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28/04/2022 | FRANCE | N°20PA03994

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 28 avril 2022, 20PA03994


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;

- la loi n° 2016-1887 du 28 décembre 2016 relative à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle ;

- la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 ;

- l'ordonnance n° 201

6-157 du 18 février 2016 relative à la réalisation d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et l'aéroport Pari...

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;

- la loi n° 2016-1887 du 28 décembre 2016 relative à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle ;

- la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 ;

- l'ordonnance n° 2016-157 du 18 février 2016 relative à la réalisation d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle ;

- le décret n° 2018-165 du 6 mars 2018 relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle et pris pour l'application de l'article L. 2111-3 du code des transports ;

- le décret du 14 février 2019 approuvant le contrat de concession de travaux passé entre l'État et la société mentionnée à l'article L. 2111-3 du code des transports pour la conception, le financement, la réalisation ou l'aménagement, l'exploitation ainsi que la maintenance, comprenant l'entretien et le renouvellement, d'une infrastructure ferroviaire entre Paris et l'aéroport Paris - Charles-de-Gaulle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- les observations de M. A... pour le ministre de la transition écologique,

- les observations de Me Jeannel, avocat de la commune de Mitry-Mory,

- les observations de Me Lordonnois, avocat de la Société gestionnaire d'infrastructures CDG Express,

- les observations de Me Aubert, avocat de la société SNCF Réseau,

- et les observations de Me Cambus, avocat de la société Aéroports de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté inter-préfectoral du 31 mars 2017, le préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, le préfet de la Seine-Saint-Denis et le préfet de Seine-et-Marne ont modifié l'arrêté inter-préfectoral n° 2008/2250 du 19 décembre 2008 et déclaré d'utilité publique le projet amendé de liaison ferroviaire directe " Charles de Gaulle Express " entre Paris-Gare de l'Est et l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, d'une longueur totale de 32 kilomètres, dont le tracé emprunte les voies de la ligne La Plaine Saint-Denis-Hirson de la Chapelle jusqu'à Mitry-Mory puis de nouvelles voies ferrées sur un linéaire d'environ 8 kilomètres. Dans la mesure où la réalisation de ces travaux ainsi que l'exploitation de la ligne impliquent la destruction ou la perturbation de certains spécimens d'espèces protégées et de leurs milieux d'habitat naturel, en principe interdites par l'article L. 411-1 du code de l'environnement, entraînent des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines et une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, au sens des articles L. 214-1 et suivants du même code, et sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, au sens de l'article L. 414-4 de ce code, ces mêmes autorités, auxquelles s'est joint le préfet du Val d'Oise, ont, par un arrêté n° 2019-0386 du 11 février 2019, accordé l'autorisation environnementale unique, prévue par l'article L. 181-1 du code de l'environnement, relative à la création et l'exploitation du projet de liaison ferroviaire directe " Charles de Gaulle Express " entre Paris Gare de l'Est et l'aéroport Paris Charles de Gaulle.

2. La commune de Mitry-Mory ayant demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer l'annulation de cet arrêté interpréfectoral, cette juridiction a fait partiellement droit aux conclusions de la commune en annulant, par son jugement du 9 novembre 2020, cet arrêté en tant seulement qu'il autorise la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Devant la Cour, le ministre de la transition écologique, la société SNCF Réseau et la Société gestionnaire d'infrastructures " Charles de Gaulle Express " relèvent appel de ce jugement et en demandent l'annulation en tant qu'il a prononcé l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il autorise la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par un arrêt

n° 20PA03995, 20PA04047, 20PA04055 du 18 mars 2021, la Cour a, à la demande des mêmes requérants, prononcé, dans cette mesure, le sursis à l'exécution dudit jugement. Enfin, la commune de Mitry-Mory relève également appel du même jugement et demande à la Cour d'en prononcer l'annulation en tant seulement qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre ledit arrêté.

3. Les requêtes nos 20PA03994, 20PA04034, 20PA04054 et 21PA00102 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur les interventions de la société Aéroports de Paris :

4. La société Aéroports de Paris a intérêt à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il annule partiellement l'arrêté inter-préfectoral du 11 février 2019. Ses interventions au soutien des requêtes n°20PA03994 du ministre de la transition écologique et n° 20PA04054 de la Société gestionnaire d'infrastructures CDG Express peuvent donc être admises.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. En premier lieu, la minute du jugement attaqué comporte les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative.

6. En second lieu, le jugement attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motivation, en ce qu'il a regardé comme fondé le moyen tiré de l'absence de raison impérative d'intérêt public majeur permettant légalement d'accorder une dérogation à l'interdiction de porter atteinte à des espèces protégées. Les critiques portées à cet égard sur cette motivation relèvent en réalité du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

7. L'ensemble des moyens articulés à l'encontre de la régularité du jugement doivent donc être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, l'autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne les conclusions des requêtes d'appel de l'État, de SNCF Réseau et de la société Gestionnaire d'infrastructure " Charles de Gaulle Express " :

9. L'article L. 411-1 du code de l'environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d'espèces animales non domestiques, l'interdiction de " 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions qu'un projet d'aménagement ou de construction d'une personne publique ou privée susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s'il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économique et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. En présence d'un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d'une part, il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et, d'autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

11. L'arrêté interpréfectoral contesté du 11 février 2019 expose que le projet de " Charles de Gaulle Express " relève d'une raison impérative d'intérêt public majeur aux motifs qu'il vise à améliorer la desserte de l'aéroport par les transports en commun, à décongestionner le réseau existant, à soutenir le développement économique de l'agglomération francilienne, et à faciliter l'interconnexion entre les différents modes de transport.

