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01/04/2022 | FRANCE | N°21PA04510

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 avril 2022, 21PA04510


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 mars 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2106222 du 8 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et tr

ois mémoires de production de pièces, enregistrés les 6 août 2021, 10 septembre 2021, 4 février et 7...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 mars 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2106222 du 8 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et trois mémoires de production de pièces, enregistrés les 6 août 2021, 10 septembre 2021, 4 février et 7 février 2022, M. C..., représenté par Me Griolet, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 2106222 du 8 juin 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2021 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Griolet de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas la date de lecture.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 743-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile à défaut pour le préfet de police de justifier de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui sert de fondement à son arrêté ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 5 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les observations de Me Cardoso, substituant Me Griolet, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 16 septembre 1998 à Kati (Mali), a sollicité l'asile en France. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 février 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 décembre 2020. Par un arrêté du 8 mars 2021, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloignée à l'issue de ce délai. M. C... relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 5 juillet 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions, présentées le 6 août 2021, tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont, par suite, irrecevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort de la mention " rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021 " que le jugement a été rendu à cette date. La seule circonstance que celle-ci n'ait pas été reportée dans l'espace prévu à cette effet dans l'en-tête du jugement n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article

L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

5. Par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au recueil n° 75-2020-328 des actes administratifs spécial de la préfecture de police le même jour, le préfet de police a donné à M. B... F..., attaché d'administration de l'Etat au sein du 12ème bureau de la direction générale de la préfecture de police et signataire de la décision attaquée, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Il ressort de l'original de cet arrêté qu'il comporte la signature de M. D... G..., préfet de police. La circonstance que l'ampliation de cet arrêté ne comporte pas la signature de son auteur est sans incidence sur sa légalité. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été pris par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. L'arrêté du 2 novembre 2020 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 511-1 I 6° sur le fondement duquel le refus de titre de séjour a été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. Il est mentionné que M. C..., entrée en France le 27 janvier 2018 selon ses déclarations, a déposé une demande de protection internationale qui a été rejetée par une décision de l'OFPRA, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Il est également indiqué que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale. Ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci [...] ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a indiqué, dans les motifs de l'arrêté contesté, que la demande d'asile présentée par M. C... avait été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 28 février 2020, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile. Les mentions de la fiche " TelemOfpra ", produite en défense devant les premiers juges, indiquent que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant le recours de M. C... a été lue le 28 décembre 2020. Ainsi, et en application des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressée disposait du droit de se maintenir en France jusqu'au 28 décembre 2020. Par suite, c'est sans méconnaître ces dispositions que le préfet de police a prononcé l'arrêté attaqué, daté du 8 mars 2021.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Par ailleurs, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. M. C... se prévaut de ces stipulations, en faisant valoir qu'il vit avec une ressortissante ivoirienne, avec laquelle il a eu deux enfants, nés le 29 août 2018 et le 19 mai 2020, et avec l'enfant de celle-ci né d'une précédente union. Toutefois, d'une part, la production de l'acte de naissance des deux enfants qu'il a eu avec Mme A..., qui est également en situation irrégulière en France, ne suffit pas à établir la réalité de la vie commune avec celle-ci, d'autre part, M. C... n'établit pas que la vie familiale ne pourrait pas se poursuivre au Mali, pays dans lequel il n'établit pas ni même n'allègue être dépourvu d'attaches privées et familiales et où il a vécu jusqu'à l'âge de 20 ans, ou en Côte d'Ivoire, pays d'origine de sa compagne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision litigieuse de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Pour les mêmes raisons, M. C... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :

13. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Si M. C... soutient qu'il a quitté le Mali pour échapper à des persécutions, il qu'il risque des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays, il n'apporte aucune précision ni justification à l'appui de ses allégations, qui ne sont assorties d'aucune précision, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la Cour national du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet police de Paris.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2022.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04510 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04510
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : GRIOLET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-01;21pa04510 ?
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