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24/03/2022 | FRANCE | N°21PA04974

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 24 mars 2022, 21PA04974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public territorial Plaine Commune à lui verser une somme de 88 740,74 euros, assortie des intérêts légaux en réparation du préjudice subi en raison de l'illégalité des décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le président de l'établissement public a exercé son droit de préemption sur les lots n° 110 et 111 correspondant à deux appartements situés à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Par un jugement n

2000942 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public territorial Plaine Commune à lui verser une somme de 88 740,74 euros, assortie des intérêts légaux en réparation du préjudice subi en raison de l'illégalité des décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le président de l'établissement public a exercé son droit de préemption sur les lots n° 110 et 111 correspondant à deux appartements situés à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Par un jugement n° 2000942 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 septembre et 16 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Jorion, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000942 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision implicite refusant de faire droit à sa demande du 23 septembre 2019 ;

3°) de condamner l'établissement public territorial Plaine Commune à lui verser la somme de 88 740,74 euros, assortie des intérêts à compter du 23 septembre 2019 ;

4°) de prononcer la capitalisation des intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Plaine Commune la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement a écarté implicitement, sans y répondre, le moyen tiré de ce que le silence de l'établissement public territorial Plaine Commune révèle en fait sa volonté de contrôler les prix de l'immobilier ;

- il a écarté de façon laconique le moyen tiré du détournement de pouvoir ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

- l'établissement public territorial a commis une faute en prenant une décision de préemption illégale le 3 avril 2019 en ce qu'il ne disposait d'aucun projet suffisamment réel sur le bien préempté ;

- la faute est également constituée dès lors que cette décision est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle a pour objectif de peser sur le niveau du prix de vente, ce qui ne constitue pas un motif légalement prévu pour décider d'une préemption ;

- en proposant un prix de préemption manifestement inférieur au prix du marché puis en renonçant à la préemption en l'espace de trois mois sans explication, l'établissement public territorial Plaine Commune a entaché sa décision d'un détournement de pouvoir ;

- le préjudice subi est de 88 740,74 euros, soit 56 000 euros correspondant à la différence entre le montant figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner et le montant de la vente de chacun des biens, 1 232 euros au titre de la somme perdue du fait du retard avec lequel s'est finalement faite la vente des deux lots, 20 000 euros au titre du préjudice moral et des frais de conservation des biens et 11 508,74 euros au titre des frais de vente de ses biens aux enchères.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2021, l'établissement public territorial Plaine Commune, représenté par Me Lherminier, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête, qui se borne à reprendre les moyens développés en première instance sans soulever de moyen propre à l'encontre du jugement contesté, est pour ce motif irrecevable ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- les observations de Me Genies substituant Me Jorion, représentant M. B...,

- et les observations de Me Bakari-Gardini substituant Me Lherminier, représentant l'établissement public territorial Plaine Commune.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., propriétaire de deux lots n° 110 et 111 au sein d'une copropriété située au 33 rue Ernest Renan et au 1 rue Ferdinand Gambon à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), a signé deux promesses de vente en janvier 2019 pour un montant de 72 000 euros chacune. Les déclarations d'intention d'aliéner relatives à ces ventes ont été reçues par la commune de Saint-Denis le 7 février 2019. Par deux décisions du 3 avril 2019, l'établissement public territorial Plaine commune a exercé son droit de préemption sur ces lots pour un montant de 40 000 euros chacun. Avant l'issue de la procédure de préemption, ces biens ont été saisis dans le cadre d'une procédure judiciaire, puis vendus par adjudication sans que l'établissement public territorial Plaine commune n'exerce à nouveau son droit de préemption. Par une demande préalable indemnitaire du 23 septembre 2019, M. B... a demandé à l'établissement public territorial de l'indemniser des préjudices résultant de l'illégalité des décisions de préemption du 3 avril 2019 pour un montant de 88 740,74 euros. Cette demande a été rejetée par une décision implicite. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'établissement public territorial Plaine commune à lui verser la somme de 88 740,74 euros, assortie des intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive des décisions de préemption du 3 avril 2019. Par un jugement du 8 juillet 2021 dont il relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... soutient en premier lieu que le jugement a écarté de façon laconique le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir.

