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13/04/2022 | FRANCE | N°21PA05941

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 avril 2022, 21PA05941


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1922932/1-2 du 21 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Mathieu Michno demande à la Cour :
>1°) d'annuler le jugement n° 1922932/1-2 du 21 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015.

Par un jugement n° 1922932/1-2 du 21 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Mathieu Michno demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1922932/1-2 du 21 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros, au titre des frais liés au litige de première instance et d'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de plusieurs irrégularités ; les premiers juges ont omis de répondre au moyen qu'il avait soulevé, tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause la déductibilité de la prestation compensatoire versée au titre des années 2013 à 2015, non prescrites, au motif qu'elle avait déjà été déduite au titre des années 2011 et 2012, prescrites, sans démontrer que l'obligation était éteinte au titre des années 2013 à 2015 ; le tribunal, en exigeant qu'il rapporte la preuve qu'il n'a procédé à aucun versement au titre des années 2011 et 2012, a, sans motiver son jugement sur ce point, renversé la charge de la preuve ; les premiers juges n'ont pas tenu compte de son mémoire en réplique, enregistré le 3 septembre 2021, qui apportait des précisions ainsi que les pièces demandées par l'administration fiscale ; le tribunal a, de ce fait, omis de répondre aux moyens soulevés dans ce mémoire en réplique ;

- la remise en cause de la déductibilité de la prestation compensatoire en tant que pension alimentaire au titre des années 2013 à 2015 n'est pas fondée en ce qu'elle repose sur l'octroi illégal d'une réduction d'impôt au titre des années 2010 et 2011 prescrites ;

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que la prestation compensatoire a été versées sous forme de capital au titre des années 2011 et 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 mars 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Michno, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration fiscale a, notamment, remis en cause la déductibilité des sommes qu'il déclarait avoir versées sur la période 2013-2015 au titre de la prestation compensatoire due à son ex-épouse. Elle lui a adressé une proposition de rectification du 19 octobre 2016 réintégrant les sommes en cause à ses revenus imposables de ces trois années. Par un jugement du 21 septembre 2021, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à être déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés en conséquence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort du jugement, et notamment de son point 4., que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. A..., a répondu, avec de suffisantes précisions au moyen qu'il avait soulevé, tiré de ce que l'administration fiscale n'était pas fondée à remettre en cause la déductibilité des versements qu'il avait effectués au cours des années 2013 à 2015, non prescrites, au titre de la prestation compensatoire due à son ex-épouse, au seul motif qu'il avait à tort bénéficié, au titre des années 2010 et 2011 (et non 2011 et 2012), prescrites, de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 octodecies du code général des impôts.

4. En deuxième lieu, la régularité du jugement ne dépend pas du bien-fondé des motifs retenus par le tribunal pour écarter les moyens invoqués devant lui. Ainsi, à les supposer établies, les circonstances que le tribunal se serait borné à valider l'argumentation de l'administration fiscale et aurait entaché son jugement d'erreurs de fait, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal sont, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de son jugement.

5. En troisième lieu, le fait pour les premiers juges de se méprendre sur les règles de dévolution de la charge de la preuve ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel saisi d'un moyen en ce sens. Il appartient seulement à ce dernier, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le bien-fondé des moyens soulevés devant lui dans le respect des règles qui régissent, le cas échéant, la dévolution de charge de la preuve. Dans ces conditions, le moyen soulevé par M. A... et tiré de ce que le tribunal aurait renversé la charge de la preuve en jugeant qu'il n'apportait pas d'éléments permettant de remettre utilement en cause le caractère non déductible des sommes versées au titre de la prestation compensatoire ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

7. Il résulte de l'instruction que le mémoire en réplique produit par M. A..., enregistré le 3 septembre 2021 soit avant la clôture automatique de l'instruction trois jours francs avant la date de l'audience fixée au 7 septembre 2021, n'a pas été communiqué au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris à défaut de comporter des éléments nouveaux pertinents susceptibles d'influer sur le sens du jugement. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal, qui a visé ce mémoire, n'en aurait pas tenu compte avant de rendre son jugement.

8. Il résulte de ce qui précède que le tribunal n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité susceptible d'entraîner son annulation.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. Aux termes de l'article 274 du code civil : " Le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes : / 1° Versement d'une somme d'argent, (...) ; / 2° Attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, (...) ". Aux termes de l'article 275 du même code : " Lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. / (...). / Le débiteur peut se libérer à tout moment du solde du capital indexé. / (...) ".

