 du président du tribunal administratif de Paris, est mise à la charge exclusive du centre hospitalier Comminges Pyrénées.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP et du centre hospitalier Comminges Pyrénées, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demandent les consorts C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1807726/6-2 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il a fait droit aux demandes des consorts C... et de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants dirigées contre l'Assistance publique - hôpitaux de Paris.
Article 2 : La somme de 750 euros que le centre hospitalier Comminges Pyrénées a été condamné à verser à M. E... C... en réparation de son préjudice propre est ramenée à celle de 450 euros portant intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2018.
Article 3 : La somme de 17 959,71 euros que le centre hospitalier Comminges Pyrénées a été condamné à rembourser à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, à laquelle succède RSI Harmonie Mutuelle, est ramenée à 17 585,02 euros et mise à sa charge exclusive.
Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés par une ordonnance du 31 juillet 2017 à la somme 2 470 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier Comminges Pyrénées.
Article 5 : Le jugement n° 1807726/6-2 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., à M. E... C..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, au centre hospitalier Comminges Pyrénées, à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et à RSI Harmonie Mutuelle.
Délibéré après l'audience publique du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe 29 avril 2022.
La rapporteure,
M-D A...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02672