12. Il ressort de l'instruction que l'aéroport Paris Charles de Gaulle est le deuxième aéroport européen en nombre de voyageurs et en trafic, qu'il a connu une croissance soutenue depuis de nombreuses années, qu'il dispose encore de possibilités matérielles d'extension, et que le constat d'un défaut d'adaptation de ses actuelles conditions de desserte a été fait de longue date, tant en ce qui concerne la saturation des axes routiers, conduisant à des trajets à la durée incertaine, que la longueur des trajets réalisés par la ligne B du RER, aggravé par le caractère insuffisamment fréquent des convois directs et ce, alors que le transport des voyageurs à destination de l'aéroport n'a pas été spécifiquement intégré dans la conception et l'exploitation de cette ligne du RER, et qu'il en résulte des nuisances sur le confort et les conditions de transport de l'ensemble des usagers de la ligne. Dans ces conditions, et alors même que prévisions de fréquentation du " Charles de Gaulle Express " portent sur une fréquentation quotidienne de l'ordre 20 000 passagers à la mise en service prévue en 2025, tandis 900 000 personnes empruntent quotidiennement la ligne B du RER, le report de trafic des passagers à destination de l'aéroport vers la nouvelle ligne expresse peut être raisonnablement regardé comme de nature à améliorer les conditions de circulation et de confort pour l'ensemble des usagers du réseau public, en limitant les incidents, et alors en outre que le projet a lui-même été modifié pour ne pas obérer les solutions de repli du trafic du RER dans le cas de perturbations. En outre, la concession de travaux prévoit la réalisation de travaux sur les voies existantes empruntées par le TER et sur des ouvrages communs aux voies empruntées par ce TER, le transilien et la ligne B du RER comme par le " Charles de Gaulle Express " projeté, et une participation financière du concessionnaire à d'autres travaux à destination " des transports en commun du quotidien ".

13. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contestable que la mise en place d'une desserte spécifiquement dédiée et conçue pour les voyageurs à destination et de retour de l'aéroport Paris Charles de Gaulle, présentant des caractéristiques d'accès aisé, de haut niveau de régularité et de ponctualité sera de nature à améliorer l'image, l'attractivité et la compétitivité de cet aéroport et plus généralement à renforcer l'attractivité touristique de Paris et sa région pour l'ensemble des voyageurs intéressés.

14. Il n'apparaît pas que présente en l'espèce un caractère suffisamment pertinent l'argument tenant à l'impossibilité de prévoir une date de reprise de la croissance du trafic aérien interrompue par la crise sanitaire alors, d'une part, que l'aéroport comporte également une gare SCNF et que le " Charles de Gaulle Express " paraît également susceptible de présenter un intérêt pour les voyageurs non aériens et que, d'autre part, et comme il a déjà été dit, ce projet vise à répondre à une situation de saturation existant de longue date, à laquelle le retour ultérieur à la fréquentation que l'aéroport a connue jusqu'en 2019 continuerait de se heurter. Par ailleurs, si les perspectives de reprise du trafic aérien à court terme demeurent incertaines, il ressort de l'instruction que doivent être regardées comme plausibles les prévisions de retour à un niveau comparable à celui antérieur à 2019 pour les années 2024-2025, eu égard notamment à des comparaisons fondées sur l'évolution constatée après des crises majeures du secteur aérien telles que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 et la crise financière de 2008, et sur les constats de reprise au même niveau de ce trafic dans des pays déjà libérés des contraintes liées à la crise sanitaire.

15. Dès lors que le projet contesté porte sur la réalisation d'une infrastructure de long terme, s'inscrivant dans le modèle existant de mondialisation économique et d'une économie nationale reposant pour une large part sur le tourisme, les incertitudes actuelles afférentes à la reprise du trafic aérien ne sauraient permettre de dénier à ce projet le caractère de raison impérative d'intérêt public majeur au sens des dispositions législatives précitées.

16. En outre, et en tout état de cause, il est constant que le législateur, à cinq reprises, a adopté des dispositions relatives à la réalisation d'une liaison ferroviaire expresse entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, et qu'une habilitation consentie par lui au Gouvernement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution a conduit à la prise d'une ordonnance aux mêmes fins. Le Conseil d'État statuant au contentieux a, par un arrêt n° 411086, 411154 du 22 octobre 2018, regardé comme légalement fondée la déclaration d'utilité publique du projet, aux motifs notamment des bénéfices attendus du projet, qui permettra notamment d'améliorer la desserte de l'aéroport international Charles-de-Gaulle, le deuxième aéroport européen, et de le doter d'une liaison directe, rapide et assurant un haut niveau de ponctualité, à l'instar des dessertes d'aéroports internationaux d'autres États membres de l'Union européenne, de favoriser le développement économique régional et national, en contribuant à la compétitivité de la région Ile-de-France et de Paris ainsi qu'à la réussite des Jeux Olympiques de 2024 et de s'inscrire, par un mode de transport plus respectueux de l'environnement limitant le recours aux transports routiers, dans le cadre d'un développement durable.

