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29/03/2022 | FRANCE | N°21PA05191

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 29 mars 2022, 21PA05191


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 août 2020 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2107494/1-1 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 septembre 2021 et

1er mars 2022, M. C..., représenté par Me Brevan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 août 2020 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2107494/1-1 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 septembre 2021 et 1er mars 2022, M. C..., représenté par Me Brevan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de police du 6 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour " membre de famille d'un citoyen de l'Union " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- c'est à tort que le tribunal a retenu que l'arrêté du préfet n'était pas entaché d'une erreur de droit au regard des articles L. 121-1, L.121-3 et R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'erreurs manifeste d'appréciation, de méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit au regard des articles L. 121-1, L.121-3 et R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est le père d'un enfant de nationalité néerlandaise et est le concubin de la mère de cet enfant, Mme B..., ressortissante d'un pays membre de l'Union européenne ;

- cette décision porte une atteinte excessive à son droit à une vie privée et familiale normale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de l'intensité de sa vie privée et familiale en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 août 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ghanéen né le 19 décembre 1970, a sollicité le 15 juillet 2020 son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de conjoint d'une citoyenne de l'Union européenne. Par un arrêté du 6 août 2020, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 12 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. C... soutient que le tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'irrégularité en retenant à tort que l'arrêté du préfet n'était pas entaché d'une erreur de droit au regard des articles L. 121-1, L.121-3 et R. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'erreurs manifeste d'appréciation, de méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur la régularité de ce dernier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la décision portant refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois ". Aux termes de l'article R. 121-2-1 de ce code : " Après un examen de sa situation personnelle, l'autorité administrative peut appliquer les dispositions des articles R. 121-1 et R. 121-2 à tout ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, ne relevant pas des 4° et 5° de l'article L. 121-1 : / (...) 3° S'il atteste de liens privés et familiaux durables, autres que matrimoniaux, avec un ressortissant mentionné aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 121-1 ". Il résulte de ces dispositions que les liens autres que matrimoniaux doivent faire l'objet d'un examen de la situation personnelle du demandeur du titre de séjour et ne permettent pas la délivrance automatique d'un titre.

4. M. C... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il soutient être entré en France le 2 janvier 2013 et vivre en concubinage avec une ressortissante néerlandaise, avec qui il a un enfant mineur, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas marié avec sa compagne et ne peut ainsi être regardé comme le conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne au sens des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, M. C... ne peut prétendre à la délivrance automatique d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne. En outre, il n'établit pas que sa concubine justifierait de moyens suffisants pour assurer sa prise en charge financière et sociale, son maintien sur le territoire français n'étant donc pas justifié au regard des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, s'il soutient, sans toutefois l'établir, que la mère de son enfant serait retournée aux Pays-Bas, cette circonstance, postérieure à l'édiction de la décision du préfet, ne peut lui ouvrir droit à un titre de séjour sur le territoire français en application des dispositions citées au point précédent. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 121-3 du même code.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

6. M. C... fait valoir qu'il est entré en France le 2 janvier 2013, qu'il y est parent d'un enfant né le 2 mai 2013 issu de sa relation avec une ressortissante néerlandaise, que son fils a toujours vécu en France où il est scolarisé, qu'il y réside avec son fils depuis le 1er octobre 2020 et qu'il exerce l'activité d'agent de service depuis le 1er février 2019 sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé ne fournit pas d'éléments suffisamment probants de nature à justifier de sa présence habituelle en France avant l'année 2019. Par ailleurs, M. C... en se bornant à produire neuf mandats Western Union d'un montant moyen de 45 euros pour la période allant de 2018 à 2020 et les certificats de scolarité de son fils, n'établit pas contribuer à son éducation et à son entretien. Il n'établit pas non plus avoir une relation stable et réelle avec la mère de l'enfant, dont il indique qu'elle est repartie vivre aux Pays-Bas, en ne produisant qu'une attestation d'hébergement indiquant qu'ils vivaient ensemble depuis octobre 2020, soit une date postérieure à la décision attaquée. Enfin, la décision en litige n'a pas pour effet de séparer M. C... de son enfant, ni de sa compagne, dès lors qu'aucun obstacle sérieux ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue aux Pays-Bas, dont sa compagne est ressortissante. Dans ces conditions, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et ne peut être regardée comme ayant été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de son enfant français né en 2013. Ainsi, les moyens tirés de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés, tout comme celui tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Compte tenu de ce qui précède, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, par voie d'exception d'illégalité du refus de séjour, ne peut être qu'écarté.

8. Pour les motifs mentionnés au point 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés, tout comme celui tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle du requérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience publique du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Dominique Jayer, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05191
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BREVAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-29;21pa05191 ?
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