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13/04/2022 | FRANCE | N°20PA02424

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 avril 2022, 20PA02424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 3 mai 2017 par laquelle le conseil départemental du E... a refusé de lui accorder un congé de longue maladie et l'a placée en disponibilité d'office à compter du 18 mars 2016 et d'enjoindre au conseil départemental du E... de lui accorder un congé de longue maladie à compter du 3 mai 2016.

Par un jugement n° 1706854/5 du 7 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant

la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, Mme F..., représentée par Me Val...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 3 mai 2017 par laquelle le conseil départemental du E... a refusé de lui accorder un congé de longue maladie et l'a placée en disponibilité d'office à compter du 18 mars 2016 et d'enjoindre au conseil départemental du E... de lui accorder un congé de longue maladie à compter du 3 mai 2016.

Par un jugement n° 1706854/5 du 7 novembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, Mme F..., représentée par Me Valérie Lemerle, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1706854/5 du 7 novembre 2019 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision contestée devant ce tribunal ;

3°) d'enjoindre au conseil départemental du E... de lui accorder un congé de longue maladie à compter du 3 mai 2016.

Elle soutient que :

- la décision par laquelle elle a été maintenue en position de disponiblité d'office a été prise au terme d'une procédure irrégulière à défaut pour le conseil départemental du E... d'avoir receuilli l'avis conforme du comité médical sur les possibilités pour elle de reprendre ses fonctions ou d'être reclassée dans le délai d'une année ; c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision de renouveler son placement en position de disponibilité d'office avait été prise au vu de l'avis du comité médical du 24 novembre 2016, dès lors que cet avis ne s'est pas spécifiquement prononcé sur sa capacité à reprendre ses fonctions ou à faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année ;

- cette décision méconnaît l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 2 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions des 24 mai 2013 et 26 décembre 2013 par lesquelles le département du E... a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance d'un accident imputable au service ainsi que les décisions des 27 mai 2013 et 26 décembre 2013 par lesquelles le département du E... a rejeté sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; la dépression dont elle souffre, particulièrement grave et prolongée, présente un caractère invalidant l'empêchant de reprendre ses fonctions de manière prolongée depuis l'accident de service dont elle a été victime le 17 septembre 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2021, le département du E..., représenté par Me Lorène Carrère, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme F... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 mars 2022.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 9 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bouchard, substituant Me Carrère, avocat du département du E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., adjointe technique principale territoriale de 2ème classe des établissements d'enseignement, a exercé ses fonctions, en dernier lieu, à compter du mois de septembre 2011, en qualité de seconde de cuisine au collège G... dans le département du Val-de-Marne. Après avoir été victime, le 17 septembre 2012, d'un malaise sur son lieu de travail et avoir vainement sollicité la reconnaissance de son imputabilité au service sur le terrain de l'accident de service puis de la maladie professionnelle, Mme F... a, le 18 juin 2013, demandé au département du E... le bénéfice d'un congé de longue maladie à compter du 8 novembre 2012. Par une décision du 13 février 2014, prise après que le comité médical ait, dans sa séance du 10 février 2014, émis un avis défavorable, le président du conseil général a refusé de lui octroyer un congé de longue maladie et l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé. Le juge des référés du Tribunal administratif de Melun ayant, par une ordonnance n° 1501521 du 19 mars 2015, suspendu l'exécution de cette décision du 13 février 2014, le président du conseil général l'a retirée et, aux termes d'une décision du 28 mai 2015, prise après que le comité médical supérieur, saisi d'un recours contre l'avis du comité médical du 10 janvier 2014, ait émis un avis défavorable à la reconnaissance d'un congé de longue maladie dans sa séance du 15 avril 2015, a refusé d'attribuer à Mme F... un congé de longue maladie. Le Tribunal administratif de Melun ayant, annulé, par un jugement n°s 1401689, 1407646, 1501530 et 1510069/5 du 2 novembre 2016, les décisions rejetant les demandes de Mme F... de reconnaissance d'imputabilité au service du malaise dont elle avait été victime, ainsi que les décisions des 13 février 2014 et 28 mars 2015, le président du conseil départemental a, par une décision du 3 mai 2017, confirmée par un arrêté du même jour, refusé à l'intéressée le bénéfice d'un congé de longue maladie, dès lors qu'elle avait épuisé ses droits à congé, et l'a placée en disponibilité d'office pour raisons de santé. Par un jugement n° 1706854/5 du 7 novembre 2019, dont Mme F... relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 3 mai 2017.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 19 janvier 1986 : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues aux articles 81 à 86 de la loi du 26 janvier 1984. / La durée de la disponibilité prononcée en vertu du premier alinéa du présent article ne peut excéder une année. Elle peut être renouvelée deux fois pour une durée égale. Si le fonctionnaire n'a pu, durant cette période, bénéficier d'un reclassement, il est, à l'expiration de cette durée, soit réintégré dans son administration s'il est physiquement apte à reprendre ses fonctions dans les conditions prévues à l'article 26, soit, en cas d'inaptitude définitive à l'exercice des fonctions, admis à la retraite ou, s'il n'a pas droit à pension, licencié. / Toutefois, si, à l'expiration de la troisième année de disponibilité, le fonctionnaire est inapte à reprendre son service, mais s'il résulte d'un avis du comité médical qu'il doit normalement pouvoir reprendre ses fonctions ou faire l'objet d'un reclassement avant l'expiration d'une nouvelle année, la disponibilité peut faire l'objet d'un troisième renouvellement ".