17. Il résulte de ce qui précède que les premiers juges, en déniant au projet contesté le caractère de raison impérative d'intérêt public majeur au sens et pour l'application des dispositions citées au point 7, ont commis sur ce point une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'effet dévolutif de l'appel :

18. En premier lieu, il appartient à la Cour d'apprécier si les autres moyens articulés par la commune de Mitry-Mory à l'encontre de l'arrêté litigieux, en tant qu'il accorde la dérogation prévue au I de L. 411-2 du code de l'environnement sont ou non de nature à justifier le maintien de la solution d'annulation retenue par le tribunal administratif de Montreuil.

19. D'une part, s'agissant de l'absence d'une autre solution satisfaisante, la commune soutient que l'aéroport Paris Charles de Gaulle bénéficie déjà d'une desserte ferroviaire assurée par la ligne B du RER, dont certains des trains sont directs, et qu'il est en outre prévu de le faire desservir par la future ligne 17 de métro. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces infrastructures ne répondent pas à l'objectif d'une desserte directe entre l'aéroport et Paris, dédiée aux voyageurs à destination ou en retour de l'aéroport avec leurs bagages et répondant à leurs attentes en termes de confort, de simplicité et de fiabilité, tandis que la ligne B du RER et la ligne 17 du métro devront quant à elles répondre à des besoins croissants résultant du développement de zones commerciales, et de services aux alentours notamment de l'aéroport (Aéroville, zone trafic cargo, centre de congrès et d'affaires...), ces deux types de transport n'apparaissant ni équivalents, ni interchangeables. En outre, il est constant que la ligne B du RER connait une situation de saturation et de vieillissement à laquelle il ne pourrait être remédié que par des travaux et des investissements d'ampleur, dont l'instruction ne permet pas de déterminer qu'ils constitueraient une solution moins préjudiciable pour la protection des espèces et de leurs habitats que le projet contesté. Dès lors, il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait une solution alternative satisfaisante constituée par des simples perspectives d'une amélioration notable des infrastructures existantes.

20. D'autre part, s'agissant du maintien des espèces dans un état de conservation favorable, la commune de Mitry-Mory soutient que l'état de conservation déjà défavorable de certaines espèces du cortège des milieux boisés et bocageux sera encore dégradé en raison de l'augmentation du nombre de trains, dont la circulation perturbera davantage les oiseaux, eu égard aux risques de collisions et de perturbations par le bruit et la luminosité, et en l'absence de mesures d'évitement, de réduction ou de compensation pour les zones E4-E5 (bois de la Tussion et parc forestier de la Poudrerie). Il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne les populations d'oiseaux, la dérogation accordée par l'arrêté litigieux ne porte pas sur la destruction d'individus, mais sur les perturbations et destructions d'habitats, les enjeux ayant été regardés comme faibles dans l'étude environnementale eu égard au caractère peu utilisé des zones d'habitat concernées et aux possibilités de déport, et alors que le projet comporte effectivement des mesures d'évitement, telles que l'absence de travaux dans certaines des zones les plus sensibles et leur limitation à la seule reprise des voies existantes pour les zones E4-E5, des mesures de réduction telles que la conception en déblai des ouvrages pour limiter les risques de collision, la remise des lieux libérés après achèvement des travaux dans un état favorable et des mesures de compensation telles que la remise en état de terrains situés à proximité et utilisés pour accueillir la faune et la flore avant le début des travaux. Alors que l'étude environnementale conclut que les atteintes portées aux habitats d'espèces protégées et la perturbation de ces espèces du fait du projet ne nuiront pas au maintien dans un état de conservation favorable de ces espèces dans leur aire de répartition, la commune se borne à critiquer cette conclusion au motif qu'elle ne serait pas étayée, mais n'apporte pour sa part aucun élément utile pour la contredire, et ne critique davantage la méthodologie retenue, laquelle repose exclusivement sur les compensations d'habitats. Dès lors, le moyen tel qu'il est articulé ne peut qu'être écarté.

21. En second lieu, il y a lieu pour la Cour de se prononcer sur le moyen, présenté par la commune de Mitry-Mory devant les premiers juges, tiré de vices affectant la régularité de l'enquête publique, dès lors que ce moyen, s'il était fondé, serait de nature à entacher d'illégalité l'ensemble de l'arrêté litigieux.

22. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision ". S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et à la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

23. D'une part, aux termes de l'article R. 123-11 du code de l'environnement : " un avis (...) est publié quinze jours au moins avant le début de l'enquête et rappelé dans les huit premiers jours de celle-ci dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés ".

