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13/04/2022 | FRANCE | N°21PA00620

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 avril 2022, 21PA00620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2016.

Par un jugement n° 1902552/1-2 et 1909403/1-2 du 18 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a déchargé partiellement M. A..., en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 201

5, à concurrence d'une réduction de la base d'imposition de 5 000 euros, et au titre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 à 2016.

Par un jugement n° 1902552/1-2 et 1909403/1-2 du 18 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a déchargé partiellement M. A..., en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015, à concurrence d'une réduction de la base d'imposition de 5 000 euros, et au titre de l'année 2016, à concurrence d'une réduction de la base d'imposition de 15 000 euros, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 février 2021, M. A..., représenté par Me Tristan Alle et Me Stéphane Bichard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1902552/1-2 et 1909403/1-2 du 18 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle irrégulier au titre des années 2010 à 2013, dès lors que l'avis de vérification ne mentionnait pas ces années, et par conséquent la possibilité de se faire assister d'un conseil de son choix, et qu'il a été privé des voies de recours hiérarchiques au titre desdites années ;

- l'administration n'établit pas que les sommes en litige étaient imposables dans la catégorie des traitements et salaires ; à cet égard, la qualification retenue était ambiguë ;

- l'administration n'apporte pas la preuve du montant et de l'appréhension de ces sommes, en se fondant sur des éléments d'enquête qui n'étaient pas définitifs ;

- la prime de départ ou de rupture présentait un caractère exceptionnel ;

- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des années 2010 et 2013 et d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2014 à 2016, aux termes desquels deux propositions de rectification du 15 décembre 2017 lui ont été adressées. A l'issue de la procédure, il a été assujetti a été des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2010 à 2016, assorties des intérêts de retard et de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement du 18 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir réduit ses bases d'imposition à concurrence de 5 000 euros au titre de l'année 2015 et 15 000 euros au titre de l'année 2016 et l'avoir déchargé, en droits et majorations, des impositions correspondant à cette réduction, a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances (...) A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) ". Aux termes de l'article L. 12 du même livre : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) ". L'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle implique un contrôle de cohérence global entre l'ensemble des revenus déclarés par les contribuables et leur situation de trésorerie, leur situation patrimoniale ou leur train de vie.

3. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 15 décembre 2017 consécutive au contrôle sur pièces dont M. A... a fait l'objet, que l'administration s'est exclusivement bornée à tirer les conséquences des constatations opérées à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire prévu aux articles L. 81, L. 82 C et R. 81-4 du livre des procédures fiscales, qui lui a permis, après autorisation du procureur de la République du 16 juin 2017 et du juge d'instruction du 4 juillet 2017, de consulter le dossier F... et les scellés de ce dossier. L'administration n'a ainsi procédé à aucun contrôle de cohérence global entre l'ensemble des revenus déclarés par M. A... et sa situation de trésorerie, sa situation patrimoniale ou son train de vie au titre des années 2010 à 2013. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que, sous couvert d'un contrôle sur pièces, il aurait fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle irrégulier au titre des années 2010 à 2013. A cet égard, contrairement à ce que soutient le requérant, les circonstances que la proposition de rectification consécutive à l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle contient des rectifications de même nature que celles notifiées dans le cadre du contrôle sur pièces, également issues des documents de la procédure judiciaire consultée, que le vérificateur a mené un débat contradictoire dans le cadre du contrôle sur pièces, que la réponse aux observations du contribuable a contenu des éléments de réponse communs et que l'administration a mis en œuvre les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales au titre des années 2010 à 2013 ne sont pas de nature à établir que les opérations de contrôle auraient excédé l'ampleur d'un contrôle sur pièces pour revêtir la nature d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle qui implique un contrôle de cohérence global.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 79 du même code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ".

5. Il résulte de l'instruction qu'au cours des années en litige jusqu'au 20 février 2017, M. A... a exercé l'activité de banquier au sein du cercle de jeux C.... Dans le cadre des cercles de jeux, le joueur joue, non pas contre le cercle, qui est une association destinée à permettre la rencontre entre joueurs, mais contre la banque, qui est mise aux enchères entre les joueurs et adjugée au plus fort enchérisseur qui subit, au bénéfice du cercle, un prélèvement constitutif d'une cagnotte. Ainsi, les parties sont organisées sous la responsabilité d'un joueur ou ancien joueur disposant d'une assise financière suffisante pour acheter la table par enchère à l'ouverture de la session de jeu, payer les sommes remportées par les gagnants ou assumer les pertes, dénommé banquier. La fonction de banquier de cercles de jeux, qui existait en pratique, a été reconnue par le décret n° 2014-1540 du 18 décembre 2014 portant règlementation de la police des jeux dans les cercles, modifiant le décret n° 47-798 du 5 mai 1947.

