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13/04/2022 | FRANCE | N°20PA03707

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 avril 2022, 20PA03707


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rejeté sa demande tendant à la reprise de l'ancienneté acquise en qualité de technicien supérieur au sein des anciens offices agricoles dans son nouveau grade de technicien supérieur du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de ne pas lui appliquer les dispositions du décret n°

2010-1246 avec toutes les conséquences de droit.

Par un jugement n° 1811...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rejeté sa demande tendant à la reprise de l'ancienneté acquise en qualité de technicien supérieur au sein des anciens offices agricoles dans son nouveau grade de technicien supérieur du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de ne pas lui appliquer les dispositions du décret n° 2010-1246 avec toutes les conséquences de droit.

Par un jugement n° 1811677/5-3 du 30 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 2 décembre 2020, 3 février et 15 juin 2021, Mme C..., représenté par Me Maagano Wa Nsanga Allegret, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1811677/5-3 du 30 septembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision contestée devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de ne pas lui appliquer les dispositions du décret n° 2010-1246 du 20 octobre 2010 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'était pas fondée à exciper de l'illégalité du décret du 20 octobre 2010 au motif que le pouvoir réglementaire avait pu, sans méconnaître le principe d'égalité de traitement dans un même corps, prévoir des modalités de reclassement différentes selon l'emploi occupé par les agents avant leur nomination ;

- le motif d'intérêt général poursuivi par le pouvoir réglementaire pour titulariser les techniciens supérieurs des anciens offices agricoles, tiré de la rationalisation des structures, que les premiers juges ont omis de rechercher, ne constitue pas un motif sérieux pour justifier que le pouvoir réglementaire ait dérogé au principe d'égalité ;

- le tribunal a dénaturé les faits quant à l'emploi public qu'elle a occupé antérieurement à son intégration dans le corps des techniciens supérieurs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ; l'emploi qu'elle a occupé en qualité de technicien supérieur au sein des offices agricoles présente des similitudes avec l'emploi occupés par les techniciens supérieurs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ; les techniciens supérieurs des offices agricoles et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation sont placés sous l'autorité du même ministère ; le ministère de l'agriculture et de l'alimentation comme les offices agricoles emploie des agents portant la même dénomination ; les techniciens supérieurs des offices agricoles et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation disposent de compétences identiques ; la différence de traitement qui lui est appliquée n'est pas justifiée ; le décret du 20 octobre 2010 est, s'agissant de la reprise d'ancienneté, incohérent en ce qu'il admet, dans certains cas, une reprise d'ancienneté service ;

- la différence de traitement qui lui est appliquée est sans rapport avec l'objet de la norme, le pouvoir réglementaire ayant eu pour objectif de constituer un corps unique de techniciens supérieurs, par la création d'un nouveau statut dans lequel serait intégré tous les techniciens, quelle que soit leur origine ;

- elle s'est retrouvée, en 2011, dans la situation d'un agent nouvellement recruté en ayant été reclassée au 1er échelon du 1er grade du corps des techniciens supérieurs des services du ministère chargé de l'agriculture alors qu'elle justifiait d'une ancienneté de huit ans ; elle aurait dû être reclassée au minimum à l'échelon 6 du 1er grade en application du décret du 4 mai 2011 ; elle ne pourra accéder au grade de chef technicien qu'après avoir accompli onze années de services effectifs au 5ème échelon du grade de technicien principal alors qu'il ne faudra que deux années de services effectifs à un technicien supérieur issu du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ; à compétences égales, elle subit un préjudice significatif en termes d'évolution de carrière ;

- elle n'a jamais eu la qualité d'agent contractuel au sein des offices agricoles, contrairement à ce que soutient le ministre chargé de l'agriculture ; elle était soumise à un statut commun et a subi, à l'instar de tout fonctionnaire, les épreuves d'un concours avant d'effectuer un stage probatoire d'un an ;

- le principe de reconnaissance du parallélisme des emplois et des carrières que la tutelle du ministère chargé de l'agriculture a octroyé aux techniciens supérieurs des offices agricoles avec le statut résultant du décret n° 83-1267 est contredit par le décret du 20 octobre 2010 dont l'illégalité est invoquée par voie d'exception.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 ;