24. Il résulte de l'instruction que l'avis informant le public de la tenue de l'enquête, qui s'est déroulée du 22 octobre au 29 novembre 2018, a été publié, d'une part, le 1er octobre 2018 dans l'hebdomadaire La Marne, le 2 et le 3 octobre suivant dans les quotidiens Les Echos et Aujourd'hui en France et dans les éditions des départements concernés du Parisien et des Échos, et, d'autre part, le 23 octobre 2018, dans les éditions des départements concernés du Parisien, du quotidien Les Échos et dans l'hebdomadaire La Marne. Par ailleurs, il est constant que

260 observations du public ont été recueillies par la commission d'enquête. Par suite, à supposer même que les dispositions précédentes prévoient la publication de l'avis d'enquête publique dans deux journaux régionaux ou locaux dans chaque département concerné, il ne résulte pas de l'instruction que les conditions dans lesquelles cet avis a été porté à la connaissance de la population auraient été de nature à nuire à la publicité de l'enquête publique.

25. D'autre part, et contrairement à ce que soutenait la commune de Mitry-Mory devant le tribunal administratif de Montreuil, une permanence a été tenue à Roissy-en-France le

19 novembre 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que la population du Val d'Oise n'a pas été mise à même de présenter ses observations en présence de la commission d'enquête ou de l'un de ses membres manque, en tout état de cause, en fait.

26. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique, la société Aéroports de Paris, la société SNCF Réseau et la Société gestionnaire d'infrastructures CDG Express sont fondés à soutenir que doit être annulé l'article 1er du jugement attaqué qui prononce l'annulation de l'arrêté inter-préfectoral n° 2019-0386 des préfets de Paris, de la Seine-Saint-Denis, de la Seine-et-Marne et du Val d'Oise en date du 11 février 2019.

En ce qui concerne les conclusions de la requête d'appel de la commune de Mitry-Mory :

Quant à la légalité externe de l'arrêté attaqué :

- S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de l'analyse de l'état initial et de l'impact du projet sur la ressource en eau et sur le risque d'inondation :

27. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

28. La commune de Mitry-Mory critique le projet eu égard à la présence du ru du Croult Cul, situé sur son territoire et dont le cours est déjà franchi par des ouvrages ferroviaires, à proximité duquel des travaux sont prévus, leur réalisation nécessitant le pompage d'eaux d'exhaure, en provenance de la nappe qui l'alimente, tandis qu'il est prévu d'y rejeter les eaux d'exhaure par temps sec afin de reconstituer son débit asséché par le pompage et alors que, par temps de pluie, ces rejets seront partagés entre le ru et le canal de l'Ourcq, un rejet exclusif vers le canal étant prévu lorsque la cote maximale du ru sera atteinte.

29. La commune requérante soutient que les précisions apportées par le pétitionnaire sur les aménagements réalisés à proximité du ru du Croult-Cul seraient partielles et ne permettraient pas de lever les insuffisances de l'étude d'impact. Elle allègue que, comme l'aurait constaté l'autorité environnementale, la description du projet et l'analyse de ses impacts sur les eaux superficielles ne font pas apparaître les ouvrages projetés en zone F et leur proximité avec le ru du Croult-Cul et n'étudient pas les risques d'accident susceptibles de survenir alors qu'un accident a été constaté le 31 octobre 2019.

30. Il résulte de l'instruction, que, contrairement à ce qui est allégué par la commune requérante, les aménagements à réaliser à proximité du ru du Croult-Cul en zone F sont suffisamment détaillés, alors même que, si l'autorité environnementale a effectivement recommandé au pétitionnaire de décrire plus précisément les travaux et installations y relatives dans son rapport, cette recommandation d'ordre général n'avait pas précisément trait à la zone F du projet, et n'impliquait pas que des précisions plus fines y fussent apportées s'agissant spécifiquement de ladite zone F, dès lors que les relations entre ce projet et le ru du Croult-Cul étaient déjà précisément décrites dans l'étude d'impact, dans laquelle il a été relevé que, si le tracé du projet " Charles de Gaulle Express " intercepte le Croult Cul sur la limite communale entre Villeparisis et Mitry-Mory, en zone F, ce ru est déjà rétabli sous la plateforme ferroviaire actuelle par un ouvrage hydraulique, que le réaménagement des voies sur la zone F n'intervient que quelques dizaines de mètres plus à l'Est du rétablissement hydraulique actuel du ruisseau, et que le projet ne nécessite aucune modification ou intervention sur cet ouvrage hydraulique existant. Si, eu égard à la circonstance que le ru du Croult Cul se trouve à l'air libre en aval de la plateforme ferroviaire, le chantier pourrait, de façon indirecte, avoir un impact au travers de la circulation des engins ou de l'implantation de la base chantier, les zones envisagées à cette dernière fin sont localisées à l'écart des berges du ru, et alors que la piste d'exploitation est déjà existante et qu'un ouvrage hydraulique rétablit déjà le ru. En outre, l'ensemble des aménagements à réaliser durant la phase de travaux, généraux puis spécifiques à la zone F, sont décrits dans le volet B1 de l'étude d'impact et sont par ailleurs également décrits dans son volet B4 de l'étude d'impact, laquelle était ainsi suffisamment complète. En tout état de cause, le maître d'ouvrage a apporté des précisions sur ce point dans son mémoire en réponse qui décrit plus précisément les caractéristiques de l'assainissement à l'aide de plusieurs plans, et aussi les surfaces d'occupation temporaires prévues dans la section Jonction et Aéroport, qui comprend la zone F.