6. A la suite de la consultation du dossier judiciaire P 16 347 000 431 ouvert au nom de l'association " Le club anglais ", l'administration a constaté que les banquiers de ce cercle de jeux, dont M. A..., ne disposaient pas librement des sommes supposées leur appartenir mais assuraient leurs fonctions dans le cadre d'un service organisé, sans indépendance et en étant soumis à des contraintes déterminées par le cercle. Ainsi, les personnes qui pouvaient exercer la fonction de banquier n'étaient pas de simples joueurs désignés par enchère mais étaient recrutées par le cercle de jeux en fonction de ses besoins, ainsi qu'il ressort notamment des éléments retranscrits des procès-verbaux d'audition portant les cotes D10, D 145 et D175. Il n'est d'ailleurs pas contesté qu'au cours d'un entretien du 12 octobre 2017, M. A... a reconnu le caractère fictif des enchères, ce que confirment les procès-verbaux d'audition portant les cotes D17 et D173 et le calendrier prévisionnel de présence des banquiers, l'enchère n'étant ainsi de fait pas ouverte à tous les joueurs. L'administration a également constaté, au vu des procès-verbaux d'audition portant les cotes D162 et D168 et des déclarations de M. A... en cours de contrôle, que le service rendu par les banquiers était rémunéré en application d'une grille de tarifs forfaitaires, sans lien avec les gains et pertes de la banque, ainsi que par des primes annuelles s'ajoutant aux vacations. Les banquiers étaient par ailleurs présents suivant des directives fixées par le directeur des jeux, ainsi qu'il ressort des procès-verbaux d'audition portant les cotes D232, D243 et D243/5, ce qui a été confirmé par M. A... en cours de contrôle. Il est ainsi constant que les vacations de M. A... étaient établies et contrôlées par le directeur du comité des jeux. En outre, il n'est pas contesté qu'un banquier qui souhaitait quitter son poste ne pouvait le faire qu'avec l'accord de la direction du cercle. Enfin, la rémunération des banquiers ne procédant pas de prélèvements sur les gains de la banque, ceux-ci ne disposaient pas librement de l'argent des gains, ce que confirment notamment des procès-verbaux d'audition portant les cotes D141, D145, D168 et D194. La consultation des scellés a également révélé l'existence d'un fichier informatique portant sur la période de février 2008 à décembre 2017, qui répertoriait notamment la présence des banquiers jusqu'en février 2017, en indiquant le jour de présence, les plages horaires et le type de prestations.

7. Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'administration en a conclu que M. A... avait été rémunéré pour un service exécuté sous un lien de subordination permanente. Elle a calculé le montant des rémunérations mensuelles sur la base des relevés de présence mentionnés dans la procédure judiciaire et de la grille de rémunérations forfaitaires fixées par le cercle de jeux au titre des années 2010 à 2016, auxquelles elle a ajouté le montant des primes annuelles, à l'exception de l'année 2014, en se fondant sur les procès-verbaux et les entretiens, ainsi que des indemnités de 200 000 euros perçues en 2015 et 2016, dont la perception a été reconnue lors des entretiens avec le service, ce que confirme le procès-verbal d'audition portant la cote D145. Le tribunal, après avoir réduit le montant des primes annuelles, à concurrence de 5 000 euros au titre de l'année 2015 et de 15 000 euros au titre de l'année 2016, a confirmé le bien-fondé du surplus des rectifications.

8. M. A..., qui ne conteste pas la matérialité de l'ensemble des éléments ainsi relevés par l'administration qui établissent le montant et l'appréhension des sommes en litige, se borne à faire valoir que l'administration n'apporte pas la preuve de la perception des revenus en cause dès lors qu'elle s'est fondée sur des éléments d'enquête qui n'étaient pas définitifs. Cette seule circonstance est toutefois sans incidence sur le montant et l'appréhension des sommes en cause, l'administration n'étant au demeurant tenue par aucune disposition d'attendre l'intervention de la décision du tribunal mettant fin à la procédure pour procéder aux rectifications, dès lors qu'elle se fonde sur des déclarations faites notamment par le requérant lui-même et portées sur procès-verbaux.

9. Si M. A... soutient également que l'administration n'établit pas que les sommes en litige étaient imposables dans la catégorie des traitements et salaires, il résulte des faits précédemment décrits, qui caractérisent un lien de subordination permanent, que ces sommes étaient imposables dans cette catégorie. A cet égard, contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration a clairement indiqué, dans les propositions de rectifications qui lui ont été notifiées, la qualification retenue et les motifs qui la fondaient.

10. Enfin, à supposer que M. A... ait entendu se prévaloir de l'article 163-0 A du code général des impôts aux termes duquel " Lorsqu'au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global imposable et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. Les dispositions prévues au premier alinéa sont également applicables aux primes de départ volontaire (...) ", en faisant valoir que les indemnités de 200 000 euros perçues en 2015 et en 2016 présentaient un caractère exceptionnel, il résulte de l'instruction que ces sommes ne constituaient ni un revenu exceptionnel ni une prime de départ volontaire, dès lors que, versées sur le fondement d'un protocole d'accord signé le 16 décembre 2015 entre D..., elles l'ont été de façon annuelle et que l'intéressé a continué son activité de banquier postérieurement à leur versement.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. En faisant valoir que M. A... a omis de manière réitérée de déclarer des rémunérations représentant plusieurs fois ses revenus déclarés, et que l'intéressé possédait, du fait de ses anciennes fonctions en qualité de policier affecté au service des jeux, une connaissance de la réglementation relative aux cercles de jeux, l'administration apporte la preuve des manquements délibérés et, par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00620
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL ELLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-13;21pa00620 ?
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