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29/03/2022 | FRANCE | N°21PA05835

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 mars 2022, 21PA05835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 novembre 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour valable dix ans.

Par une ordonnance n° 2000039 du 17 novembre 2020, le président de la onzième chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Taleb, demande à la

cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2019 du pré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 novembre 2019 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour valable dix ans.

Par une ordonnance n° 2000039 du 17 novembre 2020, le président de la onzième chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Taleb, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler la décision du 20 novembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de résident valable dix ans dans le délai de quatre mois ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité de l'ordonnance :

- le premier juge a méconnu son droit à un recours effectif en procédant par voie d'ordonnance ; il a fait une application erronée des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'une carte de résident :

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en se fondant à tort sur les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que seules les stipulations de l'accord franco-marocain lui étaient applicables ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle réside régulièrement sur le territoire français depuis l'âge de dix ans, son père étant de nationalité française et sa mère en possession d'un titre de séjour, qu'elle y a effectué sa scolarité et justifie de son intégration.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 20 octobre 1991, est entrée sur le territoire national à l'âge de dix ans, et a ensuite été autorisée à résider en France sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle régulièrement renouvelée. Lors du dernier renouvellement de sa carte de séjour, elle a sollicité la délivrance d'une carte de résident valable dix ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande par une décision du 20 novembre 2019. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 17 novembre 2020 par laquelle le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...)." ;

3. À l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montreuil, Mme B... a notamment soulevé le moyen tiré de ce que le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en se fondant à tort sur les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que seules les stipulations de l'accord franco-marocain lui étaient applicables. Ce moyen n'était, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, ni inopérant ni irrecevable. Dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale de statuer sur la demande de Mme B.... Le président de la onzième chambre du tribunal administratif de Montreuil ne pouvait par suite rejeter la demande de l'intéressée en application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dès lors que les conditions exigées par cet article n'étaient pas réunies. L'ordonnance attaquée est donc entachée d'irrégularité et doit être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité de la décision du 20 novembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et portant la mention " salarié " (...). Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de 10 ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence (...). ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Il résulte de ces stipulations que l'accord franco-marocain renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et sont nécessaires à sa mise en œuvre. Ainsi, l'accord franco-marocain prévoyant seulement la prise en compte des " moyens d'existence ", il doit être fait référence, pour apprécier les ressources du demandeur d'un titre de séjour valable dix ans sur la période de trois ans précédant sa demande, aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (...) ".

6. D'une part, il résulte de ce qui a été énoncé au point précédent que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur de droit en faisant application, en l'espèce, de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour apprécier le caractère stable et suffisant des moyens d'existence en France de Mme B....

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a perçu au cours des trois années précédant sa demande, présentée le 18 juillet 2016, un revenu inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance visé par l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors même que l'intéressée résidait en France en situation régulière depuis 2002 et y travaillait depuis de nombreuses années, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des stipulations et dispositions citées au point 5 du présent arrêt en rejetant sa demande au motif que ses moyens d'existence n'étaient pas suffisants pour que lui soit délivré un titre de séjour valable dix ans.

8. En second lieu, si Mme B... se prévaut de sa présence en France depuis 2002, de ce que son père et sa sœur sont de nationalité française et de ce que sa mère et son frère sont titulaires de cartes de séjour, aucune circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'elle poursuive sa vie familiale sur le territoire français dès lors qu'elle est autorisée à y résider régulièrement et à y exercer une activité professionnelle, en dernier lieu sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 20 novembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par Mme B... à fin d'annulation de la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis, n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer de lui délivrer une carte de résident valable dix ans.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme demandée par la requérante au bénéfice de son conseil, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Montreuil n° 2000039 du 17 novembre 2020 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

La rapporteure,

G. C...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05835
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : TALEB

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-29;21pa05835 ?
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