31. Il résulte également de l'instruction que, pour ce qui concerne les conséquences des travaux et des rejets d'eaux d'exhaure en termes de risques d'inondation, l'étude d'impact y consacre des développements suffisants, en son volet B4, analysant l'évolution des surfaces imperméabilisées et des ouvrages du fait des travaux, susceptibles d'interférer sur l'écoulement des eaux pluviales en particulier, en quantifiant ces effets et en les rapportant aux capacités des ouvrages de rétention et collecte des eaux, et qu'y sont abordés les risques susceptibles de résulter de débordements du ru, considérés comme nuls, ou des écoulements naturels, y compris en phase chantier, regardés comme modérés à raison de la mise en place de bassins, fossés, réseau de drainage et autres systèmes d'écrêtement en phase exploitation, ou des eaux pluviales, regardés comme faibles.

32. La commission d'enquête a d'ailleurs conclu que : " Comme vu plus haut, les impacts sur les eaux du Croult Cul sont bien étudiés dans le dossier et des engagements sont pris en cas de perturbations conséquentes des eaux de ce ru. ". Par ailleurs, la circonstance que l'effondrement d'un mur de soutènement le 31 octobre 2019 a provoqué le déversement accidentel de béton dans ce ru n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer que l'étude d'impact aurait insuffisamment décrit les incidences négatives ou les risques du projet sur la ressource en eau. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude de l'étude d'impact sur ce point doit être écarté.

- S'agissant du moyen tiré des lacunes de l'évaluation de la consommation énergétique :

33. La commune de Mitry-Mory soutient que l'étude d'impact méconnaîtrait les dispositions du III de l'article R. 122-5 du code de l'environnement relatif à la consommation énergétique résultant de l'exploitation du projet. Elle allègue que l'étude impact est insuffisante car elle aurait nécessairement dû prendre en compte les effets " rebonds " du projet tenant notamment à une augmentation du trafic aérien.

34. Aux termes du III de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " Pour les infrastructures de transport visées aux 5° à 9° du tableau annexé à l'article R. 122-2, l'étude d'impact comprend, en outre : / (...) / - une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité. (...) ; / (...). ".

35. D'une part, il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, notamment du point " Evaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet " du volet B4, que l'étude analyse les effets attendus de l'exploitation du " Charles de Gaulle Express " sur les consommations énergétiques et sur la production de gaz à effet de serre. D'autre part, si la commune requérante estime que les conclusions mentionnées par l'étude sont inexactes dès lors qu'elles ne prennent pas en considération l'effet " rebond " qu'aurait le projet sur d'autres formes de trafic, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la suffisance de l'information contenue dans l'étude d'impact qui a clairement explicité la méthodologie retenue. Enfin, si cette méthodologie repose notamment sur l'hypothèse selon laquelle le développement du trafic aérien est une donnée exogène, qui ne dépend pas du projet litigieux, la commune requérante n'apporte aucun élément de nature à établir le caractère invalide de ce postulat. En appel, la commune requérante n'apporte pas davantage d'éléments de nature à convaincre la Cour d'un quelconque impact de la réalisation du projet litigieux sur l'augmentation du trafic aérien, alors en outre, et en tout état de cause, qu'il ne saurait s'inférer des dispositions précitées du quatrième alinéa du III de l'article R. 122-5 du code de l'environnement qu'elles visent d'autres pollutions et nuisances que celles directement induites par le projet, sauf à leur conférer une portée qui aurait pour effet de rendre impossible la rédaction de la moindre étude d'impact. La première branche du moyen doit donc être écartée.

36. D'autre part, il résulte de l'instruction que la question d'un éventuel " effet-rebond " du projet contesté sur le trafic routier est abordée dans le dossier d'évaluation socio-économique qui comprend une étude de trafic " ayant pris en compte, afin d'évaluer le report modal résultant du projet, les effets de reports d'itinéraires de véhicules qui n'auraient pas utilisé ces axes [...] du fait de leur congestion, c'est-à-dire l'effet rebond ". La seconde branche du moyen manque donc en fait et doit être écartée.

- S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur la gestion des déchets issus du projet :

37. La commune requérante soutient que l'étude d'impact serait insuffisante dans la mesure où elle ne préciserait pas suffisamment les modalités de gestion des déchets de chantier, et tout particulièrement leur exutoire, en l'absence de définition des lieux de stockage des déchets, et qu'elle ne préciserait pas par qui et selon quelles modalités les déchets seront pris en charge.

38. Si l'article L. 541-1 du code de l'environnement dispose que : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. / Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. ", ni l'article R. 122-5 du code de l'environnement relatif au contenu de l'étude d'impact, ni aucune autre disposition n'impose que cette étude précise les exutoires retenus pour les déchets d'un chantier. Le moyen doit donc être écarté comme inopérant.

