Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2101488 du 24 juin 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 octobre 2021 et 4 mars 2022, Mme D..., représentée par Me d'Allivy Kelly, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2021 du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jours de retard et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le préfet avait pu légalement se fonder sur l'avis défavorable émis par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), lequel relève que son employeur n'a pas transmis les pièces sollicitées dans le cadre de la demande d'autorisation de travail, alors que l'établissement était fermé lors de la réception du courrier ; il appartient au préfet de rapporter la preuve du défaut de retrait du courrier de réclamation de pièces complémentaires qui aurait été adressé par la DIRECCTE à son employeur ;
- la procédure d'édiction de l'avis défavorable de la DIRECCTE est entachée d'irrégularité, ce qui vicie également l'arrêté du préfet ;
- les premiers juges n'ont pas pris en compte le recours hiérarchique adressé dans le délai imparti par son employeur au ministre de l'intérieur ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle justifie de son insertion sociale et professionnelle sur le territoire français et que son compagnon réside sur le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... ;
- et les observations orales de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante péruvienne née le 5 décembre 1988, est entrée en France le 7 septembre 2015 munie d'un visa de long séjour valable jusqu'au 3 septembre 2016. Elle a ensuite bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", puis d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 21 février 2020. Le 23 juin 2020, elle a sollicité un changement de statut par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 20 janvier 2021, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays destination. Mme D... relève appel du jugement du 24 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier et notamment des attestations produites, dont rien ne vient mettre en cause la fiabilité, le préfet du Val-de-Marne n'ayant au demeurant produit aucun mémoire en défense tant en première instance qu'en appel, que Mme D... a entamé une relation affective avec son compagnon français en 2018. Le couple justifie partager le même domicile depuis juillet 2019, indiquant par ailleurs ne pas avoir pu encore conclure un pacte civil de solidarité du fait du divorce en cours de l'intéressée. Mme D... justifie par ailleurs d'une bonne intégration depuis son arrivée en France en 2015, d'abord par la réussite de sa scolarité puis par son insertion professionnelle, puisqu'elle travaille sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis mai 2018 en tant qu'assistante de direction d'un restaurant au sein de la société " Le Pain Quotidien ". La requérante est ainsi, dans les circonstances de l'espèce, fondée à soutenir que l'arrêté attaqué par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens soulevés par la requérante, que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2021 ; cette dernière est donc fondée à demander l'annulation de ce jugement et dudit arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de délivrer un titre de séjour à Mme D..., dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 24 juin 2021 et l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 20 janvier 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer un titre de séjour à Mme D..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme D... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience publique du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2022.
La rapporteure,
G. B...La présidente,
M. C...
Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA05540 2