Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté n° 2017-84 du 22 novembre 2017 par lequel le maire de la commune de Boissise-le-Roi (Seine-et-Marne) a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie professionnelle qu'elle a déclarée, ensemble la décision du 21 mars 2018 par laquelle le maire de la commune précitée a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 1803293 du 31 août 2020, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté n° 2017-84 du 22 novembre 2017 du maire de la commune de Boissise-le-Roi ainsi que la décision du 21 mars 2018.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 octobre 2020 et 25 octobre2021, la commune de Boissise-le-Roi, représentée par Me Van Elslande, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1803293 du 31 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 22 novembre 2017 refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie professionnelle de Mme A... B..., ensemble la décision du 21 mars 2018 rejetant son recours gracieux ;
2°) de rejeter la demande de Mme A... B... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'un défaut de motivation dans la mesure où sa seule lecture ne permet pas de comprendre le raisonnement des premiers juges et ses fondements ; en outre, il ne démontre pas le lien de causalité entre la pathologie et la nature des fonctions de l'agent ;
- le jugement est irrégulier dès lors que le Tribunal a pris en compte des éléments postérieurs à la décision attaquée ;
- aucune déclaration d'accident de service n'a été effectuée par Mme B... et aucun élément ne permet d'attester de sa survenance ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre la pathologie de Mme B... et l'exercice de ses fonctions ;
- il existe un état antérieur à l'origine de la pathologie de Mme B....
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 juin et 10 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Lerat, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la commune de Boissise-le-Roi la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public
- les observations de Me Van Elslande pour la commune de Boissise-le-Roi ;
- et les observations de Me Lerat pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... a été recrutée le 7 janvier 2002 dans le cadre d'emploi d'adjoints techniques par la commune de Boissise-le-Roi où elle exerçait les fonctions d'agent de restauration scolaire et d'agent d'entretien des locaux. Mme B... a été placée en congé de longue maladie du 2 décembre 2004 au 9 mars 2006, pour une pathologie liée à de l'endométriose ayant nécessité plusieurs opérations chirurgicales. Elle a repris ses fonctions à compter du 10 mars 2006, dans un premier temps à mi-temps thérapeutique, puis à temps plein assorti de restrictions (absence de port de charges lourdes et d'élévation des bras au-dessus du niveau des épaules notamment). Le vendredi 4 septembre 2015, en fin de journée et à la suite d'un faux mouvement en effectuant son travail, elle a ressenti une violente douleur lombaire. A compter du lundi 7 septembre 2015 et après avoir consulté son médecin traitant, elle a été placée en arrêt de maladie, lequel sera plusieurs fois prolongé. Sur avis favorable du comité médical, elle a été placée, à compter du 7 septembre 2015, en congé de longue maladie. Celui-ci sera renouvelé jusqu'au 6 septembre 2018. Ayant été déclarée définitivement inapte à ses précédentes fonctions d'adjoint technique par le comité médical en sa séance du 14 mars 2018, la requérante a été placée en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 7 septembre 2018. Entre temps, le 26 juin 2017, Mme B... a sollicité la reconnaissance d'une maladie professionnelle. Au regard de plusieurs expertises et certificats médicaux, la commission de réforme a estimé dans un avis du 8 novembre 2017 que les conditions de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie constatée au 7 septembre 2015 étaient réunies. Toutefois, estimant qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir le lien entre la pathologie de la requérante et les fonctions exercées par cette dernière, le maire de la commune de Boissise-le-Roi a refusé de reconnaître la maladie professionnelle, par un arrêté du 22 novembre 2017. Le 8 janvier 2018, Mme B... a saisi le maire d'un recours gracieux afin que ce dernier reconsidère sa position. Le 21 mars 2018, le maire de la commune de Boissise-le-Roi a rejeté son recours gracieux après une enquête sur les lieux de travail. Saisi par Mme B..., le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté précité en date du 22 novembre 2017 ainsi que la décision du 21 mars 2018 par un jugement du 31 août 2020 dont la commune de Boissise-le-Roi fait régulièrement appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". D'une part, la commune de Boissise-le-Roi soutient que les premiers juges ont insuffisamment motivé le jugement dans l'exposé de leur raisonnement, en n'examinant notamment pas les conditions de travail de Mme B... afin de vérifier si elles étaient de nature à permettre d'établir un lien avec le développement de la pathologie en cause. Toutefois, il ressort des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont considéré après analyse des divers avis médicaux et des circonstances de l'espèce mentionnés au point 5 du jugement qu'à supposer que les fonctions exercées ne présentaient pas un caractère répétitif, ce seul fait n'était pas de nature à exclure l'existence d'un lien direct et certain entre le service et la pathologie de Mme B.... En outre, ils ont ajouté, après avoir relevé " qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les troubles subis par la requérante depuis cet accident seraient exclusivement imputables à un état pathologique antérieur ", qu'" il ressort au contraire des pièces du dossier que la maladie dont elle souffre et qui la place dans l'impossibilité d'exercer ses anciennes fonctions est en lien direct et certain, mais non nécessairement exclusif, avec cet accident ". Le tribunal administratif a ainsi suffisamment explicité les raisons pour lesquelles il a regardé la pathologie de Mme B... comme imputable au service. Dans ces conditions, le jugement critiqué comporte une motivation suffisante au regard des exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative.
