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01/04/2022 | FRANCE | N°21PA01584

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 01 avril 2022, 21PA01584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande en date du 23 janvier 2020 tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 2000355 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoires enregistrés les 26 mars et 5 août 2021, M. E..., représentée par Me Ca

yuela, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000335 du 26 janvier 2021 du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande en date du 23 janvier 2020 tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 2000355 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoires enregistrés les 26 mars et 5 août 2021, M. E..., représentée par Me Cayuela, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000335 du 26 janvier 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision de rejet de sa demande en date du 23 janvier 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française est entaché d'erreur de droit ;

- la décision attaquée n'est pas motivée ;

- il a fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de M. C..., son supérieur hiérarchique ; en lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, l'administration a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2021, la rectrice de l'Académie de Grenoble conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. E... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les observations de Me Cayuela, pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., professeur de lycée professionnel en peinture et revêtements depuis le 1er septembre 2002, a été affecté sur un poste d''assistant technique chef de travaux au Lycée F..., au sein de l'académie de Grenoble pour l'année scolaire 2018/2019. Par arrêté du 4 juillet 2019, il a été mis à disposition de la Polynésie française au titre de l'année 2019/2020. Par lettre du 23 janvier 2020, il a sollicité de la rectrice de l'académie de Grenoble le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral qu'il estimait avoir subi de la part de son supérieur hiérarchique lorsqu'il était en poste à A..., en " cas [de] retour de droit dans l'académie d'origine, après [sa] mise à disposition en Polynésie ". M. E... relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus opposé à sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

3. M E... soutient que le rejet de sa demande n'est pas motivé. Toutefois, d'une part, à supposer même qu'une décision implicite de rejet était née à la date à laquelle il a présenté sa demande devant le tribunal administratif, compte tenu des prorogations de délais applicables pendant la période d'urgence sanitaire, M. E... ne justifie pas avoir sollicité la communication de la motivation de cette décision implicite. D'autre part, la décision du 29 juillet 2020 par laquelle sa demande a été expressément rejetée est suffisamment motivée en droit et en fait. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du rejet de la demande de M. E... ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. Par ailleurs, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Il ressort des pièces du dossier que du 11 mars au 5 avril 2019, M. E... a été placé en arrêt de travail en raison d'un traumatisme subi au niveau de son épaule gauche dans le cadre d'une activité sportive, lequel traumatisme a nécessité plusieurs examens médicaux. S'il est vrai que M. D..., supérieur hiérarchique de M. E..., a tenté à plusieurs reprises de prendre contact avec ce dernier dès le début de son arrêt de travail, il ressort des pièces du dossier, notamment du constat d'huissier produit par M. E... lui-même, que les messages de M. D... étaient simplement destinés à prendre des nouvelles du requérant, lequel restait libre, comme il l'a d'ailleurs fait, de demeurer taisant sur son état de santé. Par ailleurs, si M. E... fait valoir que M. D... a décidé de prendre en charge lui-même l'organisation d'épreuves de CAP alors que cette mission lui avait initialement été confiée, les conditions dans lesquelles se sont déroulées ces faits ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, pas plus que ne l'est la circonstance que M. D... ait tardivement notifié au requérant son arrêté d'affectation en Polynésie française. Au surplus, il ressort des termes même de la demande de protection fonctionnelle que M. E... a formée, qu'il n'a entendu en demander le bénéfice que dans l'hypothèse où il serait réintégré dans son poste au Lycée Galilée de A... à l'issue de sa mise à disposition en Polynésie française. Or, à la date de la décision attaquée, cette condition n'était pas satisfaite. Dans ces conditions, c'est sans erreur de droit ni erreur d'appréciation que la rectrice de l'Académie de Grenoble a refusé à M. E... le bénéfice de la protection fonctionnelle.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'Académie de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 1er avril 2022.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01584 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01584
Date de la décision : 01/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CAYUELA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-01;21pa01584 ?
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