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Les premiers juges ont relevé, au point 5, que les seules circonstances que l'établissement public territorial a préempté à un prix de 40 000 euros par lot et qu'il n'a pas souhaité préempter à nouveau à l'occasion des ventes par adjudication réalisées le 28 mai et 17 septembre 2019 ne suffisent pas à établir l'existence d'un détournement de pouvoir. Ils ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.

5. M. B... soutient en second lieu que le jugement a écarté implicitement, sans y répondre, le moyen tiré de ce que le silence de la commune révèle en fait sa volonté de contrôler les prix de l'immobilier.

6. Après avoir relevé au point 4, en se fondant sur des considérations de fait précises, que le requérant n'était pas fondé à soutenir que la réalité du projet était insuffisante et que le projet ne répondait pas à l'un des objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, le jugement a exposé, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, en quoi la décision n'était pas entachée d'un détournement de pouvoir. Il a ainsi répondu au moyen soulevé.

7. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'insuffisante motivation du jugement contesté et de l'omission à statuer doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'établissement public territorial Plaine Commune :

8. M. B... fait en premier lieu grief à l'établissement public territorial Plaine Commune de ne disposer d'aucun projet suffisamment réel sur le bien préempté. Il reprend cependant en appel la même argumentation qu'en première instance en se bornant à ajouter que les décisions de préemption ne précisent pas lequel des objectifs du programme local de l'habitat communautaire, au demeurant imprécis, est poursuivi. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 4 de son jugement, précisions étant faites qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige la décision à ne mentionner qu'un seul objectif du programme local d'habitat communautaire et que le requérant ne précise pas en quoi ces objectifs seraient imprécis.

9. Si M. B... soutient en deuxième lieu que la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que les décisions de préemption contestées ont pour objectif le contrôle du niveau des prix de l'immobilier, ce qui ne constitue pas un motif légalement prévu pour décider d'une préemption, il se borne cependant à reprendre ses écritures de première instance sans apporter d'éléments nouveaux. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 4 de son jugement.

10. M. B... soutient, en dernier lieu, qu'en proposant un prix de préemption manifestement inférieur au prix du marché puis en renonçant à la préemption en l'espace de trois mois sans explication, l'établissement public territorial Plaine Commune a entaché sa décision d'un détournement de pouvoir.

11. D'une part, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les seules circonstances que l'établissement public territorial a préempté à un prix de 40 000 euros par lot et qu'il n'a pas souhaité préempter à nouveau à l'occasion des ventes par adjudication réalisées le 28 mai et 17 septembre 2019 ne suffisent pas à établir l'existence d'un détournement de pouvoir. En outre, en invoquant la seule chronologie des événements entre la décision contestée et la renonciation à la préemption, alors même qu'il ressort d'un document du 12 décembre 2017 intitulé " Présentation du dispositif de lutte contre l'habitat dégradé : OPAH / PNRQAD / NPNRU-insalubrité " établi par les services de l'Etat, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'établissement public territorial Plaine commune et la commune de Saint-Denis, que la parcelle correspondant au 33 rue Ernest Renan incluant les biens immobiliers de M. B..., est mentionnée comme devant faire l'objet d'une opération de démolition/reconstruction pour la création de 17 logements sociaux et de 600 m2 de surface commerciale, M. B... n'établit pas plus l'existence d'un détournement de pouvoir.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. L'établissement public territorial Plaine Commune n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des dispositions précitées doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... le versement à l'établissement public territorial Plaine Commune d'une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'établissement public territorial Plaine Commune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'établissement public territorial Plaine Commune.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

Le rapporteur,

J.-F. GOBEILL

Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

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N° 21PA04974


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04974
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : JORION

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-24;21pa04974 ?
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