39. Au demeurant et en tout état de cause, l'étude d'impact détaille toutefois dans ses volets B1 et B4 les quantités de déblais et de déchets, les différentes catégories et les modes de prise en charge en fonction de leurs caractéristiques ; y sont exposées les mesures prises pour limiter en particulier l'ampleur des déblais à éliminer, et notamment la conception des ouvrages, les mesures pour le réemploi sur site et recherches de projet permettant la valorisation hors site, le volet B4 exposant les mesures envisagées pour limiter les impacts liés à l'évacuation même des déchets tandis que le volet B1 identifie les installations de stockage ou de traitement des déchets les plus proches du projet.

Quant à la légalité interne de l'arrêté attaqué :

40. La commune de Mitry-Mory soutient que l'autorisation au titre de la " loi sur l'eau " délivrée sur le fondement de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, est incompatible avec le schéma d'aménagement et de gestion des eaux Croult-Enghien-Vieille Mer, et méconnait ainsi l'article L. 212-5-2 du code de l'environnement et porte atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 181-3 du code de l'environnement, et n'aurait pas dû être délivrée, d'une part, en raison de l'absence de l'étude complémentaire annoncée portant sur le ru du Croult Cul, qui n'a pas permis à l'autorité compétente de s'assurer de la prévention du risque d'inondation, et, d'autre part, dès lors que la prescription visant à rejeter les eaux d'exhaure dans le Canal de l'Ourcq ne permet pas davantage de maîtriser ce risque, dans la mesure où la prescription ne serait pas matériellement réalisable.

41. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-5-2 du code de l'environnement : " Lorsque le schéma a été approuvé et publié, le règlement et ses documents cartographiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de toute installation, ouvrage, travaux ou activité mentionnés à l'article L. 214-2. ". Les décisions administratives prises dans le domaine de l'eau sont soumises à une simple obligation de compatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux et avec le plan d'aménagement et de gestion durable du schéma d'aménagement et de gestion des eaux. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l'autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de l'autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier.

42. D'une part, la commune requérante soutient que l'autorisation litigieuse méconnait l'article 1er du règlement du schéma d'aménagement et de gestion des eaux Croult-Enghien-Vieille Mer.

43. L'article 1er du règlement du schéma d'aménagement et de gestion des eaux Croult-Enghien-Vieille Mer, qui a été approuvé par arrêté inter-préfectoral n° 2020-15713 du

28 janvier 2020 publié à la même date, prévoit que les rejets d'eaux pluviales des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la police de l'eau doivent " éviter autant que possible et notamment pour les pluies courantes tout rejet au réseau public d'assainissement et vers le milieu hydraulique superficiel " et tendre vers le " principe du rejet 0 ", tout en permettant d'y déroger " si des difficultés ou impossibilités techniques détaillés (sic) le justifient (...) ". Ce même article 1er dispose toutefois que seuls sont concernés par ces dispositions les nouveaux IOTA (installation ouvrages travaux activités ayant des incidences sur l'eau) soumis a` de´claration ou a` autorisation au titre de l'article L.214-3 du code de l'environnement (rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature " eau "). Alors même qu'il appartient au juge du plein contentieux des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, il ressort clairement de ces dispositions que leur auteur a entendu ne les rendre applicables qu'aux nouvelles autorisations et non à celles déjà délivrées. Il suit de là que le moyen tiré de leur méconnaissance est inopérant et doit être écarté.

44. En outre et en tout état de cause, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, s'il résulte de l'instruction que le projet litigieux prévoit de diriger l'essentiel des rejets vers un exutoire superficiel, il n'est pas contesté que cette solution est due aux faibles possibilités de rejet en infiltration en raison des propriétés des sols et de la nature des ouvrages construits. Par suite, et dès lors que, comme il a été dit au point précédent, les dispositions réglementaires invoquées autorisent des dérogations et que la commune requérante n'apporte aucun élément de nature à contredire l'impossibilité technique invoquée par les défendeurs, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article, à le supposer même opérant, est voué au rejet.

45. D'autre part, la commune requérante soutient également que l'autorisation litigieuse méconnait le sous-objectif 1.2 du plan d'aménagement et de gestion durable du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, qui incite les porteurs de projet à intégrer au plus tôt dans le processus d'élaboration la gestion des eaux pluviales et du ruissellement.

46. Ce sous-objectif 1.2 de ce même schéma est intitulé : " Intégrer la gestion des eaux pluviales et du ruissellement au plus tôt dans les processus d'aménagement et d'urbanisation, en veillant à la qualité paysagère des aménagements et des ouvrages, ainsi qu'à leur contribution à l'adaptation du territoire aux changements climatiques ". Si la requérante soutient que la gestion des eaux pluviales par le prisme des bassins de rétention ayant pour exutoire le réseau d'eaux pluviales n'est pas compatible avec l'ambition mentionnée ci-dessus, elle se borne, en appel comme elle l'a fait en première instance, à invoquer cette contrariété de l'autorisation au regard de ce sous-objectif sans procéder à une analyse globale des effets du projet sur la gestion des eaux dans le territoire concerné et ne met ainsi pas le juge à même d'apprécier le bien-fondé du moyen soulevé. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité de l'autorisation litigieuse avec les orientations du schéma d'aménagement et de gestion des eaux Croult-Enghien-Vieille Mer ne peut qu'être écarté.