3. D'autre part, si le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité d'une décision au vu de la situation de fait et de droit qui prévalait à la date de cette décision, il peut toutefois prendre en compte des éléments postérieurs à cette décision qui éclairent cette situation. Par suite, le tribunal a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, tenir compte de l'expertise médicale effectuée le 15 janvier 2019, produite par Mme B..., qui ne présentait aucun caractère inutile ou frustratoire et qui confirmait les éléments médicaux établis avant la décision attaquée.
Sur le bien-fondé des décisions attaquées :
4. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que la maladie qui a justifié la demande de Mme B... a été diagnostiquée au plus tard le 7 septembre 2015, date à laquelle l'intéressée a consulté son médecin, pour une lombosciatique, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 19 janvier 2017 et des dispositions du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 issu de l'article 10 de cette ordonnance. Par suite, et dès lors que les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée, sa demande était entièrement régie par les dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 visée ci-dessus portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur version applicable à la date du 7 septembre 2015.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le fonctionnaire qui a obtenu un congé de longue maladie ne peut bénéficier d'un autre congé de cette nature s'il n'a pas auparavant repris l'exercice de ses fonctions pendant un an. Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 2° du présent article sont applicables aux congés de longue maladie (...) ".
6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Par ailleurs, l'imputabilité au service d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion des fonctions est subordonné à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif avec cet accident. L'existence d'un état antérieur, serait-il évolutif, ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état d'un agent que lorsqu'il apparaît que cet état a déterminé, à lui seul, l'incapacité professionnelle de l'intéressé. Il appartient dans tous les cas au juge administratif d'apprécier au vu des pièces du dossier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée. Enfin, le juge administratif exerce en la matière un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité territoriale.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des arrêts de travail du 7 septembre 2015, et d'un compte-rendu d'entretien médical du 1er février 2016, émanant d'un chirurgien orthopédique, que les douleurs lombaires ressenties par Mme B..., à l'origine de son placement en congés maladie et de sa reconnaissance d'inaptitude au travail comme adjoint technique, sont survenues au plus tôt le vendredi 4 septembre 2015 sur son lieu de travail. La circonstance invoquée par la commune de Boissise-le-Roi qu'aucun élément du dossier, notamment aucun témoignage, ne permet d'établir la survenance d'un accident à cette date est sans incidence sur l'existence d'une maladie professionnelle révélée à l'occasion d'un événement déclencheur survenu sur le lieu de travail.
8. Si la commune de Boissise-le-Roi observe que le docteur C... a mentionné dans son rapport en date du 21 juin 2017 que Mme B... souffrait depuis 5 ans d'une lombosciatique G et en conclut que l'intéressée présentait un état antérieur à l'incident du 4 septembre 2015 mentionné au point 1 du présent arrêt, il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que sa pathologie, objet du présent litige, résulte exclusivement de cet état antérieur, qui aurait évolué de manière autonome sans lien direct avec l'incident susvisé et les missions qui lui ont été confiées.
9. D'autre part, il ressort des différentes pièces du dossier et notamment des avis médicaux et expertises produits que Mme B... souffre d'une lombosciatique L 5 G sur discopathie L 4/L 5 au-dessous d'une arthrodèse L 5 S1 pour arthrose articulaire 5/1. Son état de santé est, selon les rapports du docteur C..., médecin agréé en date du 20 septembre 2017 et du médecin de prévention en date du 4 octobre 2017, la conséquence de son activité professionnelle et plus particulièrement l'accomplissement de gestes répétitifs. La fiche de poste de Mme B... précise que les activités accomplies par cette dernière impliquent notamment des activités de préparation (mise en place des tables) et de nettoyage de la salle de restauration et des toilettes, de préparation des repas, de nettoyage des fours et fours de chauffe intérieur et extérieur ainsi que les grilles, des réfrigérateurs, des tables, des locaux de restauration et scolaires et des sanitaires. Il apparaît que, de par leur contenu même, ces tâches impliquent des gestes répétitifs et le port de charges avec des contraintes importantes sur la colonne vertébrale nonobstant les aménagements ergonomiques réalisés par la commune, ce qui est confirmé par l'expertise médicale réalisée par le docteur D..., rhumatologue et expert agréée le 15 janvier 2019 qui conclut que : " Mme B... a déclaré une maladie professionnelle : lombosciatique par hernie discale, opérée. (...) cette pathologie est due de manière directe, unique et certaine, aux efforts, postures, et gestes répétitifs de son poste de travail, ce qui justifie l'octroi au 7 septembre 2015 d'une maladie d'origine professionnelle (hors tableaux). ". En particulier, ces tâches impliquaient que l'intéressée, d'une taille de 1,52 cm, soit amenée à lever fréquemment les bras au-dessus du niveau des épaules, en particulier pour charger ou nettoyer les fours dont la hauteur maximale atteignait 1,44 cm ou 1,66 cm.
10. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de ce faisceau d'éléments concordants, la maladie contractée par Mme B... doit être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions d'adjoint de restauration scolaire, sans qu'aucun fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière ne puisse conduire à détacher du service, en l'espèce, la survenance de la pathologie. Dans ces conditions, la commune de Boissise-le-Roi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 22 novembre 2017 précité, ensemble la décision rejetant le recours gracieux de Mme B... refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... au service.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Boissise-le-Roi non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Boissise-le-Roi le paiement à Mme B... d'une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Boissise-le-Roi est rejetée.
Article 2 : La commune de Boissise-le-Roi versera la somme de 2 000 euros à Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées pour le surplus.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Boissise-le-Roi et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 11 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de la chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 avril 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03159