Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 22 décembre 2017 par lesquelles la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet de recours hiérarchique, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 avril 2017 et autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1801201 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 22 décembre 2017 de la ministre du travail.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, et des mémoires en réplique et récapitulatif, enregistrés le 9 septembre 2021 et le 29 septembre 2021, la société Planet Hollywood France LC, représentée par Me Gulmez, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ;
A titre subsidiaire,
2°) d'annuler le jugement n° 1801201 du 1er juillet 2020 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il a annulé les décisions de la ministre du travail annulant la décision du 12 avril 2017 de l'inspecteur du travail et autorisant le licenciement de Mme C... ;
3°) de rejeter la demande de Mme C... devant ce tribunal ;
4°) de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer et d'attendre l'issue de la procédure pénale ;
- le moyen soulevé par Mme C... tiré de l'insuffisance de la motivation est irrecevable pour être soulevé pour la première fois en appel alors qu'il relève d'une cause juridique distincte des moyens invoqués en première instance ;
- les moyens soulevés en première instance par Mme C... ne sont pas fondés ;
- la matérialité, l'imputabilité et la gravité des faits de vol ou de manœuvres frauduleuses reprochés à la salariée sont établis.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut à l'annulation du jugement du 1er juillet 2020 du tribunal administratif de Melun et au rejet de la demande de Mme C... devant ce tribunal en se référant à ses observations de première instance.
Par un mémoire, enregistré le 11 août 2021, Mme C..., représentée par Me Saada, demande à la cour : à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale et, à titre subsidiaire, de rejeter la requête et de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la société Planet Hollywood France LC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une procédure pénale est actuellement en cours suite à la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Planet Hollywood France LC à son encontre et il est de l'intérêt d'une bonne justice d'attendre l'issue des investigations menées au pénal et de suivre leur cours avant de statuer ;
- la décision de la ministre du travail autorisant son licenciement n'est pas suffisamment motivée et révèle un examen insuffisant de sa situation ;
- elle est entachée d'erreurs de fait, de qualification juridique des faits quant à leur matérialité et leur imputabilité ;
- si les faits devaient être regardés comme établis, ils ne sont en tout état de cause pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement.
Par ordonnance du 1er octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Gulmez représentant la société Planet Hollywood France LC et de Me Van der Vlist représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a été recrutée le 8 octobre 2000 par la société Planet Hollywood LC - gestionnaire d'un restaurant du même nom situé au Disney Village à Chessy - en qualité de commis de salle/cuisine à compter du 5 février 2007, de serveuse à compter du 5 février 2007, puis sur un poste de responsable de salle/superviseur le 4 mai 2015. Elle a été élue membre titulaire du comité d'entreprise le 23 juin 2014. Le 19 janvier 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé le 26 janvier 2017. Après avis défavorable du 15 février 2017 du comité d'entreprise, par un courrier du 28 février 2017 reçu le 1er mars, son employeur a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de son licenciement, refusée par décision du 12 avril 2017. Par courrier parvenu à sa destinataire le 15 mai 2017, la société Planet Hollywood LC a formé un recours hiérarchique contre cette décision auprès de la ministre du travail. Par décisions du
22 décembre 2017, celle-ci a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 12 avril 2017 et a autorisé le licenciement de la salariée. La société Planet Hollywood LC relève appel du jugement du 1er juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé les décisions du 22 décembre 2017 de la ministre du travail.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont matériellement avérés puis, cette condition étant satisfaite, si ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. En outre, aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " (...) le juge, à qui il appartient d'apprécier (...) le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties (...) Si un doute subsiste, il profite au salarié ".
3. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports d'audit interne et externes, qu'un système frauduleux a été mis en œuvre courant 2014 impliquant plusieurs employés en salle, consistant à détourner des sommes issues de règlements de clients en espèces pour un préjudice de la société estimé à plus de 90 000 euros, Mme C... a toujours contesté y avoir participé. Alors même que les auditeurs ont rendu leurs conclusions sur la base de calculs de probabilité sans être en mesure d'identifier nommément les salariés impliqués, il ressort des pièces du dossier que l'identification de certains de ces derniers a été effectuée à l'aide du numéro de badge utilisé, au motif qu'il leur était personnellement attribué. Pour autant, outre que des incohérences ont été mises en évidence s'agissant du badge n° 249 attribué à Mme C... dès lors qu'au vu des plannings produits celle-ci était absente au moment d'opérations pour lesquelles il a été utilisé, surtout, la preuve du lien certain entre cette employée et le numéro de badge attribué ne saurait être regardée comme irréfutablement établie dès lors qu'il résulte des pièces produites que, dans un contexte de pénurie de supports ou faute de temps pour en établir de nouveaux par la direction, les " badges " à trois chiffres permettant l'accès au système d'encaissement n'étaient pas strictement personnels ni confidentiels et, qu'avant le 15 juillet 2015, leurs trois numéros ont ainsi pu indifféremment être utilisés par des tiers, à l'insu de leurs titulaires. Il s'en infère qu'à la date des faits, le système de badges mis en place ne permettait pas de s'assurer, sans qu'un doute ne soit permis, que son badge nominatif était personnellement et exclusivement utilisé par Mme C.... Dès lors qu'un doute subsiste sur le grief à l'origine de la procédure de licenciement, l'article L. 1235-1 précité du code du travail faisait obligation à l'inspecteur du travail et la ministre du travail de le regarder comme n'étant pas matériellement établi.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du juge judiciaire sur l'action pénale initiée par la société Planet Hollywood France LC, que la société requérante et la ministre du travail ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé les décisions du 22 décembre 2017 de la ministre du travail.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Planet Hollywood France LC demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Planet Hollywood France LC la somme de 1 500 euros à verser à Mme C... au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Société Planet Hollywood LC et les conclusions de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sont rejetées.
Article 2 : La société Planet Hollywood France versera la somme de 1 500 euros à Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Planet Hollywood LC, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à Mme B... C....
Délibéré après l'audience publique du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe 29 avril 2022.
La rapporteure,
M-D A...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULINLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02125