47. En deuxième lieu, l'article L. 181-3-1 du code de l'environnement dispose que : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles

L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ".

48. La commune soutient que l'autorisation ne permettrait pas d'assurer le respect des intérêts protégés par la législation sur l'eau visés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement. Elle allègue que l'absence d'étude de l'impact du rejet des eaux d'exhaures sur le ru ne permettrait pas d'assurer la prévention contre le risque d'inondation, de satisfaire les exigences de sécurité civile et de protéger les eaux et que le préfet lui-même aurait refusé d'accorder l'autorisation au titre de la loi sur l'eau pour cette raison.

49. En vertu du troisième alinéa du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau qui prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique doit viser à assurer : " 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales .".

50. Comme il a déjà été dit, l'étude environnementale conclut à l'absence d'incidence notable du projet sur le risque d'inondation dans la zone F et l'arrêté interpréfectoral comporte des prescriptions s'imposant au pétitionnaire, en particulier dans le suivi et la surveillance des rejets des eaux d'exhaure, tels que l'état initial élargi aux affluents du ru, les moyens de surveillance à mettre en place pour le suivi des débits et à faire valider par l'administration avant le démarrage de tous travaux et, en l'absence de données contradictoires, la fixation par l'arrêté de valeurs par défaut. La commune requérante ne formule aucune critique quant à ces modalités de suivi et de surveillance.

51. La commune requérante soutient également qu'à la date de délivrance de cet arrêté, la faisabilité du rejet des eaux d'exhaure dans le canal de l'Ourcq demeurait incertaine, en l'absence de convention avec la Ville de Paris, gestionnaire de ce canal. Il résulte toutefois de l'instruction qu'une convention a été conclue en février 2021 avec la Ville de Paris, et que la différence entre le débit de rejet des eaux d'exhaure qu'elle mentionne et celui mentionné dans l'étude environnementale trouve sa justification par le caractère purement estimatif de ce débit ; cette mention est par elle-même sans incidence sur les obligations réciproques des parties signataires, alors qu'il ne résulte de l'instruction ni une impossibilité matérielle ou juridique de dépasser ce débit estimatif , ni que les stipulations de la convention seraient insuffisantes au regard des prescriptions réglementaires applicables.

52. En troisième lieu, la commune requérante soutient que l'arrêté attaqué, en tant qu'il vaut absence d'opposition au régime des incidences Natura 2000, est illégal, dès lors que le projet porte atteinte à plusieurs objectifs opérationnels prévus au sein du document d'objectifs Natura 2000 des sites de la Seine-Saint-Denis (DOCOB), la mention au sein de ce dernier du projet " Charles de Gaulle Express " ne pouvant être analysée comme étant un élément permettant de démontrer le respect des objectifs de conservation.

53. Aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'environnement : " I. - Les zones spéciales de conservation sont des sites (...) terrestres à protéger comprenant : / - soit des habitats naturels menacés de disparition ou réduits à de faibles dimensions ou offrant des exemples remarquables des caractéristiques propres aux régions alpine, atlantique, continentale et méditerranéenne ;/ - soit des habitats abritant des espèces de faune ou de flore sauvages rares ou vulnérables ou menacées de disparition ; / soit des espèces de faune ou de flore sauvages dignes d'une attention particulière en raison de la spécificité de leur habitat ou des effets de leur exploitation sur leur état de conservation ; (...). / II. - Les zones de protection spéciale sont : - soit des sites (...) terrestres particulièrement appropriés à la survie et à la reproduction des espèces d'oiseaux sauvages figurant sur une liste arrêtée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ; / - soit des sites (...) qui servent d'aires de reproduction, de mue, d'hivernage ou de zones de relais, au cours de leur migration, à des espèces d'oiseaux autres que celles figurant sur la liste susmentionnée. / (...) / IV. - Les sites désignés comme zones spéciales de conservation et zones de protection spéciale par décision de l'autorité administrative concourent, sous l'appellation commune de " sites Natura 2000 ", à la formation du réseau écologique européen Natura 2000. / V. - Les sites Natura 2000 font l'objet de mesures destinées à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation. Les sites Natura 2000 font également l'objet de mesures de prévention appropriées pour éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces. / Ces mesures sont définies en concertation notamment avec les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements concernés ainsi qu'avec des représentants de propriétaires, exploitants et utilisateurs des terrains et espaces inclus dans le site. / Elles tiennent compte des exigences économiques, sociales, culturelles et de défense, ainsi que des particularités régionales et locales. Elles sont adaptées aux menaces spécifiques qui pèsent sur ces habitats naturels et sur ces espèces. Elles ne conduisent pas à interdire les activités humaines dès lors qu'elles n'ont pas d'effets significatifs sur le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable de ces habitats naturels et de ces espèces. (...) " Aux termes de l'article L. 141-2 du même code : " I. - Pour chaque site Natura 2000, un document d'objectifs définit les orientations de gestion, les mesures prévues à l'article L. 414-1, les modalités de leur mise en œuvre et les dispositions financières d'accompagnement. (...) / (...) / V. - Une fois élaboré, le document d'objectifs est approuvé par l'autorité administrative. (...) ". Il résulte des articles L. 414-1 et suivants du code de l'environnement qu'un document d'objectifs contient des dispositions susceptibles de produire des effets juridiques.