- le décret n° 2011-489 du 4 mai 2011 ;

- le décret n° 2010-1246 du 20 octobre 2010 ;

- le décret n° 83-1267 du 30 décembre 1983 ;

- le nouveau code rural ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a été recrutée, par une décision 19 mai 2003 du directeur de l'Office national H..., dans la catégorie technicien / supérieur, comme agent stagiaire, en qualité de contrôleur, en application du décret du 30 décembre 1983. Dans le cadre de la mobilité inter-offices, elle a, par une décision du 4 avril 2005 du directeur de I..., été affectée au sein de cet établissement public où elle a pris ses fonctions à compter du 29 mars 2005. A la suite de la création de l'établissement national J..., au sein duquel elle a été affectée, à compter du 30 octobre 2009, par décision du directeur général de cet établissement du 1er février 2010, Mme C... a, le 16 mai 2011, demandé à être titularisée dans le corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture. Par arrêté du E..., le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire l'a nommée technicien principal - spécialité techniques et économie agricole, par intégration à compter F... et l'a reclassée à l'échelon 1 du grade de technicien principal, sans reprise d'ancienneté. A la même date, Mme C... a été affectée au service territorial G.... Les 26 et 28 février 2018, Mme C... a, notamment, sollicité du ministre de l'agriculture et de l'alimentation qu'elle soit intégrée en tenant compte de ses huit années d'ancienneté acquise au 1er juin 2011. Le ministre chargé de l'agriculture ayant gardé le silence sur cette demande, il doit être regardée comme l'ayant implicitement rejetée. Par un jugement du 30 septembre 2020, dont Mme C... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2009 : " I - Les agents des établissements mentionnés aux articles L. 313-1, L. 621-1, L. 642-5 du code rural et ceux de l'Office de développement de l'économie agricole outre-mer bénéficiaires à la date de publication de la présente ordonnance d'un engagement contractuel à durée indéterminée peuvent opter : / 1° Soit pour l'intégration dans l'un des corps de fonctionnaires du ministère de l'agriculture et de la pêche ; / (...). / II - " Les corps auxquels les agents ayant opté pour l'intégration prévue au 1° du I peuvent accéder par la voie de l'intégration sont déterminés en tenant compte de la catégorie ou du cadre d'emplois dont ils relèvent. (...). Les conditions d'intégration et de maintien des rémunérations des intéressés sont fixées par décret en Conseil d'Etat ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 20 octobre 2010 : " Les personnels mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2009 (...) peuvent, sur leur demande, être titularisés dans un des corps de fonctionnaires relevant du ministre chargé de l'agriculture, dans les conditions fixées par le présent décret ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " (...). / II - Les autres agents mentionnés à l'article 1er sont titularisés dans un des corps relevant du ministère chargé de l'agriculture conformément au tableau de correspondance (...) ". Ce tableau prévoit que les techniciens supérieurs régis par le décret du 30 décembre 1983 sont intégrés dans le corps des techniciens supérieurs des services du ministère chargé de l'agriculture. Aux termes de l'article 5 de ce décret : " Les agents mentionnés à l'article 2 sont classés conformément aux tableaux figurant dans les annexes I, II et III. / (...) ". Aux termes de l'annexe I du décret du 20 octobre 2010, intitulée " Agents régis par le décret n° 83-1267 du 30 décembre 1983 ", un technicien supérieur - échelle C, classé au 5ème échelon de la catégorie est intégré au 1er échelon du grade d'intégration sans ancienneté. Aux termes de l'article 10 du décret : " I. - L'intégration des agents mentionnés à l'article 1er dans un corps de fonctionnaire du ministère chargé de l'agriculture ne peut avoir pour effet de leur procurer une rémunération globale nette inférieure à celle qu'ils percevaient avant leur titularisation. / (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article 25 du décret du 4 mai 2011 : " I. - A la date d'entrée en vigueur du présent décret, les fonctionnaires appartenant au corps des techniciens supérieurs des services du ministère chargé de l'agriculture sont intégrés et reclassés dans le corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture régi par le présent décret conformément au tableau de correspondance (...) ". Ce tableau prévoit, notamment, qu'un technicien supérieur classé au 1er échelon de son grade d'origine est intégré et reclassé au 1er échelon du grade de technicien principal du grade d'intégration sans ancienneté. Aux termes de l'article 34 du même décret : " Les personnels mentionnés à l'article 5 de l'ordonnance du 25 mars 2009 susvisée pouvant, en application de l'article 3 du décret du 20 octobre 2010 susvisé, demander à être titularisés dans le corps des techniciens supérieurs des services du ministère chargé de l'agriculture et titularisés après la date d'entrée en vigueur du présent décret ont vocation à être titularisés, dans les conditions prévues par le décret du 20 octobre 2010 susmentionné, dans le corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture régi par le présent décret. / A cet effet, ils sont classés dans le corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture en prenant en compte la situation qui aurait été la leur s'ils avaient été titularisés dans le corps des techniciens supérieurs des services du ministère chargé de l'agriculture, conformément aux dispositions du décret du 20 octobre 2010 susvisé, puis reclassés, à la même date, dans le corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture conformément aux dispositions de l'article 25 du présent décret ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., recrutée par l'B..., établissement public industriel et commercial, en application des dispositions de l'article 1er du décret du 30 décembre 1983, avait la qualité d'agent contractuel de droit public par l'effet du renvoi à l'article L. 621-2 du nouveau code rural qui disposait que " ces établissements emploient des personnels sous contrat à durée indéterminés régis par un statut commun de droit public défini par décret ". Au 16 mai 2011, date à laquelle elle a demandé à être titularisée dans le corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture, Mme C... était classée au 5ème échelon de la catégorie technicien supérieur - échelle C - office, avec une ancienneté acquise au D.... En application des dispositions de l'article 34 du décret du 4 mai 2011, entré en vigueur le lendemain, elle a été titularisée puis classée dans le corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture conformément aux dispositions de l'article 25 du décret du 20 octobre 2011 au 1er échelon du grade de technicien principal, avec maintien de la rémunération dont elle bénéficiait en qualité d'agent contractuel des anciens offices agricoles.

