Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... E... et Mme C... D... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 1909086/1-1 du 3 mars 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 avril 2021 et régularisée le 30 avril 2021, M. B... E... et Mme D..., représentés par Me Dominique Richard, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1909086/1-1 du 3 mars 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont été privés de débat oral et contradictoire dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet ; l'administration a manqué à son devoir de loyauté ;
- les sommes en litige constituaient des dons qui n'étaient pas imposables sur le fondement de l'article 1649 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... E... et Mme D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E... et Mme D... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2012 et 2013, antérieures à leur divorce prononcé par un jugement du 14 janvier 2014, à l'issue duquel une proposition de rectification du 11 octobre 2016 leur a été adressée. Au terme de la procédure, ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2013, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1758 du code général des impôts, mises en recouvrement le 30 juin 2017. M. B... E... et Mme D... relèvent appel du jugement du 3 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt./ A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) ". Aux termes de l'article L. 47 de ce livre dans sa version applicable au litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ". Selon l'article L. 48 du même livre : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications (...) ". Aux termes de l'article L. 10 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ".
3. Le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 précité, marque l'achèvement de cet examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. Cette obligation n'implique pas que l'administration soumette au débat l'ensemble des éléments qu'elle avait rassemblés à cet effet.
4. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, le vérificateur a demandé le 30 avril 2015 à M. B... E... de justifier l'origine et la nature de sommes portées au crédit d'un compte bancaire ouvert en France, dont l'intéressé avait remis la copie des relevés. M. B... E... a indiqué dans sa réponse du 30 juin 2015 qu'il s'agissait de virements de compte à compte provenant d'un compte Paypal, sans préciser les références de ce compte ni l'origine des fonds versés. L'administration a alors adressé le 30 septembre 2015, en application des articles L. 114 et L. 114 A du livre des procédures fiscales, une demande d'assistance administrative internationale aux autorités luxembourgeoises, dont la réponse du 25 février 2016 a permis d'établir que M. B... E... était détenteur d'un compte Paypal ouvert le 9 juin 2009 qui n'avait pas été déclaré à l'administration fiscale française et qui était mouvementé en 2013 de sommes portées au crédit sous le libellé " donations " et au débit au profit du compte bancaire ouvert en France par le contribuable. Estimant que le caractère non imposable des sommes ainsi transférées vers la France à partir d'un compte à l'étranger qui n'avait pas été déclaré n'était pas établi, l'administration a rattaché les sommes correspondantes au revenu global des requérants au titre de l'année 2013, sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts.
5. Il résulte également de l'instruction que deux entretiens ont eu lieu entre le vérificateur et le conseil des contribuables les 15 avril et 19 juin 2015, à la suite des demandes de renseignements ou d'informations qui leur ont été adressées les 5 mars, 30 avril et 5 juin 2015, au cours desquels ont notamment été évoquées les sommes portées au crédit et au débit des comptes financiers des requérants, leurs participations éventuelles dans différentes structures en France et à l'étranger et la détention de comptes ouverts ou utilisés à l'étranger. Un troisième entretien s'est tenu le 16 septembre 2016 par téléphone, le conseil des contribuables ayant fait part de son indisponibilité aux dates proposées pour un entretien par un autre moyen, postérieurement à la réception, dont les contribuables avaient été informés par courrier du 2 mars 2016, de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises. A la suite d'un courrier du 17 septembre 2016 par lequel le conseil des contribuables a sollicité une entrevue afin de débattre de rectifications résultant du compte ouvert à l'étranger qui n'avait pas été déclaré, un dernier entretien a eu lieu le 29 septembre 2016, au cours duquel ont notamment été évoqués, après présentation de la réponse des autorités fiscales luxembourgeoises, les mouvements de fonds du compte Paypal au Luxembourg vers le compte bancaire ouvert en France. Dans ces conditions, M. B... E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont été privés de débat contradictoire.
6. A cet égard, dès lors que les mentions de la proposition de rectification selon lesquelles la teneur de la réponse des autorités luxembourgeoises a été exposée au cours du dernier entretien ne sont pas contestées, que les transferts de fonds opérés à partir du compte Paypal ont été évoqués au cours des derniers entretiens et que les relevés du compte Paypal obtenus par l'administration constituaient des documents auxquels M. B... E... avaient accès, la circonstance que ces relevés de compte n'ont pas été communiqués aux contribuables avant que se tiennent les deux derniers entretiens ne caractérisent en tout état de cause pas une absence de débat contradictoire.
7. Par ailleurs, la circonstance que l'administration n'a pas retenu les explications du contribuable quant à la nature des sommes portées sur le compte Paypal et transférées sur le compte bancaire ouvert en France ne constitue pas un manquement au devoir de loyauté.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Les personnes physiques (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus (...) les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ".
9. Pour faire échec à la présomption édictée par ces dispositions, il appartient au contribuable, quelle que soit la qualification juridique ou comptable que peut recevoir la somme qui est employée à fin d'être transférée, d'établir que les ressources ayant contribué à la constituer ont par elles-mêmes déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être, non seulement au titre de l'année du transfert, mais aussi, le cas échéant, au titre d'années antérieures.
10. Il résulte de l'instruction que M. B... E... a transféré depuis le compte Paypal ouvert à son nom au Luxembourg, qui n'a pas fait l'objet d'une déclaration aux autorités françaises en méconnaissance de l'article 344 A de l'annexe III du code général des impôts, vers son compte bancaire ouvert en France une somme totale de 32 500 euros au cours de l'année 2013, les crédits sur le compte Paypal portant le libellé " donation " et les débits de ce compte portant le libellé " virements de fonds ". Si les requérants font valoir que cette somme étaient constituée de dons, les circonstances que les relevés du compte Paypal mentionnent le terme " donation " et les nom et prénom des parties versantes, que M. B... E... a lancé un appel aux dons en 2013 et que l'intéressé a, par un arrêt de Cour d'appel de Paris du F..., été condamné à une peine d'amende pour avoir appelé à des dons afin de prendre en charge une condamnation pénale, n'établissent pas que les sommes précisément identifiées comme ayant été transférées en France depuis le compte Paypal constituaient des " dons ". Dans ces conditions, M. B... E... et Mme D... ne font pas échec à la présomption édictée par l'article 1649 A du code général des impôts. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé la somme en litige en tant que revenus d'origine indéterminée sur le fondement de ces dispositions de cet article.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... E... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Leurs conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... E... et Mme D... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... E... et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... E... et Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2022.
Le rapporteur,
F. PLATILLEROLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02277