3. Mme F... soutient que la décision du 3 mai 2017 critiquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le président du conseil départemental ne pouvait renouveler une troisième fois sa mise en disponibilité d'office sans avoir préalablement receuilli l'avis du comité médical sur son aptitude à reprendre ses fonctions.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... a demandé, le 18 juin 2013, à être placée en congé de longue maladie. Par décision du 18 septembre 2013, elle a été informée, qu'ayant épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire au 17 septembre 2013, elle était placée en disponibilité d'office, pour la première fois à compter du 18 septembre 2013 dans l'attente de l'avis du comité médical. En exécution du jugement du 2 novembre 2016 rendu par le tribunal, qui n'a pas remis en cause la procédure préalablement suivie à l'édiction des décisions des 13 février 2014 et 28 mai 2015, le président du conseil départemental du E... a, au vu des avis du comité médical des 10 février 2014 et 15 avril 2015, rejeté la demande de congé de longue maladie présentée par Mme F... et l'a placée en disponibilité d'office pour la période courant du 18 septembre 2013 au 17 juin 2014. Il l'a maintenue dans cette position par une décision du 28 octobre 2015, devenue définitive, à compter du 18 juin 2014 jusqu'au 17 mars 2016 après avoir saisi le comité médical, lequel s'est prononcé, dans sa séance du 2 octobre 2015, en faveur de l'inaptitude provisoire de Mme F... et de son placement en disponibilité d'office. A compter du 18 mars 2016, le président du conseil départemental a prolongé la mise en disponibilité d'office de Mme F... pour une durée de douze mois.

5. Mme F... ayant été placée en disponibilité d'office à compter du 18 septembre 2013, le président du conseil départemental du E... ne pouvait plus, en application des dispositions précitées des deuxième et troisième alinéas de l'article 19 du décret du 19 janvier 1986, la maintenir dans cette position au-delà du 18 septembre 2016. Toutefois, Mme F... ayant épuisé ses droits à congé, le président du conseil départemental n'avait d'autre choix que de la maintenir provisoirement en disponibilité d'office dans l'attente de l'avis du comité médical et ne pouvait être regardé comme ayant renouvelé, à titre dérogatoire et pour une troisième année, sa disponibilité d'office alors, au demeurant, que le comité médical avait indiqué expressément, dans son avis du 24 novembre 2016, que lors de sa prochaine saisine, une expertise serait diligentée pour apprécier les suites à donner à ce dossier au regard de " l'aptitude à la reprise, inaptitude aux fonctions, etc. ". Il suit de là que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière pour avoir renouvelé une troisième fois sa mise en disponibilité d'office sans avoir receuilli préalablement l'avis du comité médical sur son aptitude à reprendre ses fonctions.

6. En deuxième lieu, Mme F... soutient que la décision en litige a été prise en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal du 2 novembre 2016, dès lors que le le président du conseil départemental, en la plaçant en disponibilité d'office, l'a exclue du champ d'application " des dispositions spécifiques et protectrices liées à la reconnaissance de la maladie ou accident imputable au service ".

7. Toutefois, le tribunal ayant annulé la décision du 13 février 2014 par laquelle le président du conseil général avait refusé d'octroyer à la requérante un congé de longue maladie, l'administration, de nouveau saisie de cette demande, devait se prononcer sur les droits de Mme F.... Sa demande tendant à être admise au bénéfice d'un congé de longue maladie ayant été rejetée au motif qu'elle avait épuisé ses droits à congés de maladie ordinaire, l'administration, qui était tenue de la placer dans une position régulière, n'avait d'autre choix que de la placer en disponiblité d'office. Il suit de là que l'administration n'avait pas à se prononcer sur les droits de Mme F... au titre de l'imputabilité au service de l'accident du 17 septembre 2012 et de l'imputabilité au service de sa maladie mais seulement à se prononcer sur sa demande de congé de longue maladie. Dans ces condtions, le moyen invoqué ne peut qu'être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) ; 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) ".

9. Mme F... soutient que la décision du 3 mai 2017 en litige est entachée d'erreur d'appréciation.

10. Il est constant que l'intéressée souffre d'un syndrome anxio-dépressif. Ainsi que l'a relevé le tribunal, cette pathologie ne figure pas parmi les affectations susceptibles d'ouvrir droit à un congé de longue maladie en application de l'arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l'octroi de congé de longue maladie, rendu applicable aux fonctionnaires territoriaux par l'effet d'un arrêté du 30 juillet 1987. Si Mme F... produit plusieurs pièces de nature médicale, ces documents sont relativement anciens et inexploitables dès lors qu'ils se bornent, soit à indiquer la pathologie dont elle a soufffert antérieurement au 17 septembre 2012, soit à évoquer sa pathologie sans autre précision ou à l'évoquer dans le cadre d'une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service du malaise dont elle a été victime. Les certificats médicaux établis le 18 février 2014 par le docteur D..., le 14 avril 2014 par le docteur C... ainsi que le 19 mai 2014 par M. A..., psychologue clinicien, qui évoquent un congé de longue durée ou de longue maladie sont peu circonstanciés et insuffisants pour remettre en cause les avis des comités médicaux, lesquels, n'ont jamais estimé, au regard des documents médicaux transmis par la requérante et des expertises diligentées auprès de médecins agréés, que son état de santé justifiait un congé de longue maladie. Il suit de là que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d'appel en toutes ses conclusions, y compris ses conclusions à fin d'injonction Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... la somme que le département du E... demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département du E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme B... F... et au département du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au préfet du E... en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02424
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-13;20pa02424 ?
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