Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 1813540, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et une somme de 18 553,80 euros en réparation de son préjudice financier en raison des fautes commises à son encontre.
Par un jugement n° 1813540 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Velasco, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1813540 du 7 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la ville de Paris à l'indemniser de la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle aurait subi et de la somme de 18 553,80 euros en réparation du préjudice financier qu'elle aurait subi ;
2°) de condamner la ville de Paris à l'indemniser des montants réclamés en première instance ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la ville de Paris a commis une faute en ne respectant pas la promesse qui lui avait été faite de renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée ;
- la décision de non-renouvellement de son contrat est entachée de vices de procédure (absence de préavis et d'entretien) ;
- elle n'est justifiée ni par l'intérêt du service ni par sa manière de servir ;
- la collectivité territoriale a commis une faute en renouvelant abusivement pendant plus de six ans ses contrats de travail à durée déterminée, ce qui l'a placée dans une situation de précarité ;
- elle a été privée de la possibilité d'être indemnisée au titre du chômage ;
- elle a subi un préjudice moral qui justifie l'octroi d'une indemnité de 5 000 euros, ainsi qu'un préjudice financier qu'elle évalue à 18 553,80 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2021, la ville de Paris représentée par la SELARL Inter-Barreaux Centaure, avocats, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le grief tiré du non-respect par la ville de Paris de la promesse d'engagement dont la requérante aurait été destinataire est irrecevable, faute d'avoir été soulevé devant les premiers juges ou au stade de la réclamation préalable ;
- les autres griefs, tirés du défaut de préavis, du défaut d'entretien, de la succession des contrats à durée déterminée, et de l'absence de motif de renouvellement, sont irrecevables car présentés pour la première fois en appel ;
- l'ensemble des moyens soulevés n'est pas fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 7 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée par la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 mars 2022 :
- le rapport de Mme Boizot,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Safatian pour la ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été employée par la ville de Paris en qualité d'agent technique des écoles contractuel, dans différentes écoles des 11ème et 12ème arrondissements, à titre de remplacement d'absences ou de vacances de poste, entre le 2 octobre 2008 et le 31 décembre 2015, en vertu de seize contrats à durée déterminée, conclus à temps plein ou à temps partiel, pour une durée comprise entre 28 jours et 1 an. Par courrier du 19 mai 2016, Mme A... a sollicité la conclusion d'un nouveau contrat de travail à compter du mois de septembre suivant. L'intéressée, qui n'a été recrutée par la suite que du 13 juillet 2017 au 31 août 2017, a sollicité, par courrier du 3 avril 2018, l'indemnisation des préjudices moral et financier qu'elle estimait avoir subis du fait des fautes commises à son encontre par la ville de Paris. Cette réclamation ayant été implicitement rejetée, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de la ville de Paris de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis. Mme A... relève appel du jugement du 7 janvier 2020 qui a rejeté ses demandes.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la ville de Paris :
2. Tout d'abord, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.
3. En l'espèce, si Mme A... invoque pour la première fois en appel des fautes tirées de l'existence d'une promesse de renouvellement de contrat, du défaut de préavis, du défaut d'entretien, de la succession de contrat à durée déterminée et du défaut de motif de non-renouvellement, ces moyens se rattachent aux conséquences dommageables du fait générateur invoqué dans la demande de première instance, constitué par le non-renouvellement de son contrat. En outre, il convient de relever que les moyens tirés de l'absence d'entretien et de l'absence de motif de non-renouvellement étaient présentés en première instance. Par suite, ces fins de non-recevoir soulevées en défense doivent être écartées.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la faute :
4. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.
5. La ville de Paris soutient que la décision attaquée est fondée sur l'intérêt du service au motif que l'ensemble des postes du service dans lequel Mme A... était affectée était pourvu. A défaut de fournir des éléments permettant d'étayer cette affirmation, la décision de la ville de Paris portant non-renouvellement de son contrat à durée déterminée doit être regardée comme ne reposant pas sur des motifs tirés de l'intérêt du service. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que la décision de non-renouvellement de contrat a été prise pour un motif étranger à l'intérêt du service. Cet agissement est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la ville de Paris.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que la responsabilité de la ville de Paris doit être engagée du fait de la faute commise et à obtenir la réparation des préjudices en lien direct avec cette faute.
En ce qui concerne les préjudices :
7. Lorsqu'un agent public sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision de ne pas renouveler son contrat ou de le modifier substantiellement sans son accord, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité de l'illégalité, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure, et des troubles dans ses conditions d'existence.
8. Il résulte de l'instruction que Mme A..., qui était âgée de 40 ans à l'issue de son contrat et qui a exercé une activité d'agent technique des écoles pendant sept années au cours de la période comprise entre décembre 2015 et décembre 2018 au sein de différentes écoles de la ville de Paris, s'est retrouvée sans emploi avec trois enfants à charge. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A..., qui n'avait aucun droit au renouvellement de son contrat, en l'évaluant à la somme de 5 000 euros, tous dommages compris.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, d'une part, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire et que, d'autre part, la ville de Paris doit être condamnée à lui verser la somme totale de 5 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la ville de Paris au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de la ville de Paris au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Velasco renonce à la part contributive de l'Etat.
D E C I D E
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 janvier 2020 est annulé.
Article 2 : La ville de Paris est condamnée à verser à Mme A... la somme de 5 000 euros.
Article 3 : La ville de Paris versera une somme de 1 500 euros à Me Velasco, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions présentées par la ville de Paris au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la maire de la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 mars 2022.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03236