54. Le tracé du " Charles de Gaulle Express " traverse notamment le site Natura 2000 " sites de la Seine St Denis ", dans la zone E des travaux, soit le bois de la Tussion et le parc forestier de la Poudrerie, qui constitue une zone de protection spéciale en particulier pour des oiseaux, dont le pic mar, le pic noir et le martin-pêcheur, dont la présence a pu être constatée dans ce secteur.

55. Toutefois, le projet litigieux emprunte en ce secteur les voies existantes du RER B, et il n'y est pas envisagé la réalisation de travaux ou d'aménagements d'ampleur, tandis que l'évaluation des incidences Natura 2000 menée par le pétitionnaire conclut à l'absence de destruction d'habitats d'espèces protégées. Si les risques identifiés tiennent à la perturbation des individus et aux collisions possibles avec les trains, l'évaluation conclut que ces risques associés au projet sont sans incidence significative dans la mesure où ils sont déjà existants et où la probabilité de collisions est faible, pour les pics, du fait de leur hauteur de vol, et quasi-inexistante pour le martin-pêcheur, pour lequel aucun habitat favorable n'existe à proximité. Par ailleurs, si la commune expose que la présence des infrastructures et leur fréquentation ainsi que le bruit généré constitueront une barrière infranchissable pour les espèces protégées et détérioreront l'intérêt écologique de ces bois, elle ne présente pas d'éléments d'analyse précis nécessaires, eu égard à la préexistence de cette situation, pour permettre de remettre en cause l'appréciation des incidences menée par le pétitionnaire, ainsi que l'ont d'ailleurs déjà relevé les premiers juges. Dès lors, en l'absence de tels éléments, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux projetés portent atteinte aux objectifs de conservation du site Natura 2000.

Sur les conclusions subsidiaires de la commune de Mitry-Mory :

56. La commune requérante demande la suspension de l'autorisation environnementale sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " II. - En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. " Dès lors que la Cour procède à l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué, qui avait lui-même annulé partiellement l'autorisation environnementale, les conditions posées par les dispositions précitées ne sont pas remplies et les conclusions subsidiaires présentées sur leur fondement doivent être rejetées.

57. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 1906180 du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil et de rejeter l'ensemble des conclusions d'appel de la commune de Mitry-Mory.

Sur les frais du litige :

58. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Mitry-Mory, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge les sommes réclamées par la société SNCF Réseau et par la Société gestionnaire d'infrastructures CDG Express sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions de la société Aéroports de Paris sont admises.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1906180 du 9 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé, et la demande de la commune de Mitry-Mory, présentée devant le tribunal administratif de Montreuil, tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il autorise la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel de la commune de Mitry-Mory et le surplus des conclusions de la société Aéroports de Paris, de la société SNCF Réseau et de la Société gestionnaire d'infrastructures CDG Express sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique, à la société Aéroports de Paris, à la société SNCF Réseau, à la Société gestionnaire d'infrastructures CDG Express et à la commune de Mitry-Mory.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, au préfet de la Seine-Saint-Denis, au préfet de la Seine-et-Marne et au préfet du Val d'Oise.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 avril 2022.

Le rapporteur,

S. B...Le président,

J. LAPOUZADE La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 20PA03994, ...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03994
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-01 NATURE ET ENVIRONNEMENT. - PROTECTION DES ESPÈCES ANIMALES ET VÉGÉTALES - DÉROGATION POSSIBLE POUR UNE RAISON IMPÉRATIVE D'INTÉRÊT PUBLIC MAJEUR (ART. L. 411-2 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT) - EXISTENCE D'UNE TELLE RAISON - LIAISON FERROVIAIRE DIRECTE « CHARLES DE GAULLE EXPRESS ».

44-045-01 Le projet de liaison ferroviaire directe « Charles de Gaulle Express » entre Paris-Gare de l'Est et l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, deuxième aéroport européen, vise à améliorer la desserte de cet aéroport par les transports en commun en le dotant d'une liaison directe, rapide et assurant un haut niveau de ponctualité, à décongestionner le réseau existant, à renforcer l'attractivité touristique de Paris et sa région et à faciliter l'interconnexion entre les différents modes de transport, alors que le retour à sa fréquentation antérieure à 2019 paraît plausible pour 2024-2025, qu'il dispose encore de possibilités d'extension et que le constat de l'inadaptation et de la saturation de la desserte actuelle est ancien. Ce projet relève ainsi d'une raison impérative d'intérêt public majeur au sens du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, qui permet de déroger aux interdictions de l'article L. 411-1 du même code « à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante (…) et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique ».


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : SAS HUGLO LEPAGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-28;20pa03994 ?
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