10. Le régime fiscal de la prestation compensatoire versée en application des dispositions des articles 274 et 275 du code civil citées ci-dessus est fixé, pour le débiteur de la prestation, par les articles 156 et 199 octodecies du code général des impôts. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts applicable aux années en litige : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...), sous déduction : (...). / II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / (...) ; / 2° (...) ; versements de sommes d'argent mentionnés à l'article 275 lorsqu'ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée (...) ". Aux termes de l'article 199 octodecies du même code dans sa rédaction alors applicable : " I. Les versements de sommes d'argent (...) en exécution de la prestation compensatoire dans les conditions et selon les modalités définies aux articles 274 et 275 du code civil sur une période, conformément à la convention de divorce homologuée par le juge ou au jugement de divorce, au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu lorsqu'ils proviennent de personnes domiciliées en France au sens de l'article 4 B. / La réduction d'impôt est égale à 25 % du montant des versements effectués, (...), retenu pour la valeur fixée dans la convention de divorce homologuée par le juge ou par le jugement de divorce, et dans la limite d'un plafond égal à 30 500 euros apprécié par rapport à la période mentionnée au premier alinéa. / (...) ".

11. Il résulte des dispositions précitées que les versements de sommes d'argent en exécution de la prestation compensatoire en application des articles 274 et 275 du code civil, sur une période au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, ouvrent droit, pour le débiteur, à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 octodecies du code général des impôts sous la réserve, prévue au II de ce même article, de l'absence du versement, en plus de ce capital, d'une partie de la prestation compensatoire sous forme de rente. Par ailleurs, sont déductibles des revenus du débiteur, sur le fondement du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, les versements de sommes d'argent effectués en application des articles 274 et 275 du code civil sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce est passé en force de chose jugée.

12. Il est constant que le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance (TGI) de Marseille a, par jugement du 2 octobre 2007, dont il n'est pas contesté qu'il a acquis un caractère définitif, condamné M. A... à verser à son ex-épouse une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 100 800 euros payable par versements mensuels de 1 050 euros pendant huit ans. Au vu des modalités ainsi fixées par le tribunal, ces versements étaient déductibles des revenus de M. A... sur le fondement des dispositions précitées du 2° du II de l'article 156 code général des impôts.

13. Toutefois, il résulte de la proposition de rectification du 19 octobre 2016 que si M. A... a, au titre des années 2013 à 2015, porté en déduction diverses sommes correspondant, notamment, d'après les déclarations de revenus qu'il a souscrites, à la prestation compensatoire versée à son ex-épouse et déduite à concurrence des sommes respectives de 29 986 euros pour l'année 2013 et de 20 100 euros pour chacune des années 2014 et 2015, l'administration fiscale en a refusé la déduction au motif qu'il avait bénéficié du dispositif de réduction d'impôt prévu à l'article 199 octodecies susmentionné du code général des impôts au titre des années 2010 et 2011 et que les sommes litigieuses ne pouvaient être regardées comme se rapportant à la prestation compensatoire. Elle a en effet estimé, au vu des déclarations souscrites par M. A..., que l'intéressé s'était acquitté de son obligation en versant la somme de 95 183,75 euros au mois de juillet 2010 et, alors que le jugement précité du TGI de Marseille ne lui avait pas été communiqué, qu'il s'était ainsi libéré de manière anticipée du paiement du capital dans un délai inférieur à douze mois à compter du jugement. Dès lors, M. A... ayant bénéficié au titre d'années antérieures de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 octodecies sur la base des déclarations qu'il avait lui-même souscrites, ce qu'il admet expressément, l'administration était fondée à considérer que les versements déclarés par lui au titre des années 2013 à 2015 ne se rapportaient pas à la prestation compensatoire dont il était présumé s'être déjà libéré. En se bornant à soutenir, à l'appui d'attestations établies par son ex-épouse et ses deux enfants, que les sommes versées résultaient d'un accord avec cette dernière quant à la prise en charge des dépenses de loyers et d'entretien de leurs enfants, M. A... n'établit pas que ces versements, qu'il n'a au demeurant pas justifiés, se rattachaient à la prestation compensatoire et non à la pension alimentaire que le juge aux affaires familiales avait, par ailleurs, mis à sa charge par son jugement du 2 octobre 2007. L'attestation établie le 3 août 2021 par son ex-épouse, certes postérieure aux opérations de contrôle, précise, en outre, que M. A... s'est engagé à lui " verser le reliquat [de la prestation compensatoire] quand cela lui sera possible ". Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale n'a pas admis en déduction en application des dispositions du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts les sommes en litige.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête y compris les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05941


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05941
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SEKRI VALENTIN ZERROUK

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-13;21pa05941 ?
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