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29/04/2022 | FRANCE | N°20PA02140

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 avril 2022, 20PA02140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 22 décembre 2017 par lesquelles la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet de recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 avril 2017 et autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1801385 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 22 décembre 2017 de la ministre du travail.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 6 août 2020, et des mémoires en réplique et récapitulatif, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 22 décembre 2017 par lesquelles la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet de recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 avril 2017 et autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1801385 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 22 décembre 2017 de la ministre du travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, et des mémoires en réplique et récapitulatif, enregistrés le 29 avril 2021, le 9 septembre 2021 et le 30 septembre 2021, la société Planet Hollywood France LC, représentée par Me Gulmez, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801385 du 1er juillet 2020 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a annulé les décisions de la ministre du travail annulant la décision du 12 avril 2017 de l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement de M. C... ;

2°) de rejeter la demande de M. C... devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les poursuites disciplinaires initiées à l'encontre de M. C... ne sont pas entachées de prescription ;

- la décision de retrait de sa décision implicite de son recours hiérarchique par la ministre du travail est régulière ;

- le principe du contradictoire a été respecté ;

- les faits reprochés au salarié sont établis, sont d'une gravité suffisante et lui sont bien imputables.

Par des mémoires, enregistrés le 28 février 2021 et le 1er mars 2021, M. C..., représenté par Me Baudin-Vervaecke, doit être regardé comme demandant à la cour de rejeter la requête et de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la société Planet Hollywood France LC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le délai de retrait de quatre mois pour que la ministre du travail annule la décision de l'inspecteur du travail n'a pas été respecté ;

- la décision de retrait de sa décision implicite par la ministre du travail est illégale pour être insuffisamment motivée ;

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

- les poursuites disciplinaires sont entachées de prescription ;

- la matérialité et l'imputabilité des faits reprochés ne sont pas établies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut à l'annulation du jugement du 1er juillet 2020 du tribunal administratif de Melun et au rejet de la demande de M. C... devant ce tribunal en se référant à ses observations de première instance.

Par ordonnance du 1er octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gulmez représentant la société Planet Hollywood France LC.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été recruté le 14 mars 2011 par la société Planet Hollywood LC - gestionnaire d'un restaurant du même nom situé au Disney Village à Chessy - en qualité de commis de salle/cuisine, puis à compter du 18 juillet 2011 en qualité de serveur. Il a été élu membre titulaire du comité d'entreprise le 23 juin 2014. Le 19 décembre 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé le 13 janvier 2017. Après avis défavorable du 16 février 2017 du comité d'entreprise, par un courrier du 28 février 2017 reçu le 1er mars, son employeur a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de son licenciement, refusée par décision du

12 avril 2017. Par courrier parvenu à sa destinataire le 15 mai 2017, la société Planet Hollywood LC a formé un recours hiérarchique contre cette décision auprès de la ministre du travail. Par décisions du 22 décembre 2017, celle-ci a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 avril 2017 et a autorisé le licenciement du salarié. La société Planet Hollywood LC relève appel du jugement du 1er juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 22 décembre 2017 de la ministre du travail.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont matériellement avérés puis, cette condition étant satisfaite, si ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " (...) le juge, à qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties (...) Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

3. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports d'audit interne et externes, qu'un système frauduleux a été mis en œuvre courant 2014 impliquant plusieurs employés en salle, consistant à détourner des sommes issues de règlements de clients en espèces pour un préjudice de la société estimé à plus de 90 000 euros, M. C... a toujours contesté y avoir participé. Alors même que les auditeurs ont rendu leurs conclusions sur la base de calculs de probabilité sans être en mesure d'identifier nommément les salariés impliqués, il ressort des pièces du dossier que l'identification de certains de ces derniers a été effectuée à l'aide du numéro de badge utilisé, au motif qu'il leur était personnellement attribué. Pour autant, la preuve du lien certain entre cet employé et le numéro de badge attribué ne saurait être regardée comme irréfutablement établie dès lors qu'il résulte des pièces produites que, dans un contexte de pénurie de supports ou faute de temps pour en établir de nouveaux par la direction, les " badges " à trois chiffres permettant l'accès au système d'encaissement n'étaient pas strictement personnels ni confidentiels et, qu'avant le

15 juillet 2015, leurs trois numéros ont ainsi pu indifféremment être utilisés par des tiers, à l'insu de leurs titulaires. Il s'en infère qu'à la date des faits, le système de badges mis en place ne permettait pas de s'assurer, sans qu'un doute ne soit permis, que son badge nominatif était personnellement et exclusivement utilisé par M. C.... Dès lors qu'un doute subsiste sur le grief à l'origine de la procédure de licenciement, l'article L. 1235-1 précité du code du travail faisait obligation à l'inspecteur du travail et la ministre du travail de le regarder comme n'étant pas matériellement établi.

4. Il résulte de ce qui précède que la société requérante et la ministre du travail ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé les décisions du 22 décembre 2017 de la ministre du travail.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Planet Hollywood France LC demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Planet Hollywood France LC la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Société Planet Hollywood LC et les conclusions de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sont rejetées.

Article 2 : La société Planet Hollywood France versera la somme de 1 500 euros à M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Planet Hollywood LC à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. A... C....

Délibéré après l'audience publique du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe 29 avril 2022.

La rapporteure,

M-D B...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02140


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02140
Date de la décision : 29/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : AAZ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-29;20pa02140 ?
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