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01/04/2022 | FRANCE | N°21PA01695

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 avril 2022, 21PA01695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2019699 du 13 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par un

e requête et des mémoires de production de pièces, enregistrés le 1er avril, le 10 septembre 2021 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2019699 du 13 janvier 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires de production de pièces, enregistrés le 1er avril, le 10 septembre 2021 et le 4 février 2022, ainsi qu'un mémoire de production de pièces non communiqué enregistré le 6 février 2022, Mme A..., représenté par Me Griolet, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 2019699 du 13 janvier 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2020 du préfet de police ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Griolet de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile à défaut pour lui justifier de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui lui sert de fondement ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 27 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2022.

Un mémoire aux fins de production de pièces, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 10 février 2022.

Un mémoire en défense a été présenté par le préfet de police, le 23 février 2022, postérieurement à la date de clôture de l'instruction, qui n'a donc pas été communiqué.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi sur l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les observations de Me Cardoso, substituant Me Griolet, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 1er janvier 1996 à Daloa (Côte d'Ivoire), a sollicité l'asile en France. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 février 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 29 octobre 2020. Par un arrêté du 2 novembre 2020, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 19 mars 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions présentées le 1er avril 2021, tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont, par suite, irrecevables.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

4. Par un arrêté n° 2020-00799 du 1er octobre 2020, régulièrement publié au recueil n° 75-2020-328 des actes administratifs spécial de la préfecture de police le même jour, le préfet de police a donné à M. B... F..., attaché d'administration de l'État au sein du 12ème bureau de la direction générale de la préfecture de police et signataire de la décision attaquée, délégation à effet de signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Il ressort de l'original de cet arrêté, produit en défense, qu'il comporte la signature de M. D... G..., préfet de police. La circonstance que l'ampliation de cet arrêté ne comporte pas la signature de son auteur est sans incidence sur sa légalité. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été pris par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. L'arrêté du 2 novembre 2020 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 511-1 I 6° sur le fondement duquel le l'obligation de quitter le territoire français a été prise, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. Il est mentionné que Mme A..., entrée en France le 27 janvier 2018 selon ses déclarations, a déposé une demande de protection internationale qui a été rejetée par une décision de l'OFPRA, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Il est également indiqué que la décision ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale. Ainsi, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci [...] ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a indiqué, dans les motifs de l'arrêté contesté, que la demande d'asile présentée par Mme A... avait été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 28 février 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile. Les mentions de la fiche " TelemOfpra ", produite en défense, indiquent que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant le recours de Mme E... a été lue le 29 octobre 2020. Mme A... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la véracité de cette mention. Ainsi, et en application des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'intéressée disposait du droit de se maintenir en France jusqu'au 29 octobre 2020. Par suite, c'est sans méconnaître ces dispositions que le préfet de police a prononcé l'arrêté attaqué, daté du 2 novembre 2020.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Par ailleurs, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Mme A... se prévaut de ces stipulations, en faisant valoir qu'elle vit avec un ressortissant malien, demandeur d'asile, avec lequel elle a eu deux enfants, nés le 29 août 2018 et le 19 mai 2020, et avec son enfant née d'une précédente union. Toutefois, d'une part, la production de l'acte de naissance des deux enfants qu'elle a eu avec M. C..., qui est également en situation irrégulière en France, ne suffit pas à établir la réalité de la vie commune avec celui-ci, d'autre part, Mme A... n'établit pas que la vie familiale ne pourrait pas se poursuivre en Côte d'Ivoire, pays dans lequel elle n'établit pas ni même n'allègue être dépourvue d'attaches privées et familiales et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision litigieuse de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Pour les mêmes raisons, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays d'éloignement :

12. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Si Mme A... soutient qu'elle a quitté la Côte d'Ivoire pour échapper à un mariage forcé, et qu'elle risque des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays, elle n'apporte aucune précision ni justification à l'appui de ses allégations, qui restent très générales, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la Cour national du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet police.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2022.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01695 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01695
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : GRIOLET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-01;21pa01695 ?
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