6. Mme C... soutient, par la voie de l'exception, que le décret du 20 octobre 2020 méconnaît le principe d'égalité au motif qu'il ne tient pas compte de l'ancienneté acquise par les agents issus des anciens offices agricoles dans leur emploi de technicien supérieur antérieurement à leur intégration alors qu'ils ont exercé des fonctions identiques à celles occupées par les agents du ministère chargé de l'agriculture.

7. Toutefois, la circonstance qu'en application des dispositions précitées du décret du 20 octobre 2010, qui ne sont entachées d'aucune contradiction, les agents contractuels des anciens offices agricoles soient titularisés puis reclassés dans des conditions moins favorables que les agents initialement nommés dans le corps des techniciens supérieurs du ministère chargé de l'agriculture à défaut de prendre en compte l'ancienneté acquise dans leurs fonctions antérieures, ne méconnaît pas le principe d'égalité. Ce principe, en effet, ne s'oppose pas à ce qu'une autorité administrative règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. Or, les agents titulaires du ministère chargé de l'agriculture et les agents non titulaires des anciens offices agricoles, recrutés par contrat, sont placés dans des situations différentes au regard du service public, alors même qu'ils exerceraient des fonctions identiques. Cette différence de traitement est, contrairement à ce que soutient Mme C..., en rapport direct avec la nécessité de moderniser l'action et les structures de l'Etat afin de mieux s'adapter au contexte évolutif des politiques publiques et de simplifier et dématérialiser les procédures dans le cadre d'une rationalisation des structures et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient. En outre, il ne résulte d'aucun principe général du droit que l'agent titularisé dans un corps de la fonction publique doive y être nommé dans des conditions tenant compte de l'ancienneté de services qu'il a pu acquérir dans chacun des emplois antérieurement occupés.

8. En outre, si Mme C... soutient que la décision contestée est à l'origine d'une perte de chance de voir sa carrière évoluer, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de cette décision.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre chargé de l'agriculture a rejeté sa demande à fin de reprise de l'ancienneté acquise en qualité de technicien supérieur au sein des anciens offices agricoles dans son nouveau grade de technicien supérieur du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03707
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET WANSANGA-ALLEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-13;20pa03707 ?
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